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BUDÉ GUILLAUME (1468-1540)

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Le « Transitus ad christianismum »

Une vie aussi studieuse, un militantisme si constant s'enracinent dans une philosophie. Non point une philosophie spéculative ; Budé considère que depuis l'avènement du christianisme toute spéculation de l'esprit est orgueilleuse et vaine. La vérité est don de Dieu. L'exercice philosophique par excellence est donc lecture, interprétation, méditation de l'inépuisable richesse de sens de l'Écriture sainte ; et cette méditation conduit à la contemplation (philotheoria), qui est elle-même comme l'anticipation de l'éternité bienheureuse. On ne saurait comprendre Budé sans référence à la mystique. Mais, en face du don de Dieu, s'offre à l'humaniste le don des hommes, l'héritage des Grecs et des Latins. Dans la mesure où elle fut associée au paganisme, cette culture classique que Budé, reprenant le vocabulaire des Pères de l'Église, désigne du mot hellenismus, est tout à la fois admirable et suspecte. La sauvegarde de l'unité d'esprit du lettré lui impose donc une réflexion sur la valeur et les fins de ses études. Certes, tous les thèmes traditionnels de la philosophie morale intéressent Budé (comme le prouve l'essai, qu'il publie en 1520 sur le « mépris des choses fortuites », le De contemptu rerum fortuitarum). Mais c'est à la philosophie de la culture qu'il revient sans cesse. Parce que, en tant que laïc, il pouvait se tenir largement à l'écart des débats théologiques qui, depuis l'apparition de Luther, détournaient l'attention des intellectuels de cette question existentielle vers des problèmes d'orthodoxie, Budé a eu le loisir de focaliser sa pensée sur ce qui était le fait primordial de la civilisation de son temps : la double renaissance des études profanes et des études sacrées, et le conflit potentiel qu'implique cette dualité culturelle. Les générations à venir s'orienteront vers des solutions de rupture ou des solutions de compromis. Le budéisme est une tentative de synthèse. Il propose l'étude comme voie de salut et de sainteté. Il intègre ainsi l'humanisme à l'« économie divine », et le justifie au double sens temporel et théologique.

Le texte fondamental sur la question est un petit livre publié en 1532 conjointement avec le De philologia, et intitulé de manière significative L'Étude des lettres (De studio litterarum recte et commode instituendo). Budé y entrechoque deux postulats opposés, celui de la valeur de la culture profane (prestige de l'éloquence, élévation de la pensée platonicienne, intuitions des anciens poètes), celui de sa non-valeur eu égard à la transcendance de la parole divine. Il s'agit là d'une dialectique familière à Guillaume Budé. La contradiction se résout par un dépassement, un passage (transitus) qui implique, comme une sorte d'offrande rituelle, la consécration au christianisme de toutes les ressources de la culture profane, symbolisée ici par le Mercure logios, dieu de l'éloquence. L'aboutissement d'un tel projet sera un discours théologique insolite dont le De transitu hellenismi ad christianismum (1535) fournira l'illustration. Sorte de poème en prose nourri de réminiscences antiques, emporté par le jeu des métaphores, et où les noms d'Hercule, de Mercure, de Prométhée sont les fils conducteurs de méditations sur le Christ et la croix, le De transitu est aussi, par ses digressions fort étendues, le miroir de son temps. Budé voyait en effet de jour en jour se dégrader l'espérance humaniste au milieu des querelles religieuses, de la licence et de l'anarchie. Il condamne les doctrines nouvelles, tout en reconnaissant des vertus au camp adverse et des torts à son propre camp. Sa sympathie le porte vers le parti des « politiques ». Mais, tandis qu'il écrit son livre, survient[...]

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Pour citer cet article

Marie-Madeleine de LA GARANDERIE-OSTERMAN. BUDÉ GUILLAUME (1468-1540) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • NUMISMATIQUE

    • Écrit par
    • 4 880 mots
    • 2 médias
    ...recherches iconographiques et leur critique des textes anciens. La première collection utilisée à des fins scientifiques est celle que constitue Guillaume Budé, le véritable fondateur de la numismatique. Dans le De asse et partibus ejus, publié en 1515, il étudie les systèmes monétaires et pondéraux antiques....
  • PHILOLOGIE

    • Écrit par
    • 4 795 mots
    • 1 média
    ...(1662-1742), avec qui la critique formelle des textes devient le centre vivant des études philologiques. En France, la tendance encyclopédique domine : Guillaume Budé (1468-1540) est à l'origine de la création du Collège de France, où l'on enseigne le grec et l'hébreu à côté du latin ; Robert Estienne (1503-1559)...
  • RABELAIS FRANÇOIS (1483 env.-1553)

    • Écrit par
    • 9 611 mots
    • 2 médias
    ...Rabelais aurait commencé des études de droit n'est pas établie. On sait toutefois qu'il a fréquenté des juristes tels qu'Amaury Bouchard, André Tiraqueau, Guillaume Budé. C'est la doctrine de ce dernier qui est exposée dans le Pantagruel : les Pandectes, recueil de droit romain, sont défigurées par...