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GRÂCE DES CONDAMNÉS

Monument aux bourgeois de Calais, A. Rodin - crédits : Simon Bilbault

Monument aux bourgeois de Calais, A. Rodin

La grâce est un vieux reliquat du principe suivant lequel toute justice émane du souverain. Concédant la justice, la déléguant, le monarque pouvait à tout moment, sous l'Ancien Régime, soit se saisir d'une affaire, soit modifier la sentence déjà prononcée par l'une quelconque des juridictions concessionnaires. Les pouvoirs réguliers du souverain ont tous disparu avec la Révolution de 1789, à l'exception du droit de grâce qui, après une courte période de suppression, fut rétabli par un sénatus-consulte du 16 thermidor an X. Le droit de grâce pourrait donc être aujourd'hui défini comme le dernier attribut régalien du chef de l'État par lequel celui-ci dispense un condamné d'effectuer tout ou partie de sa peine exécutoire ou commue cette dernière en une peine plus douce. On a beaucoup critiqué l'institution de la grâce. Celle-ci porterait atteinte tout d'abord à la séparation des pouvoirs en permettant une ingérence de l'exécutif à la fois dans le domaine du législatif, qui a prévu une sanction pour telle infraction et risque de la voir éludée, et dans le domaine du judiciaire, qui est entré en condamnation mais risque de voir sa décision comme non avenue. La grâce serait de plus devenue aujourd'hui inutile puisque le sursiset la libération conditionnelle quant au judiciaire, l'amnistie quant au législatif jouent déjà le même rôle. La grâce a cependant une utilité certaine : en cas d'erreur judiciaire, elle permet de libérer le condamné sans attendre la décision consécutive à une procédure de révision la plupart du temps fort longue. Elle encourage la bonne conduite et l'amendement d'un individu condamné à une forte peine (réclusion criminelle à perpétuité, par exemple). Elle permet au juge de prononcer une sanction sévère car il sait que celle-ci ne sera pas forcément irrémédiable. Enfin, dans un système qui admettait la peine de mort, la grâce pouvait apparaître comme une institution régulatrice de cette dernière. De plus, il n'est pas vrai que le droit de grâce fasse double emploi avec les institutions citées par ses adversaires : la grâce a un domaine plus large que la libération conditionnelle, et différent de celui du sursis. Alors que l'amnistie, d'origine essentiellement législative, efface la condamnation en éteignant la peine, la grâce procède à l'extinction de la peine sans effacement de la condamnation.

La grâce ne s'applique que si un certain nombre de conditions de fond et de forme sont réunies : quant aux premières, la grâce suppose une condamnation définitive et exécutoire. Échappent donc au recours en grâce les condamnations qui peuvent encore faire l'objet d'une voie de recours, les condamnations subies, les condamnations avec sursis ou encore prononcées par contumace, les peines atteintes par la prescription, les dommages-intérêts, les condamnations aux frais et dépens et peut-être les sanctions disciplinaires. Quant aux conditions de forme, le recours en grâce émane du condamné ou de son défenseur, ou de toute personne pouvant justifier d'un intérêt ; formulé sur papier libre, il est adressé au président de la République accompagné de toutes justifications utiles. Le procureur de la République ou le procureur général (suivant la juridiction qui a prononcé la condamnation) instruit l'affaire puis la remet au ministère de la Justice où le directeur des affaires criminelles et des grâces l'examine. Le dossier est ensuite transmis aux ministres intéressés, s'il y en a, au Conseil supérieur de la magistrature, enfin au président de la République qui l'examine et prend seul sa décision. Celle-ci est matérialisée par un décret signé par le président de la République, contresigné par le Premier ministre, le ministre de la Justice et les ministres éventuellement intéressés.[...]

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Pour citer cet article

Joël GREGOGNA. GRÂCE DES CONDAMNÉS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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Monument aux bourgeois de Calais, A. Rodin - crédits : Simon Bilbault

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Autres références

  • PEINE DE MORT

    • Écrit par André DUMAS, Michel TAUBE
    • 8 006 mots
    • 1 média
    ...Toujours en Grande-Bretagne, on compte en 1831 encore 1 600 condamnations à mort, dont 52 exécutions, en 1862 seulement 29 condamnations, dont 15 exécutions. La prise en considération des circonstances atténuantes et le droit de grâce du chef de l'État contribuent partout à la réduction des peines capitales....

Voir aussi