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CHANGEUX JEAN-PIERRE (1936- )

Jean-Pierre Changeux, né le 6 avril 1936 à Domont (Val-d'Oise) est en 1955 élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm en biologie. Major de l'agrégation des sciences naturelles en 1958, il débutera sa carrière scientifique en décrivant de nouveaux copépodes parasites au laboratoire Arago de Banyuls et sera enlevé à la zoologie par Jacques Monod, dans le laboratoire duquel il passera en 1964 une thèse brillante sur les changements concertés de conformation de protéines régulatrices, les transitions allostériques. Changeux s'oriente alors vers le fonctionnement du système nerveux, d'abord au niveau moléculaire puis de plus en plus vers une dimension cognitive. Il est connu du grand public pour ses nombreux écrits cherchant à articuler la neuroscience – Changeux tient à ce singulier qui en affirme la dimension disciplinaire – avec les diverses activités humaines : le premier fut L'Homme neuronal en 1983. Changeux a mené presque toute sa carrière scientifique à l'Institut Pasteur. Il a été professeur au Collège de France de 1975 à 2006, et est membre de l'Académie des sciences depuis 1988. Changeux est membre de nombreuses académies étrangères et a reçu de nombreuses distinctions. Parmi ses fonctions non scientifiques, il a été de 1992 à 1998 président du Comité national consultatif d'éthique de France.

La trajectoire scientifique de Changeux débute avec l'étude du contrôle de l'activité d'une enzyme, la thréonine désaminase, par le produit final de la chaîne métabolique que cette enzyme initie. Cette rétro-inhibition, qui adapte la vitesse de synthèse d'une substance aux besoins de la cellule, est due à des changements de conformation dits allostériques de l'enzyme, dont Jacques Monod disait qu'ils étaient le second secret de la vie, après le code génétique. L'intérêt de Changeux pour le système nerveux s'organise autour des fonctions de l' acétylcholine, un des médiateurs chimiques de la transmission entre neurones, lors de sa collaboration avec Nachmanson à l'université Columbia à New York vers la fin des années 1960. Changeux ne cessera plus depuis lors d'étudier la structure moléculaire du récepteur nicotinique à l'acétylcholine, son lien structural avec un canal ionique, son rôle dans la physiologie des synapses et la physiologie générale du système nerveux. Changeux s'interroge sur le rôle du récepteur dans la dépendance à la nicotine, divers comportements et maladies mentales. Au cours de ces dernières années, la possibilité de moduler par voie pharmacologique l'activité du récepteur nicotinique pour aborder diverses maladies du système nerveux est un de ses centres d'intérêt.

Le travail scientifique de Changeux ne peut pas être séparé de son activité de théoricien. De ce point de vue, sa première contribution, avec Philippe Courrège en 1974, fut la formulation d'un modèle selon lequel, au cours du développement du système nerveux, seules les synapses fonctionnelles seraient stabilisées au sein du réseau, les autres étant éliminées. Ce modèle repris par Gerald Edelman, sous le nom de darwinisme neuronal, est à l'origine de sa théorie de la conscience. Changeux s'intéresse ensuite aux bases neuronales des fonctions cognitives et à l'élaboration de leurs « productions » par traitement des informations au sein de réseaux neuronaux. Ce travail largement mené avec Stanislas Dehaene a débouché sur des modèles de l'apprentissage chez l'animal (chants d'oiseau) et chez l'homme (capacités de calcul numérique). Au début des années 2000, ces deux auteurs ont avancé un modèle de perception consciente intégrant données subjectives et données physiologiques.

Changeux contribue de ce fait à des débats intellectuels majeurs. Ils[...]

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

Classification

Pour citer cet article

Gabriel GACHELIN. CHANGEUX JEAN-PIERRE (1936- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CERVEAU HUMAIN

    • Écrit par André BOURGUIGNON, Cyrille KOUPERNIK, Pierre-Marie LLEDO, Bernard MAZOYER, Jean-Didier VINCENT
    • 12 782 mots
    • 9 médias
    Avec J.-P. Changeux, nous arrivons à saisir ce que peut apporter en ce domaine un regroupement des sciences. Cet auteur rappelle que le neurone, base unitaire essentielle du fonctionnement cérébral, se présente en réalité sous un double aspect biologique ; d'une part, c'est un tout complexe, comme l'est...
  • HÉMOGLOBINE

    • Écrit par Max Ferdinand PERUTZ
    • 3 883 mots
    • 7 médias
    En 1965, Jacques Monod et J.-P. Changeux, ainsi que Jeffries Wyman ont expliqué cette particularité par la notion d' allostérie. Selon celle-ci, les deux structures se distinguent par l'arrangement des sous-unités et par le nombre et la force de leurs liaisons mutuelles. L'une peut développer...
  • LIAISONS CHIMIQUES - Liaisons biochimiques faibles

    • Écrit par Antoine DANCHIN
    • 5 900 mots
    • 9 médias
    ...énergie pouvant lui donner une telle fonction. La seconde théorie a été proposée par Jacques Monod, qui en a donné une écriture formelle, avec J. Wyman et J.-P. Changeux. Il suppose que les sous-unités de l'enzyme interagissent entre elles de telle façon qu'il existe, dans le milieu considéré, ...
  • MATIÈRE/ESPRIT (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 374 mots
    ...questionnent, aujourd’hui plus que jamais, les rapports entre la pensée et la matière. Certains de ces scientifiques prennent des positions extrêmes, tel Jean-Pierre Changeux, chef de file en France de l’école physicaliste qui réduit la pensée à notre système neuronal (L’Homme neuronal, 1983)....

Voir aussi