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DOMAT JEAN (1625-1696)

Jean Domat est le plus célèbre représentant du droit au siècle de Louis XIV. Ami de Blaise Pascal, qui lui confia à sa mort ses papiers personnels, il appartient, comme lui, à cette famille d'humanistes qui incarne l'esprit classique du xviie siècle. Scientifique, théologien et philosophe, à l'instar de beaucoup de ses contemporains, il pratique tout naturellement la « pluridisciplinarité ».

Et cependant, il ne supporte guère la comparaison avec le génial auteur des Lettres provinciales. L'œuvre de Domat est celle d'un juriste austère, elle est au surplus peu convaincante. Partisan du droit naturel, il arrive trop tard après Grotius. Mais il arrive trop tôt en droit privé, où les véritables précurseurs de l'unification du droit, réalisée avec le Code civil de 1804, sont d'Aguesseau et Pothier.

Domat a néanmoins autant de mérite que ses successeurs. Il souffre surtout d'être jugé en fonction du Grand Siècle. Autant qu'en droit privé, c'est dans le domaine du droit public que sa véritable originalité se manifeste et ses conceptions se situent très au-delà de celles de son époque.

Un janséniste

Élève des Jésuites, « il se désabusa bientôt des fausses préventions qu'on lui avait inspirées dans le collège des Jésuites » (V. Cousin, Documents inédits sur Domat). L'amitié de Pascal, qui se convertit au jansénisme, n'est pas étrangère à cette transformation, et cela bien que Domat ait compté plusieurs membres de sa famille dans la Compagnie. Fidèle à son ami, intransigeant sur la doctrine, il préférera courir le risque de la persécution plutôt que d'abandonner la cause janséniste ; il s'élèvera avec vigueur contre les insinuations des Jésuites relatives à une rétractation de Pascal à l'article de la mort. Homme de caractère, il le sera tout particulièrement dans l'exercice de sa profession. Avocat du roi au présidial de Clermont-Ferrand, sa ville natale, et cela dès l'âge de trente-deux ans, il remplit ses fonctions avec autant d'autorité que de probité. Ni le haut rang des justiciables ni l'intervention des puissants du régime ne parviennent à infléchir les décisions du magistrat.

Sa vie privée témoigne tout autant de son intransigeance sur les principes ; c'est ainsi qu'il fait peu de cas de la fortune. « Le désintéressement de M. Domat ne pouvait être plus grand, il aimait tendrement sa famille qui était assez nombreuse, il en sentait les besoins et néanmoins ses amis ne pouvaient lui persuader de diminuer les gratis dans les affaires où il était employé... » (V. Cousin). Il rédigera un mémoire tendant à ce que « les procès et instances des pauvres, au civil et au criminel, seront instruits et jugés sans frais et émoluement », ce que réalisera la moderne assistance judiciaire.

Ennemi de toute distraction (« Travaillons, nous nous reposerons dans le Paradis »), le magistrat parfait sa connaissance du droit romain, la raison écrite de l'époque, en annotant les compilations de Justinien. Puis il s'efforce de classer les règles juridiques non périmées en fonction de leur importance et de les relier selon un ordre rationnel, cela « pour son usage particulier et pour ses enfants qui voudraient prendre le parti de la robe ». Sur les instances de ses amis qui excipent de l'intérêt public, Domat porte ses travaux à la connaissance du roi. « Louis XIV, qui rêve de couronner son œuvre en attachant son nom à l'unification de la législation française, voit immédiatement tout le parti qu'on peut tirer d'un ouvrage comme celui-là » (B. Baudelot, Un grand jurisconsulte du XVIIe siècle : Jean Domat). Une importante pension est octroyée à Domat qui résilie sa charge pour venir à Paris poursuivre son travail. Il y meurt littéralement à la tâche, le 14 mars 1696, après avoir[...]

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Pour citer cet article

Jehan de MALAFOSSE. DOMAT JEAN (1625-1696) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • RESPONSABILITÉ (droit) - Responsabilité civile

    • Écrit par Universalis, André TUNC
    • 5 852 mots
    ...particuliers. L'idée que toute faute doit imposer la réparation du dommage qu'elle cause se développe dans le droit canonique. Elle est exprimée par Jean Domat au xviie siècle avec la plus grande clarté. Domat définit aussi la faute comme un comportement différent de celui qu'aurait eu dans les mêmes...

Voir aussi