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SINGER ISAAC BASHEVIS (1904-1991)

Isaac Bashevis Singer - crédits : Nancy Rica Schiff/ The LIFE Images Collection/ Getty Images

Isaac Bashevis Singer

Tout en étant profondément original, Isaac Bashevis Singer se rattache à cette prestigieuse lignée des conteurs juifs, pour qui raconter des histoires est une passion, et dont l'humour se perpétue chez des écrivains ou des artistes aussi différents que Philip Roth ou Woody Allen aux États-Unis, Patrick Modiano ou Jacques Lanzmann en France. Isaac Bashevis Singer est né le 14 juillet 1904 à Leoncin. Sa famille se transfère ensuite à Radzymin. Son père et son grand-père étaient rabbins, et lui-même était destiné à suivre leur exemple. Âgé de quatre ans, il déménage avec sa famille pour Varsovie, où son père devient le président d'un beth din, tribunal rabbinique qu'il décrira plus tard dans l'une de ses nouvelles comme « une sorte de tribunal qui serait à la fois prétoire, synagogue, salle d'étude et bureau de psychanalyste ». Tout en étudiant la Torah, il découvre dès l'âge de douze ans les traductions yiddish de Tolstoï, Dostoïevski, Maupassant, Flaubert, qui exerceront sur lui une influence profonde et durable. Mais c'est finalement l'exemple de son frère aîné Israel Joshua Singer, écrivain déjà très connu en Pologne, qui le détournera du rabbinat pour le journalisme et la littérature. Il fait ses premières armes d'écrivain en publiant des contes dans les Literarische Bleter et en traduisant en yiddish les romans de Knut Hamsun et La Montagne magique de Thomas Mann.

En 1935, il quitte la Pologne pour rejoindre son frère, établi à New York. Centre de l'émigration juive en Amérique, New York est devenu entre les deux guerres un des hauts lieux mondiaux de la culture yiddish, au même titre que Varsovie ou Wilno. Le petit peuple des ghettos se retrouve dans les boutiques et les ateliers de confection de Orchard Street ou de Hester Street dans le bas Manhattan, et New York comptera jusqu'à quatorze théâtres yiddish, dont les vedettes, Maurice Schwartz, Jacob Adler, Molly Picon, faisaient se déplacer des foules enthousiastes. Entre 1930 et 1938, on tourna plus de soixante films en yiddish, dont l'admirable Mamele d'Arthur Green, ou bien encore Greenfields d'Hirshbein, évocation nostalgique et quelque peu idéalisée de la vie bucolique des shtetl. Pour le jeune Singer, cet exil choisi par lui fut donc loin d'être un total déracinement, et c'est tout naturellement qu'il trouva sa place de journaliste et d'écrivain yiddish dans cette ville à laquelle l'histoire allait bientôt léguer la lourde responsabilité de maintenir vivantes la langue et la culture des juifs d'Europe de l'Est. Il collabore régulièrement au Jewish Daily Forward, quotidien new-yorkais en langue yiddish, dans lequel il publie des contes, des critiques théâtrales et littéraires, et même des études de stratégie militaire pendant la Seconde Guerre mondiale. La plupart des romans de Singer paraissent d'abord en feuilleton dans ce journal, dont les quarante mille lecteurs constituent, selon lui, « le plus exigeant des comités de lecture, car pour la plupart ce sont des gens âgés, et ce que j'écris, c'est tout ce qu'il leur reste de leur patrie perdue... ».

À partir de 1945, la plupart de ses livres paraissent simultanément en yiddish et en anglais. En 1961, il déclarait : « J'aime écrire des histoires de fantômes et rien ne convient mieux pour écrire des histoires de fantômes qu'une langue qui se meurt. Les fantômes aiment le yiddish et, d'après ce que je peux savoir, tous le parlent ! » En effet, les romans et les contes de Singer sont peuplés de diables, de « dibbouks », de démons domestiques, qui nous rappellent que le judaïsme est loin d'être seulement cette religion rationnelle et savante des rabbins et des docteurs. Outre le surnaturel, les personnages que l'on rencontre dans les œuvres de Singer sont souvent des illuminés, des faibles d'esprit, tel ce rabbin[...]

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Pour citer cet article

Luc ROSENZWEIG. SINGER ISAAC BASHEVIS (1904-1991) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Isaac Bashevis Singer - crédits : Nancy Rica Schiff/ The LIFE Images Collection/ Getty Images

Isaac Bashevis Singer

Autres références

  • KEILA LA ROUGE (I. B. Singer) - Fiche de lecture

    • Écrit par Jean-Paul CHAMPSEIX
    • 1 112 mots

    Isaac Bashevis Singer, qui reçut le prix Nobel de littérature en 1978, écrivait en yiddish dans la grande tradition des conteurs juifs. Présenté comme un inédit, Keila la Rouge a été publié en 2018 par les éditions Stock, dans une traduction de Marie-Pierre Bay et Nicolas Castelnau-Bay. Ce texte,...

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    • 947 mots
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    Le Spinoza de la rue du Marché d'Isaac Bashevis Singer (1904-1991) est paru, sous son titre original, The Spinoza of Market Street, en 1957. La traduction française en a été effectuée en 1966. Il s'agit d'un recueil de dix nouvelles qui décrivent le monde familier du shtetl,...

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    • 40 118 mots
    • 25 médias
    ...parmi les Juifs et les Noirs, ce sont les ghettos d'Europe centrale ou les plantations du Sud, et le présent, les ghettos urbains. Même le shtetl d' Isaac Bashevis Singer est trop violent et fabuleux pour faire figure de paradis perdu. Les Désaxés(The Misfits, 1960) d'Arthur Miller, par exemple,...
  • EXIL LITTÉRATURES DE L'

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    ...caractérise les écrivains maghrébins, certes, mais aussi un grand pan de la littérature yiddish, à commencer par ce Manoir (1967), chef-d'œuvre d'Isaac Bashévis Singer, où l'on passe en une génération d'un shtetl – le village misérable et inculte – à la fastueuse Varsovie de...
  • SINGER ISRAEL JOSHUA (1893-1944)

    • Écrit par Universalis
    • 421 mots

    Écrivain polonais de langue yiddish, né le 30 novembre 1893 à Bilgoraj (Pologne), mort le 10 février 1944 à New York.

    Le père d'Israel Joshua Singer est un rabbin fervent partisan du hassidisme tandis que sa mère appartient à une grande famille de mitnagdim (partisans du judaïsme traditionnel)....

  • YIDDISH

    • Écrit par Rachel ERTEL, Yitzhok NIBORSKI
    • 13 906 mots
    • 1 média
    Isaac Bashevis Singer (1904-1991) peint dans Le Manoir, Le Domaine, La Famille Moskat, de manière réaliste, la lente décadence de la bourgeoisie juive de Pologne. Dans La Corne du bélier, L'Esclave, Le Magicien de Lublin apparaissent des éléments fantastiques qui dominent ses recueils de contes....

Voir aussi