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MILNER JEAN-CLAUDE (1941- )

Le linguiste et philosophe Jean-Claude Milner est né à Paris d'un père juif lituanien immigré, dont il évoque la mémoire dans Le Juif de savoir (2006), et d'une mère alsacienne de tradition protestante. Esprit brillant et ouvert aux questionnements de son époque, il intègre l'École normale supérieure de la rue d'Ulm en 1960 et suit l'enseignement de Louis Althusser, du linguiste Antoine Culioli, qui deviendra son directeur de thèse, et de Jacques Lacan qui y tient un séminaire. Il s'intéresse également à l'« Inventaire des systèmes de signification contemporains » que Roland Barthes dresse à l'École des hautes études. Il part pour les États-Unis suivre au Massachusetts Institute of Technology une formation à la linguistique chomskienne.

Professeur à l'université Denis-Diderot de Paris-VII, directeur d'une unité de recherche au Centre national de la recherche scientifique, puis directeur du Collège de philosophie (de 1998 à 2001), il occupe dans la linguistique contemporaine une position éminente par ses travaux sur la syntaxe, accessibles dans trois livres qui allient propositions empiriques, constructions théoriques et analyses épistémologiques (De la syntaxe à l'interprétation, 1978 ; Ordres et raisons de langue, 1982 ; Introduction à une science du langage, 1989). Ce programme renouvelle la grammaire générative de Chomsky dont il avait contribué à répandre en France les théories en traduisant en 1971 les Aspects de la théorie syntaxique.

Son intérêt pour la linguistique et la psychanalyse vient entre autres du constat que la pensée comme la langue sont, dit-il ironiquement, « beaucoup trop sérieuses pour être confiées aux personnes » (L'Amour de la langue, 1978 ; Les Noms indistincts, 1978 ; L'Œuvre claire, 1995 ; Le Périple structural. Figures et paradigmes, 2002). En s'appuyant notamment sur le corpus lacanien et sur les travaux de Benveniste et de Jakobson, il va examiner – et critiquer la manière dont telle donnée de langue peut permettre de proposer une analogie structurale éclairant le fonctionnement des processus inconscients.

En 1984, l'un de ses livres, De l'école, plus largement relayé dans les médias de par la nature polémique qu'il adopte, lui permet de rencontrer un plus large public. Il y dénonce la logique d'expansion économique qui a présidé à toutes les réformes de l'Éducation nationale. Cette expansion n'ayant pas eu lieu, constate-t-il, les étudiants diplômés n'ont pas trouvé le travail espéré. D'où la violence qui se développe à l'encontre et au sein de l'école. Mais c'est à partir de 2002 et avec la publication d'Existe-t-il une vie intellectuelle en France ?, question à laquelle il répond par la négative, que son œuvre prend un tournant délibérément politique et polémique qui relance, explicite et approfondit les conversations qu'il eut avec Benny Lévy et le mouvement de la Gauche prolétarienne, dont il fut membre dans les années 1968-1971. La conclusion de son essai repose principalement sur deux constats : il n'y a plus d'interlocution entre les intellectuels français et leurs propos subissent immédiatement les méfaits d'un système de déformations. Il y a fondamentalement, dit-il, dans les processus d'échange des idées en France une inévitable « transaction » qui fausse, banalise, voire interdit systématiquement le débat. En 2003, avec Les Penchants criminels de l'Europe démocratique, Jean-Claude Milner démontre au fil des soixante-quatorze thèses qu'il égrène, que le « nom juif est le problème permanent, majeur, de l'Europe » qui n'en a pas fini avec l'antisémitisme. Ces analyses portées dans le champ des idéologies viennent étayer une méditation iconoclaste sur l'engagement politique et[...]

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Yves KIRCHNER. MILNER JEAN-CLAUDE (1941- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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