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SCHLIEMANN HEINRICH (1822-1890)

Schliemann a su faire de sa vie une légende. Nourrie par la lecture d’Homère, elle est à l’image de la Tétralogie de Wagner, contemporain de l’archéologue. Comme l’anneau du Nibelung, cette aventure brille de mille feux. Elle a l’éclat du trésor de Priam et des masques funéraires de Mycènes. Elle met en scène l’épopée d’un chercheur d’or.

Heinrich Schliemann - crédits :  DigitalVision Vectors/ Getty Images

Heinrich Schliemann

Le rideau s’ouvre sur une enfance modeste bercée par le romantisme allemand et la mythologie gréco-romaine. En trois fois vingt ans, l’autodidacte va réaliser un rêve : marcher sur les pas des héros de l’Iliade et de l’Odyssée. Le premier acte raconte une initiation. Le second mène à la fortune. Le troisième est occupé par des fouilles. Voulant ressusciter le monde perdu de la guerre de Troie, ce « Christophe Colomb de l’archéologie », selon la formule de Salomon Reinach, découvre le monde mycénien. Ce nouveau continent enracine le passé de la Grèce dans le deuxième millénaire avant J.-C.

Un autodidacte de génie

Heinrich Julius Schliemann est né le 6 janvier 1822, à Neubukow dans le Mecklembourg (Allemagne). Avec ses six frères et sœurs, il passe son enfance dans un village plus petit encore, Ankershagen. Son père, pasteur, en a reçu la cure. Il la quitte après un scandale : une liaison avec sa servante, qu’il épouse, après la mort en couches de sa femme, en 1831. L’orphelin se console en regardant, dans un livre reçu en cadeau, une gravure montrant l’incendie de Troie et la fuite d’Énée. Élevé par son oncle, il est mis en apprentissage dans une épicerie de Fürstenberg. À l’aube de ses vingt ans, il veut gagner le Nouveau Monde. Mais, tel Candide, il est ballotté au gré des circonstances. À Rostock, il suit un cours de comptabilité. Il rejoint ensuite Hambourg ; là, il s’embarque pour le Venuezela, mais son navire fait naufrage sur les côtes hollandaises. À Amsterdam, il manque d’être enrôlé. Il est embauché en 1844 par la maison de commerce Bernard Henry Schroder & Cie.

L’employé de bureau comprend que le monde est régi par l’échange de signes. Il cultive son goût pour les chiffres et les langues. Maîtrisant l’anglais, le français, le portugais et l’italien, il se met au russe en traduisant Le Voyage de Télémaque de Fénelon. Il est envoyé à Saint-Pétersbourg, où il fait de bonnes affaires pour la firme qui l’emploie et pour lui-même. En 1849, il ouvre à Moscou une succursale de la maison de vente. Trois ans plus tard, il fonde une famille. Le mariage est malheureux, qu’importe. Ce spécialiste de l’indigo, indispensable pour les tenues des soldats russes, est devenu riche grâce à la guerre de Crimée.

Dès 1851, l’aventurier s’est rendu en Californie pour reprendre les intérêts de son frère décédé. Plutôt que d’exploiter une concession, il aide les chercheurs d’or dans leurs achats de matériel par des prêts à 12 p. 100 ! Revenu en Russie, Schliemann se lance sur le marché du coton, un trafic rentable depuis le blocus des ports américains, au début de la guerre de Sécession. Sorti victorieux de poursuites judiciaires, il liquide sa maison de commerce en 1863. Il se trouve à la tête d’une fortune à laquelle « [son] ambition n’aurait jamais osé prétendre ».

L’explorateur est alors partagé entre le désir de voir le monde et celui de faire retour aux origines de l’Europe. Il parcourt pendant six mois la Chine et le Japon, un voyage qui lui fournit en 1867 la matière de son premier livre. Il étudie à la Sorbonne, mais suspend un cursus de philologie pour conduire des investissements en Amérique, à Cuba notamment. De retour à Paris en 1868, il entreprend un Grand Tour. Il est fasciné à Pompéi par Giuseppe Fiorelli, qui pratique des injections de plâtre pour faire réapparaître les corps de ceux que les laves ont emprisonnés lors de l’éruption du Vésuve. Après une étape à Ithaque, où il croit avoir mis la[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite d'histoire ancienne, université de Bourgogne, Dijon

Classification

Pour citer cet article

Hervé DUCHÊNE. SCHLIEMANN HEINRICH (1822-1890) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Heinrich Schliemann - crédits :  DigitalVision Vectors/ Getty Images

Heinrich Schliemann

Masque dit d’Agamemnon - crédits : Bridgeman Images

Masque dit d’Agamemnon

Autres références

  • ÉGÉEN MONDE

    • Écrit par Olivier PELON
    • 11 199 mots
    • 15 médias
    ...les fondements archéologiques de l'épopée homérique sont établis ; le mérite en revient plus particulièrement à un savant allemand autodidacte, Heinrich Schliemann, qui, guidé par une foi absolue dans la véracité des récits épiques, retrouva ou crut retrouver les traces des héros d'Homère. À la...
  • EUROPE, préhistoire et protohistoire

    • Écrit par Gérard BAILLOUD, Universalis, Jean GUILAINE, Michèle JULIEN, Bruno MAUREILLE, Michel ORLIAC, Alain TURQ
    • 21 406 mots
    • 22 médias
    ...tholoï » d'Atrée ou de Clytemnestre. Dans leurs tombes à fosses, les guerriers mycéniens emportaient de magnifiques armes incrustées d'or et d'argent. Heinrich Schliemann, qui découvrit ces premiers seigneurs aux masques mortuaires recouverts d'or, crut y retrouver les héros célébrés dans la geste homérique,...
  • HOMÈRE

    • Écrit par Pierre CARLIER, Gabriel GERMAIN, Michel WORONOFF
    • 12 014 mots
    • 5 médias
    ...de la critique historique et surtout la constitution de l'archéologie comme science pour que l'on commençât à ressusciter l'arrière-plan de l'épopée. Heinrich Schliemann provoqua une véritable révolution dans les études homériques en fouillant à partir de 1870, près de l'entrée sud des Dardanelles, le...
  • MASQUE EN OR, DIT D'AGAMEMNON (Grèce)

    • Écrit par Bernard HOLTZMANN
    • 204 mots
    • 1 média

    Trouvé en août 1876 dans la tombe à fosse V du « cercle A » de Mycènes, ce masque a été attribué par Heinrich Schliemann, égaré par sa passion pour les épopées d'Homère, à la dépouille du roi Agamemnon, qui a éventuellement régné au xiiie siècle avant notre ère : en...

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Voir aussi