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NERVAL GÉRARD DE (1808-1855)

Le xixe siècle a considéré Gérard de Nerval comme un écrivain mineur : aimable compagnon, doux rêveur, gentil poète. Dans sa Sylvie, déjà tenue pour une réussite exquise de son art, on goûtait le charme idyllique de la narration, sans guère saisir les résonances intérieures. Aurélia, Les Chimères, œuvres d'un abord plus difficile, demeuraient méconnues ou peu comprises.

En toute justice, le xxe siècle a promu Nerval au rang des plus grands ; sa gloire est définitivement assise. Mais, par une réaction excessive, certains exégètes accordent aujourd'hui trop d'importance aux spéculations chimériques dont ses contemporains, les plus proches amis exceptés, se contentaient un peu inconsidérément de sourire.

Si Gérard de Nerval n'est pas ce « fol délicieux » qu'évoquait Maurice Barrès, il n'est pas non plus un héros de la connaissance, un porteur de message. Sa quête fiévreuse à travers les mythologies et les théosophies ne révèle que l'inquiétude de son esprit. Sa grandeur est de s'y être engagé jusqu'à en mourir, et d'en avoir figuré les épisodes avec une lucidité pathétique, contrôlée par un art vigilant.

Rêveries d'enfance et de jeunesse

Né à Paris, Gérard Labrunie (Nerval est un pseudonyme emprunté à un clos familial) avait deux ans lorsque sa mère mourut, en Silésie. Elle accompagnait son mari, médecin de la Grande Armée. Gérard voua un culte à sa mémoire, et le traumatisme causé par cette absence est à l'origine de son tourment.

Il vécut ses premières années dans le Valois, chez son grand-oncle maternel, Antoine Boucher, qui possédait une petite maison à Mortefontaine. Au retour de son père, en 1814, il le suivit à Paris. Il prépara son baccalauréat au collège Charlemagne. L'été, cependant, il retrouvait les forêts de son enfance. Mortefontaine, mais aussi Chantilly, Senlis, Chaalis, Ermenonville l'ont imprégné de souvenirs. Lorsque la maison d'Antoine Boucher fut vendue, en 1825, cet événement familial marqua pour lui la fin d'un premier cycle affectif.

Non moins important pour sa vie intérieure apparaît, dans sa dix-neuvième année, un autre séjour provincial, chez des parents du côté paternel, à Saint-Germain-en-Laye. Gérard s'y éprit d'une cousine, Sophie de Lamaury, qui devait rapidement se marier. De cette aventure, longtemps ignorée, datent sans doute ses premières ferveurs sentimentales.

Ainsi, les rêveries de Nerval sont nées, au moins pour une part, du regret d'une mère qu'il n'a pas connue, d'une jeune fille qu'il n'a pas conquise. Elles flottent autour du Valois et de Saint-Germain, qui sont les deux hauts lieux de la géographie nervalienne.

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Pour citer cet article

Pierre-Georges CASTEX. NERVAL GÉRARD DE (1808-1855) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AURÉLIA, Gérard de Nerval - Fiche de lecture

    • Écrit par Marie-Françoise VIEUILLE
    • 1 299 mots

    Commencée en 1853 dans la clinique du docteur Émile Blanche, poursuivie au cours d'un voyage en Allemagne, puis au retour, dans le même lieu, interrompue par le suicide de Gérard de Nerval (1808-1855) dans la nuit du 25 au 26 janvier 1855, Aurélia garde, quant à sa structure, un caractère...

  • LES FILLES DU FEU, Gérard de Nerval - Fiche de lecture

    • Écrit par Marie-Françoise VIEUILLE
    • 990 mots

    Les Filles du feu rassemblent des textes de formes diverses : nouvelles, récits, chansons et légendes, séquences dialoguées, sonnets. Quand le volume paraît, le 28 février 1854 – un an avant le suicide de Gérard de Nerval (1808-1855) –, la presque totalité de ces pages a déjà été publiée...

  • LES CHIMÈRES, Gérard de Nerval - Fiche de lecture

    • Écrit par Yves LECLAIR
    • 914 mots

    Le 10 décembre 1853, Alexandre Dumas, présentant « El Desdichado », l'un des sonnets que Gérard de Nerval (1808-1855) lui avait confiés, prophétisait dans un article désinvolte sa mort littéraire. Les Chimères, suite de douze sonnets qui clôt Les Filles du feu (1854),sont la...

  • CÉNACLES ROMANTIQUES

    • Écrit par France CANH-GRUYER
    • 2 432 mots
    • 1 média
    ...beaux-arts, épris de littérature nouvelle ; le « Petit Cénacle » rend hommage, par son nom, au Cénacle de Victor Hugo. Certains, comme Théophile Gautier et Gérard de Nerval, connurent la célébrité de leur vivant et contribuèrent, le premier surtout avec son Histoire du romantisme, à faire connaître le...
  • DELAY FLORENCE (1941- )

    • Écrit par Véronique HOTTE
    • 773 mots

    Florence Delay est essayiste et romancière, comédienne, traductrice, scénariste. Elle a été élue à l'Académie française le 14 décembre 2000. Née à Paris le 19 mars 1941, elle fait ses études au lycée Jean de La Fontaine et à la Sorbonne. Attirée par le théâtre, elle est élève à l'école du Vieux-Colombier,...

  • RÉCIT DE VOYAGE

    • Écrit par Jean ROUDAUT
    • 7 128 mots
    • 1 média
    ...Nodier, Taylor et Cailleux ont introduit la notion de « voyages pittoresques et romantiques » ; mais ce ne sont déjà plus les monuments qui intéressent Nerval ; il veut, à la façon de Sterne, dont le Voyage sentimental sert de modèle à toute la génération romantique, ne retenir que le domaine des...
  • LYRISME

    • Écrit par Jamel Eddine BENCHEIKH, Jean-Pierre DIÉNY, Jean-Michel MAULPOIX, Vincent MONTEIL, René SIEFFERT
    • 10 725 mots
    • 2 médias
    Un exemple peut éclairer ces paradoxes. Le célèbre poème « El Desdichado » de Nerval (extrait des Chimères) retentit comme une déclaration d'identité : « Je suis le ténébreux, le veuf, l'inconsolé... » En fait, cette apparente affirmation n'est que déclinaison d'identités multiples. Le sujet...

Voir aussi