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ISMĀ‘ĪL Ier (1487-1524) shāh séfévide de Perse (1501-1524)

Fondateur de la dynastie séfévide, Shāh Esmā'il Ier (Ismā‘īl) régna de 1501 à 1524. Réunificateur de l'entité iranienne, il évita que ne se concrétise la menace des Ottomans d'absorber l'Iran dans leur vaste empire. C'est pourquoi certains historiens considèrent l'État qu'il créa comme un véritable « État national » renouant pour la première fois depuis la conquête arabe du viie siècle avec le prestigieux passé de l'Iran sassanide. Mais un début d'analyse méthodique des sources révèle qu'il est pour le moins prématuré de faire naître le « nationalisme » iranien (du moins au sens européen du terme) à une époque où tant de problèmes de tous ordres se sont posés pour l'Iran et les Iraniens.

Par sa mère et sa grand-mère, Shāh Esmā'il avait des liens de parenté avec les Moutons-Blancs et aussi une parenté éloignée avec les Comnènes de Trébizonde. Bien que des généalogies faisant remonter les Séfévides au septième emām Musā al-Kāzem (mort en 799) aient été composées dès le xive siècle, il semble que Shāh Esmā'il ait été le premier à professer son ascendance alide. C'est du vivant de son père Heydar que l'alliance de l'Ordre séfévide avec les Moutons-Blancs se rompit. Lorsque Heydar eut été tué sur les domaines du roi de Shirvān (1488), il laissait trois fils dont le cadet était Esmā'il. Pendant l'époque troublée de luttes entre les épigones du Mouton-Blanc, les trois jeunes orphelins furent tantôt emprisonnés, tantôt mêlés aux combats. L'aîné ayant tenté d'échapper à la surveillance soupçonneuse de son oncle (des Moutons-Blancs) à Tabriz, périt dans une escarmouche. Les espoirs des adeptes de la tarīqa séfévide (en majorité des Turkmènes qizilbash) se concentrèrent alors sur le cadet, Esmā'il, qu'ils cachèrent pendant cinq ans (1494-1499) à Lāhedjān, au Gilān, sous la protection d'un souverain local. Bien que très jeune, Esmā'il garda un contact étroit avec ses partisans turkmènes d'Asie Mineure et d'Azerbaïdjan et fit diffuser sa propagande par les « lieutenants » accrédités auprès des diverses tribus. Il utilisait notamment pour cela des poèmes rédigés sous le pseudonyme de Khatā'i (« Pécheur »), en turc d'Azerbaïdjan ; dans ces élégies, il se proclamait tantôt la manifestation de ‘Ali (au sens de manifestation divine), tantôt le plus humble des « pécheurs ».

En 1499, Esmā'il, qui venait d'avoir douze ans, quitte son refuge du Gilān. L'année suivante, les clans confédérés de Turkmènes qizilbash se réunissent aux quartiers d'été près de Erzindjān. Après une campagne au Shirvān, où il venge le sang de ses ancêtres en tuant le souverain et en s'emparant de ses territoires, Esmā'il s'attaque au gros des forces des Moutons-Blancs. Il leur inflige une défaite décisive à Shārur, près de Nakhdjavān, ce qui lui ouvre leur capitale Tabriz ; il s'en empare en 1501, s'y fait couronner shāh et y proclame le shī'isme imāmite duodécimain (religion que ni lui-même ni apparemment ses adeptes ne professaient). Il consacra les dix années suivantes à conquérir les provinces iraniennes et l'Irak arabe et parvint à battre les Ouzbeks à Marv en 1510. Cependant les Ouzbeks n'allaient cesser de menacer l'Empire séfévide bientôt circonscrit dans des frontières imposées par ses puissants voisins sunnites. En effet, le sultan ottoman Selim Ier (1512-1521) infligea à Esmā'il une cuisante défaite à Tchālderān en 1514 (la victoire ottomane est due, en grande partie, à l'utilisation judicieuse de l'artillerie, arme négligée par les Séfévides et leurs armées d'origine nomade qui considéraient l'usage d'armes à feu comme une sorte de lâcheté).[...]

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Écrit par

  • : chargé de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études (IVe section)

Classification

Pour citer cet article

Jean CALMARD. ISMĀ‘ĪL Ier (1487-1524) shāh séfévide de Perse (1501-1524) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ARCHITECTURE SÉFÉVIDE - (repères chronologiques)

    • Écrit par Marianne BARRUCAND
    • 443 mots

    1501 Shāh Isma'il prend le pouvoir en Azerbaïdjan et fonde la dynastie séfévide, qui prétend descendre de Shaykh Safī al-Dīn (1234-1252), fondateur d'un ordre de derviches à Ardabil. La nouvelle dynastie appartient au shī'isme duodécimain qui devient dès lors religion d'État et qui contribue à créer...

  • CHIISME ou SHĪ‘ISME

    • Écrit par Henry CORBIN, Yann RICHARD
    • 9 396 mots
    • 2 médias
    ...En raison de l'importance du mouvement et de son rayonnement, l'histoire du shī‘isme en Iran mérite néanmoins une particulière attention. Lorsque Shāh Esmā‘il proclama le shī‘isme religion officielle du royaume qu'il était en train de conquérir, en 1501, il se heurta à l'absence en Iran d'institutions...
  • FOUZOÛLÎ (1495 env.-env. 1556)

    • Écrit par Louis BAZIN
    • 1 291 mots
    ...sa langue maternelle (turque-azérie) ses premiers vers. On sait qu'il dédia d'abord ses écrits au fondateur de la dynastie persane des Safawides, Shah Ismā‘īl (1486-1524), champion du shi‘isme, lui aussi d'ascendance turcomane et poète turc célèbre sous le nom de Hatāyī, qui avait conquis Bagdad en 1508...
  • PERSE - Histoire

    • Écrit par Jean CALMARD, Philippe GIGNOUX
    • 8 046 mots
    • 8 médias
    Les Qïzïlbash étaient commandés par shāh Ismā‘īl, chef de la confrérie des Safavīya d'Ardébil (Azerbaïdjan) passés du sunnisme au shī‘īsme extrémiste dans le courant du xve siècle. Bien que se prétendant d'origine alide, cette famille turcophone était probablement d'ascendance...
  • Afficher les 7 références

Voir aussi