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CONINXLOO GILLIS III VAN (1544-1607)

Issu d'une nombreuse famille de peintres, Gillis III van Coninxloo devient franc-maître à Anvers en 1570 après être passé selon Van Mander par les ateliers de Pieter Coecke fils (Coninxloo était apparenté à la famille de Coecke), de Leonard Kroes dont on ne sait pratiquement rien et de Gillis Mostaert, important paysagiste dont le cheminement esthétique est parallèle à celui de Pieter Bruegel Ier. Toujours selon Van Mander, Coninxloo se rendit en France mais il ne semble pas être allé jusqu'en Italie, ce qui reste controversé. De religion réformée et patriote antiespagnol, il prit une part active à la défense d'Anvers assiégée en 1585 et émigra la même année à l'étranger après la prise de la ville par les Espagnols, gagnant d'abord la Zélande puis Frankenthal en Allemagne, cette fameuse colonie-refuge des protestants flamands fondée en 1562 près de Spire par le prince électeur du Palatinat Frédéric III. Coninxloo séjourna à Frankenthal de 1585 à 1595 puis se fixa définitivement à Amsterdam. Les débuts de Coninxloo et même ses œuvres de la période de Frankenthal restent insuffisamment connus, mis à part d'assez nombreuses gravures de paysages à sujets religieux ou mythologiques par Nicolaes de Bruyn et un seul tableau signé et daté de 1588 au musée de Dresde, Apollon et le roi Midas. Du moins y décèle-t-on une première manière encore assez traditionaliste, nullement italianisante et fort différente de ses remarquables visions sylvestres des années 1600 : vues panoramiques très composées, prises d'un point de vue élevé, habilement parsemées de mamelons boisés, de rochers et d'arbres où des percées asymétriques ouvrent sur un horizon immense et reculé. Héritant de toute une tradition du paysage vaste et profond portée par Patenier, Cornelis Massys, Bles, Gassel, le grand Brueghel, Jérôme Cock et jusqu'à Lucas van Valckenborch, Coninxloo rompt cependant dès le départ avec leurs conceptions qui soulignent avec insistance les horizontales.

Dans la fonction encadrante des arbres, dans l'ouverture de plusieurs points de fuite, dans l'étagement sinueux des plans de terrains et d'une façon générale dans l'assouplissement décoratif de la construction du paysage, Coninxloo doit évidemment beaucoup à des paysagistes moins panoramistes et plus sylvestres, plus proches aussi chronologiquement comme Pieter van der Borcht, Hans Bol (dont l'influence, longtemps méconnue, a été remise en pleine lumière grâce aux travaux de H. G. Franz publiés en 1969), Gillis Mostaert. Le recours au vieil artifice d'une organisation asymétrique (une percée panoramique d'un côté, une masse de rochers ou de forêts de l'autre) recule nettement devant la formule (si riche d'avenir, notamment chez Paul Bril !) d'un paysage à coulisses latérales et à horizon discontinu, où l'œil ; est conduit par de véritables couloirs vers des objectifs précis et limités. Certes, Coninxloo tend ici à se rapprocher de la conception quasi « animiste » et comme dynamique du paysage vénitien (mais aussi ferrarais, par exemple chez Dosso Dossi, très en avance sur son temps !), où les arbres sont en quelque sorte sculptés par la lumière, où perce une véritable libération des formes, des couleurs et de l'ambiance lumineuse. De nettes affinités peuvent être relevées ainsi entre Coninxloo et des Flamands influencés par l'art vénitien comme Toeput ou Paolo Fiammingo, ce qui permit à Charles Sterling d'avancer l'hypothèse d'une première formation de Coninxloo en Italie. Mais les œuvres contemporaines du Midas de Dresde montrent trop de traditionalisme panoramique et horizontalisant pour succéder à une première phase italianisante. Peut-être n'y eut-il des contacts avec un Paolo Fiammingo qu'au cours de la période de Frankenthal, Fiammingo ayant travaillé[...]

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Écrit par

  • : conservateur des Musées nationaux, service d'études et de documentation, département des Peintures, musée du Louvre

Classification

Pour citer cet article

Jacques FOUCART. CONINXLOO GILLIS III VAN (1544-1607) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • NÉERLANDAISE ET FLAMANDE PEINTURE

    • Écrit par Lyckle DE VRIES
    • 10 188 mots
    • 18 médias
    ...Pieter Bruegel n'attirent plus que le dédain ironique du citadin aux préjugés de classe étriqués. Il faut mentionner aussi Joos de Momper et Gilles van Coninxloo. Ce dernier vint à Amsterdam et exerça une profonde influence. Tous deux ont une grande expérience de la couleur et de la composition, qui va...

Voir aussi