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ILLUMINATIONS, Arthur Rimbaud Fiche de lecture

Arthur Rimbaud, É. Carjat - crédits : Bettmann/ Getty Images

Arthur Rimbaud, É. Carjat

Les Illuminations furent publiées en octobre 1886 par les éditions de La Vogue, après publication dans la revue du même nom, de mai à juin 1886. En 1887, le critique et écrivain Félix Fénéon qui avait procuré l'édition en souligna l'importance dans Le Symboliste, disant que ce texte était « en dehors de toute littérature et sans doute au-dessus ». Dans sa préface à l'édition originale, Verlaine avait rappelé ce qui était selon lui l'origine du titre : il viendrait du mot anglais illuminations, qui signifierait coloured plates, « planches ou assiettes coloriées », sous-titre qu'Arthur Rimbaud> (1854-1891) se serait proposé de donner à son œuvre.

Une révolution poétique

Le texte des Illuminations est à « géométrie variable » : n'ayant pas été fixé par l'auteur, qui en ignora la publication, il a toujours été soumis au bon vouloir de ses éditeurs successifs. Ainsi, il peut comporter des poèmes en vers, regroupés sous le nom de « Derniers Vers », ou s'achever tantôt sur « Génie », tantôt sur « Solde »...

Au-delà de ces considérations, il faut noter que, pris au pied de la lettre, le titre donne la mesure et l'angle des ambitions du poète. Il « achève » en une formule toute l'idéologie romantique du génie et de l'inspiration. Illuminations clôt également le paradigme ouvert dans le siècle par les Méditations (1820) de Lamartine et réactivé par Hugo pour ses Contemplations (1856).

Il s'agit bien d'un paroxysme de la poésie dans sa fonction la plus forte. Comme Pierre Brunel l'a bien souligné, Illuminations doit aussi s'entendre au sens de la création d'un monde, d'une genèse, d'un « et la lumière fut ». C'est bien le monde que se propose de refaire cette poésie en se portant au plus aigu de son énonciation et de ses regards.

De tous ces poèmes, l'un des plus singuliers par la forme apparente (et le seul avec « Mouvement » qui soit traité en vers libres) est sans doute aussi l'un des plus représentatifs. Il s'agit de « Marine » : « Les chars d'argent et de cuivre/ Les proues d'acier et d'argent/ Battent l'écume,/ Soulèvent les souches des ronces/ Les courants de la lande,/ Et les ornières immenses du reflux,/ Filent circulairement vers l'est,/ Vers les piliers de la forêts,/ Vers les fûts de la jetée,/ Dont l'angle est heurté par des/ Tourbillons de lumière. »

Un croquis bref, en analogie entre peinture et poème, un dizain de vers irréguliers sans rimes. Quatre verbes de mouvement (battre, soulever, filer, être heurté), des tirets pour accentuer les fins de vers. Une apparente anarchie de la notation, mais dominée par une forte organisation dualiste : « argent » et « cuivre », « chars » et « proues », « souches » et « ronces », « courants » et « ornières », « piliers » et « fûts » : une tempête ordonnée. Au centre du dispositif, une image fondamentale, portée par le verbe « battre », qui fait du poème une espèce de machine terrible à deux tranchants, chars et proues, qui fait fusionner deux éléments fondamentaux de l'univers, la terre et l'eau, faisant en sorte que cela ne se détériore pas en boue. Le poème fonctionne comme un accélérateur à particules poétiques. Obtenues par battage, ces particules sont expédiées dans un circuit qui « file circulairement », puis l'ensemble va heurter un obstacle angulaire, l'angle de la jetée. C'est ce dispositif du poème-cyclotron qui permet d'éviter que se détériore le mélange d'eau et de terre : là où d'ordinaire le résultat est une gadoue informe, le poème, lui, réussit par l'intensité du choc à produire de la lumière, des « tourbillons de lumière ».

On voit alors ce qu'a rendu possible l'abandon des anciens systèmes[...]

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Écrit par

  • : Professeur agrégé hors-classe, École normale supérieure de Fontenay/Saint-Cloud

Classification

Pour citer cet article

Hédi KADDOUR. ILLUMINATIONS, Arthur Rimbaud - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Arthur Rimbaud, É. Carjat - crédits : Bettmann/ Getty Images

Arthur Rimbaud, É. Carjat

Autres références

  • FRANÇAISE LITTÉRATURE, XIXe s.

    • Écrit par Marie-Ève THÉRENTY
    • 7 758 mots
    • 6 médias
    ...conduisant à la production d’œuvres hors normes, en marge du Parnasse Les Chants de Maldoror (1869) de Lautréamont ; Une saison en enfer (1873), et les Illuminations (1886) de Rimbaud. La poésie symboliste associe une réaction idéaliste contre le positivisme naturaliste à la revendication du vers libre...
  • RIMBAUD ARTHUR (1854-1891)

    • Écrit par Jean-Luc STEINMETZ
    • 5 063 mots
    • 1 média
    Le titre d'Illuminations, quant à lui, si éblouissant soit-il, n'apparut jamais sous la plume de Rimbaud (aucun des manuscrits actuellement connus ne le comporte). À plusieurs reprises, Verlaine, pour désigner des textes de Rimbaud, l'utilisera. D'abord dans des lettres envoyées à Charles de Sivry,...

Voir aussi