PESCE GAETANO (1939- )
Si l'art nouveau a tenté de réconcilier l'Art et l'Utile en faisant de l'architecte un créateur total dominant à la fois le secteur de la construction et celui du décor intérieur, il ne vint jamais à l'esprit de ses maîtres – ni de leurs successeurs de l'entre-deux-guerres – que non seulement il ne fallait plus distinguer l'architecture du design mais encore que celui-ci deviendrait le véritable art majeur renouvelant l'art de la bâtisse aussi bien que le mobilier de bureau.
Avant son prestigieux aîné Ettore Sottsass (1917-2007), l'Italien Gaetano Pesce allait oser cette révolution par une entreprise sans précédent de détournement des matériaux au service d'une créativité ne connaissant nulle entrave théorique ou professionnelle.
Né en 1939 à La Spezia (Ligurie), Gaetano Pesce effectue ses études d'architecte à Venise entre 1959 et 1965. Dès cette période, il participe à la fondation du groupe N qui se consacre à l'art programmé et entame une recherche sur la communication visuelle. Un institut supérieur de design industriel est créé à Venise et le jeune architecte s'y inscrit aussitôt.
En 1962, Gaetano Pesce ouvre sa première agence à Padoue, qu'il oriente vers le design et l'architecture d'intérieur. C'est à cette époque qu'il rencontre Cesare Cassina dont la firme réalise des meubles de large diffusion en même temps que les productions d'un atelier de recherche. Tout de suite, Pesce se passionne pour les innovations technologiques et les matériaux artificiels, caoutchouc, fibre de verre, plastique, résines synthétiques. Elles constitueront les bases fondamentales d'une œuvre où les concepts de forme et de fonction ne sont plus soumis qu'aux impératifs d'une imagination sans tabous.
La lampe « Moloch Floor » (1970), cet appareil classique des agences d'architecture, devient, par ses dimensions démesurées, le King-Kong du luminaire. Elle est fabriquée en aluminium tandis que la lampe « Tree » (1972) sera faite de méthane et de papier mâché. Les sièges et les canapés qui vont se succéder utiliseront la mousse de polyuréthanne recouverte de jersey comprimée entre des feuilles de polyester, une résine synthétique existant depuis 1942. Ils aboutiront à la réussite du fauteuil « Feltri » (1987) choisi pour l'exposition Design, miroir du siècle (Paris, 1993) comme l'un des objets saillants de l'anti-design. Ce siège est réalisé avec un feutre de laine épaisse – peut-être un clin d'œil à Josef Beuys – qui conserve bien la chaleur mais va devoir se plier à un traitement inédit : imprégné par une résine thermodurcissable, il est inséré dans un moule et cuit au four afin d'obtenir une coque rigide et autoportante dans sa partie inférieure, souple et flexible dans sa partie supérieure. Les meubliers traditionnels ne comprendraient certainement rien à cette technique, à part celle du capiton rose – une réminiscence ? – recouvrant l'ensemble. À l'occasion de la réouverture du musée des Beaux-Arts de Lille, en 1997, deux immenses lustres en verres colorés ont été commandés à Gaetano Pesce.
N'oubliant pas qu'il est architecte de formation, il ne reste pas indifférent aux programmes grandioses de son époque. Ainsi il présentera un contre-projet pour les Halles de Paris, la réhabilitation du fameux Lingotto de Turin, et participera même à la compétition pour la bibliothèque nationale Pahlavi qui devait être édifiée à Téhéran. Toutefois, son intention n'a rien de commun avec celle de ses collègues. Selon lui, en effet, la demande d'une bibliothèque nationale n'avait rien à voir avec la réalité de l'Iran. Elle a été suggérée par un « pouvoir international, l'idéologie de la consommation ». Fidèle à son intérêt pour les médias, il édite une carte postale représentant[...]
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Écrit par
- Roger-Henri GUERRAND : professeur émérite à l'École d'architecture de Paris-Belleville
Classification
Pour citer cet article
Roger-Henri GUERRAND, « PESCE GAETANO (1939- ) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
Autres références
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DESIGN
- Écrit par Christine COLIN
- 8 028 mots
- 1 média
...déjà très ébranlé : l'habitude de donner un nom propre à chaque objet est engagée dès le début du xxe siècle. Et lorsque le designer italiano-américain Gaetano Pesce milite dans les années 1970-1980 pour « le droit à la différence des objets » et la production de série diversifiée où chaque objet de la...
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