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PRAGUE INTERVENTION DE (1968)

Le 20 août 1968, vers vingt-trois heures, des dizaines de milliers de parachutistes soviétiques débarquent à l'aérodrome de Prague, transportés en avions-cargos Antonov 24 à partir de Moscou et de Lvov. Quelques instants auparavant, des soldats est-allemands et polonais, soviétiques, hongrois et bulgares avaient franchi les frontières nord, est et sud du pays, où ils étaient massés depuis trois mois. Au matin du 21 août, ils seront 200 000, deux jours plus tard 500 000 (7 500 chars, 11 000 canons), 650 000 enfin au bout d'une semaine. Cette opération, parfaitement réussie sur le plan technique, était préparée depuis la réunion du 9 avril du comité central du Parti communiste soviétique et prévue initialement pour la mi-juillet. Elle s'appuyait sur la collaboration d'une partie importante de la Sécurité d'État dirigée par V. Šalgovič et des conseillers soviétiques, ainsi que sur des informations amassées lors de manœuvres militaires effectuées en Tchécoslovaquie pendant deux mois, du 30 mai au début d'août.

1968 dans le monde - crédits : Pathé

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1962 à 1989. De la guerre froide à la détente - crédits : Encyclopædia Universalis France

1962 à 1989. De la guerre froide à la détente

Sur le plan politique, elle connut cependant un échec retentissant, en particulier à cause de la résistance passive de la population, du 21 au 27 août. Le 21 août à une heure du matin, le présidium du comité central du P.C. tchécoslovaque décidait à une forte majorité (7 voix contre 4) la poursuite au grand jour des activités de toutes les institutions du Parti et de l'État. Si, de ce fait, les Soviétiques purent arrêter sans peine et enlever en U.R.S.S. les principaux animateurs du « Printemps de Prague », ils furent également empêchés d'instaurer légalement et même illégalement le gouvernement « ouvrier et paysan » dévoué à leur cause. Ils le furent d'autant plus que, dès l'aube, une flambée de résistance passive s'empara du pays, et ce en dépit de la déclaration du présidium qui prêchait la soumission. Aussitôt, les dirigeants réformateurs restés au pays prirent la tête de ce mouvement grâce aux moyens de communication de masse civils et militaires et à la détermination du XIVe congrès extraordinaire du Parti communiste tchécoslovaque réuni clandestinement dans une usine de Prague dès le lendemain. L'hostilité ouverte bien que pacifique face aux occupants se changea vite en un boycottage organisé qu'illustre bien la grève générale d'une heure paralysant le pays le 23 août à midi. Les troupes étrangères privées de ravitaillement et le tiers du comité central disposé à la collaboration furent gênés par ce mouvement de masse qui obligea les Soviétiques à négocier avec tous les dirigeants élus du pays. Ce recul des Soviétiques et de leurs alliés, en particulier est-allemands et polonais, constitue un désaveu de la politique d'opposition frontale aux protagonistes de la « révolution froide » tchécoslovaque, politique engagée dès la Conférence de Dresde (23 mars 1968) et réaffirmée le 15 juillet par la lettre de Varsovie.

Otages de la population en raison même de leur popularité, les éléments « centristes raisonnables » (Svoboda, Dubček, Černík) exigèrent la libération de tous leurs camarades plus radicaux et l'absence de répression policière, soutenus en cela par l'écrasante majorité des partis communistes entraînés par les Roumains et les Yougoslaves. Le 26 août, à Moscou, obtenant satisfaction sur ces deux points ainsi que sur le retrait des troupes du centre des villes, ils signaient un accord avec les Soviétiques. Seul Kriegel, président du Front national, refusait ce compromis qui maintenait au pouvoir l'équipe de Dubček au prix du limogeage des dirigeants les plus radicaux, de la non-reconnaissance du XIVe Congrès, de la liquidation des nouvelles associations politiques et de la réintroduction de la censure. Les troupes étrangères ne quitteraient le pays qu'« à mesure que se[...]

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Écrit par

  • : docteur de troisième cycle, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, diplômé de l'École nationale des langues orientales, chargé de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études

Classification

Pour citer cet article

Vladimir Claude FISERA. PRAGUE INTERVENTION DE (1968) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

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1962 à 1989. De la guerre froide à la détente

Autres références

  • ČERNÍK OLDŘICH (1921-1994)

    • Écrit par Vladimir Claude FISERA
    • 894 mots
    • 1 média

    Fils de mineur de la région d'Ostrava, Oldřich Černík est ouvrier métallurgiste de 1937 à 1949. Il s'intègre alors dans l'appareil du Parti communiste — dont il est membre depuis 1945 — et dans celui de l'État de sa région, la Moravie du Nord ; à partir de 1954, il préside le conseil régional de...

  • DUBČEK ALEXANDRE (1921-1992)

    • Écrit par Universalis, Jacques RUPNIK
    • 1 329 mots
    • 1 média
    D'où un double langage : à destination de la société et à destination de Moscou. Jusque dans la nuit de l'invasion du 20 au 21 août, Dubček et les siens restèrent sagement dans l'immeuble du parti, en attendant... d'être arrêtés par les soldats soviétiques et emmenés prisonniers à Moscou, où ils...
  • JEUX OLYMPIQUES - Les dissensions au sein du bloc de l'Est et les Jeux

    • Écrit par Pierre LAGRUE
    • 1 810 mots

    Quand débutent les compétitions olympiques à Melbourne, la Hongrie est à feu et à sang. Le pays souhaite se libérer du joug stalinien, un vaste mouvement populaire prend forme en octobre 1956, de grandes manifestations s'organisent, les travailleurs créent des conseils ouvriers et prennent la...

  • ROCHET WALDECK (1905-1983)

    • Écrit par Jean-Claude MAITROT
    • 1 680 mots

    Le crâne chauve et bosselé, le visage massif et taillé comme à coups de serpe, l'allure d'un personnage de Tourgueniev, l'éloquence lente marquée de l'accent rocailleux du terroir bourguignon, Waldeck Rochet, secrétaire général du Parti communiste français de 1964 à 1972, puis président d'honneur jusqu'en...

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Voir aussi