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IBN ṬUFAYL ABŪ BAKR MUḤAMMAD (déb. XIIe s.-1185/86)

Né à Wādi Ash (Guadix) et mort à Marrakech, Abū Bakr Muḥammad Ibn Ṭufayl, contemporain et disciple indirect d'Ibn Bādjdja (Avempace), appartient, selon les historiens, à la génération qui précède celle d'Ibn Rushd (Averroès). Descendant de la célèbre famille arabe de Kays, il s'est illustré par ses talents d'homme politique, de savant et de philosophe. Il exerça auprès du souverain almohade Abū Ya‘kūb Yūsuf, prince des croyants et roi philosophe, les charges de vizir (secrétaire personnel) et de médecin, faisant de la cour du prince un pôle d'attraction pour les savants de tous les pays. C'est dans ce climat de tolérance et d'émulation que le jeune Averroès a connu la fortune et la renommée ; Ibn Ṭufayl avait recommandé ce dernier au souverain dans le dessein d'éclaircir le contenu, jugé ambigu, des livres d'Aristote, tâche qu'il ne pouvait lui-même remplir étant donné son âge avancé.

Au sujet des écrits d'Ibn Ṭufayl, dont la plupart sont perdus, les témoignages qu'on peut recueillir des différents bibliographes ne concordent guère. Dans le domaine médical, il aurait échangé quelques traités avec Averroès ; on lui attribue aussi deux volumes de médecine, ainsi qu'un poème sur les médicaments simples. D'une manière générale, l'étude de la carrière scientifique d'Ibn Ṭufayl se heurte à une difficulté insurmontable. En astronomie, par exemple, l'absence totale d'un texte complet relatif au système qu'il a imaginé, nous réduit à formuler de simples conjectures. Ce système qui, d'après un auteur juif du début du xive siècle, « a mis en émoi le monde entier » est décrit de manière sommaire par l'astronome arabe Al-Biṭrūdjī (Alpetragius) en ces termes : « Tu sais que l'illustre kāḍī Abū Bakr nous disait qu'il avait trouvé un système astronomique et des principes pour ces différents mouvements, autres que les principes qu'a posés Ptolémée, et sans admettre ni excentrique ni épicycle ; et avec ce système, disait-il, tous ces mouvements sont démontrés et il n'en résulte rien de faux. » Se fondant sur ce témoignage, certains chercheurs n'ont pas hésité à présenter Ibn Ṭufayl comme un précurseur de Copernic ou de Galilée. Malheureusement, l'ampleur et le contenu réel de ses importants travaux en astronomie demeurent aussi mystérieux que ceux de son contemporain Ibn Bādjdja.

À ce propos, il importe de rectifier une erreur encore persistante : en effet, l'homonymie du surnom latin d'Abubacer donné à Ibn Ṭufayl avec celui du philosophe de Saragosse, également appelé par les scolastiques Abubacer (Avempace), a été à l'origine d'une confusion dans laquelle plusieurs historiens de la philosophie sont tombés (S. Munk, Mélanges de philosophie juive et arabe ; Corbin, Histoire de la philosophie islamique) et qui consiste à attribuer à Ibn Ṭufayl la thèse de l'identification de l'intellect matériel avec les intentiones imaginatae. Or, cette thèse, critiquée par Averroès dans son Commentarium magnum du traité de l'âme (livre III, chap. v), appartient incontestablement à Ibn Bādjdja et non à Ibn Ṭufayl.

Mais si l'on connaît moins bien l'œuvre scientifique d'Ibn Ṭufayl, sa philosophie, par contre, est consignée dans un seul écrit sous la forme d'un roman allégorique qui s'intitule : Ḥayy b. Yaḳẓān (Le Vivant Fils du Vigilant, le Vigilant étant celui qui ne dort jamais, c'est-à-dire Dieu). Ce livre, bien qu'empruntant ses personnages à un conte symbolique excessivement aride d'Ibn Sīnā (Avicenne), peut être regardé comme une œuvre parfaitement originale. Traduit au xive siècle en hébreu par Moïse de Narbonne, il a été de nouveau traduit en latin par Pocock sous le titre[...]

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Pour citer cet article

Abdelkader BEN CHEHIDA. IBN ṬUFAYL ABŪ BAKR MUḤAMMAD (déb. XIIe s.-1185/86) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MAGHREB - Littératures maghrébines

    • Écrit par Jamel Eddine BENCHEIKH, Christiane CHAULET ACHOUR, André MANDOUZE
    • 14 200 mots
    • 3 médias
    ...n'a produit aucun de ces grands théologiens philosophes qui ont fait la gloire de l'Espagne musulmane. C'est par artifice qu'on pourrait lui rattacher Ibn Ṭufayl, médecin, astronome, auteur du célèbre roman philosophique Ḥayy ibn Yaqẓān ; s'il fut premier médecin à la cour almohade de Marrakech,...

Voir aussi