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CHARYN JEROME (1937- )

« Fantômas ne s’arrête jamais. Son véritable masque, c’est le fait de toujours se déplacer. Il se trouve toujours hors de portée de l’endroit où vous espériez le saisir. » Voici ce que disait Isaac Sidel à l’Académie dans El Bronx (1997). Jerome Charyn lui non plus ne s’arrête jamais. On le connaît surtout comme le créateur du commissaire Isaac Sidel, principal héros de sa série de romans policiers (Zyeux-bleus, Marilyn la dingue, Un bon flic, etc.). Ce policier new-yorkais atypique, un peu pataud, juif, intellectuel et romantique – dans Citizen Sidel(1999), il imagine une école de police où l’on étudierait Shakespeare, Dostoïevski et Chester Himes plutôt que le droit pénal – a gardé quelque chose de naïf. Il semble égaré dans un chaos urbain où les princesses aux pieds nus côtoient des présidents, où les gangsters vouent un culte à Changó (dieu cubain de la foudre et des métamorphoses), où passent des enfants criminels muralistes latinos, des femmes-enfants séductrices. D’abord inspiré par le cinéma et la bande dessinée avant de rencontrer James Joyce et William Faulkner, cet écrivain a créé un monde baroque et violent où vérité et identités fluctuent follement, où ordre et désordre se confondent. Un univers frénétique et loufoque, où se croiseraient Raymond Chandler, Woody Allen, Groucho Marx, l’Alice de Lewis Carroll, Robin des Bois et Fantômas.

L’écrivain sans domicile fixe

Né en 1937 dans le Bronx, à New York, de parents juifs ayant fui l’Europe de l’Est – le père, polonais, était ouvrier fourreur, la mère, biélorusse, était croupière dans un tripot – Jerome Charyn, comme Paul Auster, fait partie de ces écrivains à jamais apatrides, juifs errants hantés par un passé et un ailleurs qui leur interdisent toute demeure. Repéré en 1977 par Marcel Duhamel, le « patron » de la Série noire, il est plus connu en France, pays où il a choisi de s’installer, qu’aux États-Unis, pays dont il est originaire, et qui, avec la ville de New York, fournit la matière de ses très nombreux livres, qu’ils soient de fiction ou non. Cet exil volontaire constitue d’ailleurs la condition existentielle fondatrice de son écriture. Ainsi fait-il du nomadisme sa condition humaine : « J’habite sur une colline qui domine le cimetière Montparnasse, mais une colline, ce n’est pas une maison, un chez-soi. C’est là que je campe, comme un Bédouin », écrit-il dans Le Cygne noir(2000), deuxième volet de son autobiographie qui fait suite à La Belle Ténébreuse de Biélorussie (1996). Le cimetière, c’est là que Charyn peut contempler un passé qui n’en finit pas de revenir et d’alimenter une créativité échevelée. La confrontation au français est une manière de retrouver une expérience douloureuse mais originelle, celle de parents immigrés aux États-Unis, que Charyn, dans son histoire du New York de la première moitié du xxe siècle (Metropolis : New York as Myth, Marketplace and Magic Land, 1986), imagine ainsi : « Mes parents n’ont jamais réussi à apprendre l’anglais. Ils ont dû vivre dans ce vide, cette absence de langage. C’est aussi pour cette raison que je ne me sens ni américain ni européen, car j’ai hérité de ce vide. » D’où l’appel constant d’une autre langue, d’une mémoire pétrie de hantise et de culpabilité, qui viendrait violenter l’anglais et lui imprimer un rythme et une musique sauvages.

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Yves-Charles GRANDJEAT. CHARYN JEROME (1937- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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