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NESTROY JOHANN NEPOMUK (1801-1862)

Surnommé l'« Aristophane viennois », maître de la parodie et du théâtre populaire, Johann Nestroy a rendu l'accès de son théâtre difficile par l'utilisation fréquente du dialecte. Ses tendances plébéiennes, son réalisme critique l'ont longtemps fait écarter de la littérature officielle. Il s'attaque aux parvenus et aux aristocrates dégénérés. Héritier génial du théâtre populaire viennois, il est auteur et comédien de talent. Ses improvisations lui valent les foudres de la censure de Metternich. Ses aphorismes font le tour de la ville. Il a écrit quatre-vingt-trois pièces de théâtre. La première œuvre importante, Lumpazivagabundus, le mauvais esprit, ou la Feuille de trèfle dévergondée (Der böse Geist Lumpazivagabundus oder das liederliche Kleeblatt, 1833), est une parodie du conte et de la féerie. La reine des fées y est évincée par de simples artisans. Plus typique encore de la veine populaire, Au rez-de-chaussée et au premier étage (Zu ebener Erde und im ersten Stock, 1835) divise la scène en deux étages. Les pauvres en bas, le millionnaire spéculateur Goldfuchs au-dessus. Mais les hasards du jeu et des affaires intervertissent les rôles et les logis. La pièce annonce le naturalisme.

Le Talisman (1843) décrit et dénonce les préjugés qu'entretiennent les diverses couches sociales à l'encontre des rouquins. La « peur du rouge » y est magistralement caricaturée. Une perruque brune changera le sort du rouquin. L'Homme déchiré (Der Zerrissene, 1844), c'est le capitaliste qui s'ennuie malgré sa fortune et trouve guérison grâce à la saine fille paysanne Kathi. La Liberté à Trifouillis-les-Oies (Freiheit in Krähwinkel, 1848), pièce burlesque révolutionnaire, règle leur compte aux petits-bourgeois bavards et inconséquents. Nestroy s'affirme ici compagnon de Heine et, avec ce dernier, précurseur de Raabe, de Sternheim et de Tucholsky. En 1849, Nestroy écrit Le Vieil Homme et la Jeune Femme (Der alte Mann mit der jungen Frau), pièce où il proteste contre la chasse aux révolutionnaires. Cette œuvre restera interdite jusqu'en 1890.

Nestroy a également écrit de nombreuses parodies sur des œuvres de F. Hebbel, de R. Wagner, etc. L'humour de Nestroy excelle dans les dialogues, les monologues et les couplets. Karl Kraus l'a comparé à Shakespeare et dit de lui qu'il était le premier auteur satirique dont « la langue se préoccupait directement des choses ». Virtuose de la dialectique, Nestroy démasque la fausse noblesse du langage littéraire. Ses laquais parlent comme Schiller et mettent à nu l'hypocrisie des belles manières. Les jeux de mots et les néologismes, qu'il met dans la bouche des simples gens, sont toujours fondés sur une critique acerbe et alerte des injustices sociales.

— Marie-Claude DESHAYES

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Pour citer cet article

Marie-Claude DESHAYES. NESTROY JOHANN NEPOMUK (1801-1862) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AUTRICHE

    • Écrit par Roger BAUER, Jean BÉRENGER, Annie DELOBEZ, Universalis, Christophe GAUCHON, Félix KREISSLER, Paul PASTEUR
    • 34 125 mots
    • 21 médias
    Johann Nepomuk Nestroy (1801-1862) ne croit plus aux miracles de la bonté. Ses féeries sont en fait des antiféeries ; elles réfutent l'idée d'harmonie universelle à laquelle Raimund s'accrochait encore. Pour les gredins endurcis de Nestroy, il n'y a plus d'amendement ni de rédemption : au mieux, ils...

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