Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CULIOLI ANTOINE (1924-2018)

Linguiste français, Antoine Culioli est né le 4 septembre 1924 à Marseille. Après avoir intégré l’École normale supérieure en 1944, il obtient l’agrégation d’anglais en 1948. Titulaire d’un doctorat d’État consacré à l’étude du subjonctif et de la coordination en moyen anglais, il est nommé en 1960 professeur à la Faculté des lettres de Paris (Sorbonne), puis participe en 1970 à la fondation de l’université pluridisciplinaire Paris-VII où il devient directeur de l’institut d’anglais avant de fonder, en 1972, le département de recherches linguistiques, devenu quelques années plus tard le Laboratoire de linguistique formelle. Membre élu de diverses instances universitaires et du CNRS, chargé de nombreuses missions hors de France, il reçoit le titre de docteur honoris causa des universités de Lausanne et d’Athènes. Il meurt le 9 février 2018 à Paris.

Véritable précurseur dans le domaine des sciences cognitives, Antoine Culioli conçoit le langage comme « un système ouvert ». Il développe dès les années 1960 des collaborations avec des représentants des mathématiques et de la logique (Jean-Blaise Grize), de la psychologie (François Bresson) et de la psychanalyse (Jean Laplanche).

Le programme de recherche linguistique qu’il dessine se signale par l’importance accordée à la réflexion épistémologique, ainsi que par son originalité. En effet, il se démarque aussi bien de la linguistique structurale que de la grammaire générative formulée par Noam Chomsky.

L’objet d’étude – défini comme l’activité de langage appréhendée à travers la diversité des langues et des textes – n’étant pas directement observable, le travail du linguiste consiste, selon Culioli, à dégager des « observables » (construits théoriques) sur la base de descriptions minutieuses de langues diverses, afin de pouvoir ensuite identifier des invariants et élaborer un système de représentation métalinguistique. Cette approche se situe aux antipodes des travaux empiriques sur corpus : ici, c’est à partir des traces laissées dans les textes par les agencements de « marqueurs » linguistiques (grammaticaux et lexicaux) qu’il s’agit de caractériser les opérations constitutives de l’activité de langage.

D’où le nom de « théorie des opérations prédicatives et énonciatives » (TOPE) donné à la théorie d’Antoine Culioli, qui ne dissocie pas syntaxe, sémantique et pragmatique. La TOPE se distingue des autres approches énonciatives, comme celles d’Émile Benveniste ou d’Oswald Ducrot, par le statut opératoire qu’elle confère à l’énonciateur – ou plutôt aux deux « coénonciateurs » correspondant aux deux fonctions d’émission et de réception – et à la situation d’énonciation : ces termes constituent le repère-origine absolu à partir duquel procède toute la série des opérations constructrices de l’énoncé, par une cascade de repérages successifs entre un élément « repéré » (localisé) et un élément « repère ». Concept central dans la TOPE, la relation de « repérage » peut prendre une valeur d’« identification », de « différenciation » ou de « rupture ». Elle permet de rendre compte aussi bien des opérations prédicatives (construction des notions et des relations entre les termes représentant des notions) que des opérations énonciatives (construction des valeurs référentielles de personne, de temps, d’aspect, de modalité, de détermination).

La recherche d’un métalangage rigoureux ne conduit pas à adopter le modèle des langages formels algébriques, trop éloigné du fonctionnement des langues : c’est vers des formalismes « bricolés » et du côté de la géométrie que se tourne Antoine Culioli, comme en témoigne son approche topologique du « domaine notionnel », c’est-à-dire de la classe des occurrences susceptibles d’être associées à une notion.[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Catherine FUCHS. CULIOLI ANTOINE (1924-2018) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • NORME ET USAGE (linguistique)

    • Écrit par Catherine FUCHS
    • 1 201 mots
    ...d'acceptabilité sémantique, qui sont souvent davantage affaire de degrés plutôt que de « tout ou rien ». D'où l'idée avancée par certains linguistes, comme Antoine Culioli, qu'il existerait des grammaires subjectives, c'est-à-dire une diversité de systèmes de règles et de pondérations, selon les sujets....

Voir aussi