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GUARANI

Guarani et Jésuites

On ne saurait parler des Guarani sans évoquer cet épisode original de leur histoire postcolombienne : la vie dans les missionsjésuites. En 1609, le roi d'Espagne Philippe III, à la demande du gouverneur du Paraguay, accordait aux Jésuites le droit d'entreprendre la « conquête spirituelle » des 150 000 Indiens du Guaira. L'année suivante, la première mission était fondée ; trente ans plus tard, les pères avaient fondé plus de vingt cités ; finalement, trente cités réuniront près de 300 000 Guarani. Durant un siècle et demi – jusqu'en 1767, date d'expulsion des Jésuites –, l'histoire des Indiens se confond avec celle des « réductions » dont l'établissement permit la réalisation d'une curieuse expérience sociale. Les Jésuites créèrent un système communautaire fondé sur des principes chrétiens, qui devint rapidement une puissance économique et politique : la « république communiste chrétienne », le « royaume de Dieu sur terre » ou plus simplement l'« État jésuite du Paraguay ». Si la majorité des Guarani acceptèrent les missions, quelques communautés les refusèrent toujours et sont nommées, depuis lors, Caaigua, « gens de la forêt ». Il ne suffisait pas aux « conquérants spirituels » d'instruire les Indiens dans la foi chrétienne : il fallait auparavant les faire renoncer à toutes leurs coutumes. La tactique fut efficace ; les Jésuites imposèrent d'abord une nouvelle organisation spatiale : villages à l'européenne, au lieu de la maison collective des maisons familiales ; au lieu d'une place centrale, des rues ; l'ancienne vie n'était plus possible dans ces nouveaux cadres. Ensuite, ils établirent une nouvelle organisation du temps : si autrefois les Indiens avaient partagé leur temps entre les guerres et les fêtes, ils allaient désormais – les unes et les autres ayant été supprimées – pouvoir le consacrer à la prière et au travail, à l'élevage et à l'agriculture : les missions très vite s'enrichirent. Enfin, les Jésuites eurent à lutter contre les chamanes. À maintes reprises, ceux-ci tentèrent de soulever les Indiens contre les missionnaires ; ils multiplièrent les mouvements messianiques en quête de la « Terre sans Mal » (de tels mouvements s'étaient produits dès avant les missions et, vraisemblablement, dès l'époque précolombienne). Là peut-être l'entreprise jésuitique fut-elle un échec partiel : les chamanes conservèrent toujours sur les Indiens une indéniable influence. La fin des missions fut aussi celle des Indiens qui y vivaient ; beaucoup moururent, d'autres se mêlèrent à la population paraguayenne, très peu regagnèrent la forêt.

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Pour citer cet article

Hélène CLASTRES. GUARANI [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AMÉRINDIENS - Amazonie et Guyanes

    • Écrit par Simone DREYFUS-GAMELON, Universalis
    • 5 651 mots
    • 2 médias
    Les Guarani forment aujourd'hui la majorité de la population rurale du Paraguay ; les Tupi de la côte brésilienne ont été complètement anéantis. Issus d'une souche commune, de langues très voisines, Tupi et Guarani se ressemblaient beaucoup, aux différences écologiques près qui tiennent à un habitat...
  • CANNIBALISME

    • Écrit par Nicole SINDZINGRE, Bernard THIS
    • 4 188 mots
    • 1 média
    D'autres sociétés du groupe Tupi-Guarani ont pratiqué le cannibalisme : Guarani, Chiriguano, Guarayu, Shipaia. Chez les Tupinamba et les Guarani, le meurtrier du captif devait, dans la logique des rituels funéraires et des représentations des âmes des ancêtres, se protéger de l'âme irritée de sa...
  • CHIRIGUANO

    • Écrit par Susana MONZON
    • 362 mots

    Descendants des Indiens Guarani qui, à l'époque historique, émigrent en plusieurs vagues successives du Paraguay pour se porter jusqu'au pied du versant oriental des Andes boliviennes. À leur arrivée en Bolivie, les Guarani trouvent une population de langue arawak, les Chané, appartenant...

  • DÉLUGE MYTHES DU

    • Écrit par Mircea ELIADE
    • 2 091 mots
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    Un exemple singulièrement frappant est celui des Guaranis du Mato Grosso. Sachant que la Terre sera détruite par le feu et par l'eau, ils partirent à la recherche du « Pays sans péché », sorte de paradis terrestre, situé au-delà de l'Océan. Ces longs voyages, inspirés par les chamans, et effectués sous...
  • Afficher les 8 références

Voir aussi