Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SCHOLEM GERSHOM (1897-1982)

Philologue, historien et théologien israélien, né à Berlin, Gershom Scholem étudia à Berlin, à Iéna, à Berne et à Munich. Il enseigne à l'université de Jérusalem et, depuis 1968, est président de l'Académie israélienne des sciences et des humanités. Son adhésion au mouvement sioniste alors qu'il était encore étudiant l'amena à s'intéresser aux sources de la tradition juive ; il devint alors un véritable érudit et un pionnier dans l'étude de la kabbale. Sa thèse de doctorat est consacrée à la traduction et au commentaire du Sefer ha-Bahir (Das Buch Bahir, 1923), l'un des premiers et des plus difficiles textes kabbalistiques. Chercheur passionné et écrivain fécond, il n'a cessé depuis 1923 d'établir des manuscrits appartenant à la période médiévale de la littérature juive, de publier de nouveaux textes ou de brosser de grands panoramas historiques : Les Grands Courants de la mystique juive (Major Trends in Jewish mysticism, 1re éd., New York, 1941) ; Jewish Gnosticism-Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition, New York, 1960 ; Les Origines de la kabbale, Paris, 1966 ; La Kabbale et sa symbolique, Paris, 1966 (Zur kabbala und ihrer Symbolik) ; Le Messianisme juif, Paris, 1974. Il a profondément renouvelé l'attitude du public « éclairé » à l'égard des spéculations gnostiques et mystiques médiévales, méconnues et dédaignées par le rationalisme hérité du xixe siècle (à l'exception toutefois de savants comme Salomon Munk). Dans l'introduction aux Grands Courants de la mystique juive, il écrit notamment : « Les grands savants du siècle dernier, Graetz, Zunz, Geiger, Luzzatto, ont peu de sympathie, pour ne pas dire davantage, envers la kabbale [...]. Celle-ci résumait tout ce qui était opposé à leurs propres idées et aux vues qu'ils espéraient faire prédominer dans le judaïsme moderne. » Pour Scholem, la mystique est « une étape déterminée dans le développement historique de la religion ». Il estime que trois grands traits caractérisent la mystique juive. Le premier s'exprime par la réticence pour la confession personnelle, la réserve quant à tout ce qui touche l'expérience mystique, l'absence d'éléments autobiographiques : « Les Juifs, écrit-il, ont gardé un sens particulièrement vif de l'incongruité entre l'expérience mystique et l'idée de Dieu qui met en valeur les aspects de Créateur, de Roi et de Législateur. » Le deuxième trait de cette mystique est une attitude métaphysiquement positive à l'égard du langage considéré comme l'instrument propre de Dieu ; le langage ordinaire de l'homme est un reflet du langage créateur de Dieu et il n'est nullement inadéquat à ses tâches. En troisième lieu, la mystique juive se caractérise par la déférence à l'égard de la tradition : plus l'intuition mystique est pure, vraie et parfaite, plus elle est proche de la véritable tradition, de la « connaissance originelle de l'humanité » ; ainsi s'explique le paradoxe fréquent qui fait que des thèses entièrement neuves soient acceptées au titre de la sagesse traditionnelle. Scholem reconnaît enfin « l'affinité particulière de la pensée kabbalistique avec la pensée mythique » ; il y a là un problème pour ceux qui considèrent le monothéisme juif comme étant précisément la religion qui a rompu radicalement avec tout ce qui est mythique. « Ce qui est réellement requis, estime Scholem, c'est une compréhension de ces phénomènes qui n'éloigne pas du monothéisme. » Des travaux analogues à ceux de Scholem sont poursuivis en France par Georges Vajda, directeur à l'École pratique des hautes études à Paris.

— Françoise ARMENGAUD

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : agrégée de l'Université, docteur en philosophie, maître de conférences à l'université de Rennes

Classification

Pour citer cet article

Françoise ARMENGAUD. SCHOLEM GERSHOM (1897-1982) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BIBLE - L'étude de la Bible

    • Écrit par André PAUL
    • 6 436 mots
    ...d'années, sur la littérature mystique dite de la Merkabah. Jusqu'au début des années 1980, on ne connaissait guère que les publications de G.  Scholem, auteur, entre autres, de Jewish Gnosticism. Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition (New York, 2e éd. 1965). Pour ce savant, à qui l'on doit...
  • GOLEM

    • Écrit par Olivier JUILLIARD
    • 631 mots

    Être, le plus souvent de forme humaine, le golem est créé par un acte de magie grâce à la connaissance des dénominations sacrées. Dans le judaïsme, l'apparition du terme golem remonte au Livre des Psaumes et à l'interprétation qu'en donne le Talmud ; il s'agit, dans ce...

  • SABBATAI TSEVI (1626-1676)

    • Écrit par Bernard DUPUY
    • 4 415 mots
    ...celle que lui attribuait Nathan de Gaza et qui devait être reprise par le mouvement sabbataïste ultérieur. La doctrine, en effet, allait se radicaliser. Selon Gershom Scholem, Sabbatai Tsevi n'eut jamais les capacités intellectuelles de son prophète, même si ses disciples, après sa mort, se réclamèrent...
  • TÉMOINS DU FUTUR. PHILOSOPHIE ET MESSIANISME (P. Bouretz) - Fiche de lecture

    • Écrit par Sylvie COURTINE-DENAMY
    • 1 012 mots

    Pierre Bouretz nous offre un prolongement de la somme de Julius Guttmann (Histoire des philosophies juives. De l'époque biblique à Franz Rosenzweig, 1996) en regroupant neuf philosophes juifs, de culture allemande, nés entre 1842 et 1905, à l'aube d'un xxe siècle apocalyptique : Hermann...

Voir aussi