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JEUX OLYMPIQUES Les boycottages des Jeux

Le 8 mai 1984, un bref communiqué du Kremlin annonce que l'U.R.S.S. ne participera pas aux jeux Olympiques de Los Angeles. Pour la troisième fois consécutivement, les jeux Olympiques d'été sont boycottés par plusieurs pays pour des raisons politiques. Mais le boycottage de cet événement sportif majeur peut-il avoir une quelconque raison d'être et, si oui, les États peuvent-ils en espérer une efficacité politique ?

Une longue histoire

Dès avant l'action lancée dans le comté de Mayo (Irlande) par des fermiers de la ligue agraire de Charles Parnell qui déclenchèrent en 1879 un blocus à l'encontre de leur propriétaire, Charles Cunningham Boycott, qui entraîna sa ruine et fit naître le terme, le boycottage fut un rouage de l'action politique et économique. Avec la visibilité accrue des événements sportifs et notamment des jeux Olympiques, les États disposèrent d'une nouvelle arme médiatico-politique dont ils usèrent et abusèrent dans les années 1970 et 1980, avec pour toiles de fond l'émancipation de l'Afrique et la guerre froide.

Le boycottage des jeux Olympiques naît en fait avec ceux-ci, puisqu'une délégation turque refuse de participer à l'édition de 1896 pour cause de différends frontaliers avec la Grèce ! Cette question revient sur le devant de la scène en 1936, à l'occasion des Jeux de Berlin organisés par l'Allemagne nazie. En effet, des appels au boycottage sont lancés aux États-Unis, où la question juive est particulièrement sensible. Mais Avery Brundage, président du Comité olympique américain, se démène pour éviter celui-ci : après une tournée en Europe de six journées, où il s'entretient notamment avec Karl Ritter von Halt, président du comité d'organisation des Jeux d'hiver de Garmisch-Partenkirchen, qui lui assure que la question juive est « mineure en Allemagne », et lors de laquelle il visite Berlin où les signes antisémites trop visibles sont camouflés, il déclare à son retour que « les Juifs allemands sont contents de leur sort d'un point de vue sportif ». En définitive, malgré de nombreuses protestations outre-Atlantique, les sportifs américains prennent part à ces Jeux. En Europe, seul le mouvement ouvrier ne se satisfait pas de voir les Jeux de 1936 annexés par les nazis ; il appelle au boycottage et tente d'organiser des contre-Jeux à Barcelone, les olympiades populaires, lesquelles sont annulées à la suite du pronunciamiento militaire de Francisco Franco. En France, le gouvernement de Front populaire refuse d'envisager le boycottage des Jeux de Berlin et tous les députés, à l'exception de Pierre Mendès France, votent les subventions nécessaires pour assurer la participation des sportifs français aux Jeux de Berlin. Les Jeux de Berlin ne sont donc boycottés par personne...

Vingt ans plus tard, en 1956, sept pays boycottent les Jeux de Melbourne, pour trois raisons différentes. Le monde est tout d'abord secoué par la crise de Suez. Le 26 juillet 1956, Gamal Abdel-Nasser, président de la République arabe d'Égypte, décrète la nationalisation du canal de Suez, provoquant l'ire de la France et du Royaume-Uni, qui lancent une opération militaire dans la région le 30 octobre. Opérant au côté des Français et des Britanniques, l'armée israélienne passe à l'offensive dans le Sinaï, déclenchant la deuxième guerre israélo-arabe. En réaction à ces événements, l'Égypte, l'Irak et le Liban décident de boycotter les Jeux. Le 4 novembre, l'Armée rouge pénètre dans Budapest et les chars soviétiques vont écraser l'insurrection hongroise. L'Occident ne réagit guère, Avery Brundage, désormais président du C.I.O., dénonce par avance toute idée de boycottage : « Les jeux Olympiques sont des compétitions entre individus et non entre nations. » Néanmoins, l'Espagne, les [...]

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Écrit par

  • : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs

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Pour citer cet article

Pierre LAGRUE. JEUX OLYMPIQUES - Les boycottages des Jeux [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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