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FRÉDÉRIC II DE PRUSSE (1712-1786)

Grand Allemand ou grand Prussien ?

La plupart des historiens allemands qui ont vu en 1866 l'Autriche éliminée de la Confédération germanique, en 1871 la fondation du IIe Reich sous l'hégémonie prussienne ont cru assister au dénouement d'une crise plus que centenaire, commencée en 1740 par la première guerre de Silésie. Frédéric II aurait été le précurseur de Bismarck et le premier artisan de l'unité allemande, le représentant du patriotisme allemand contre l'État plurinational des Habsbourg.

Rien de plus inexact qu'une telle conception. Il est certain que les victoires de Frédéric sur les Autrichiens lui ont valu une réelle popularité chez les protestants allemands peu favorables aux Habsbourg catholiques et à leur clientèle. Il n'en reste pas moins que Frédéric cherche avant tout à agrandir le royaume qu'il a reçu de son père. La première tâche est de réunir les trois morceaux de l'État. C'est chose faite, pour la Prusse et le Brandebourg, par l'acquisition de la « Prusse polonaise » : on peut se rendre de Königsberg à Berlin sans quitter le territoire prussien. Quant aux possessions de l'Ouest, Frédéric, qui n'a jamais aimé leurs populations, les aurait volontiers échangées contre la Saxe ; le royaume aurait eu ainsi une configuration plus ramassée, donc plus facile à défendre. Cependant, dans l'intérêt de la dynastie, il faut affaiblir l'Autriche, car cette puissance ne cherche qu'à « asservir l'Allemagne ». L'alliance française n'a pas d'autre but, et une France forte est nécessaire pour résister à l'ambition des Habsbourg : « La Prusse ne saurait voir d'un œil tranquille enlever à la France l'Alsace ou la Lorraine ». Ce sont les propres termes du Testament politique de 1752. Et la Ligue des princes de 1785, bien loin de s'inscrire dans la perspective de l'unité allemande, n'est que l'ultime tentative de Frédéric pour dresser contre Joseph II le rempart des « libertés germaniques », c'est-à-dire du morcellement et de l'impuissance tels qu'ils résultaient des traités de 1648.

À cette époque, ce n'est pas Frédéric II mais plutôt Joseph II qui a eu le sens de l'unité de l'Allemagne. Couronné à Francfort en 1765, empereur du Saint Empire romain germanique, il s'est toujours considéré comme responsable des intérêts de l'Allemagne et comme chargé de représenter les Allemands devant les peuples étrangers. La clientèle des États catholiques, le poids surtout des pays qui composent la monarchie des Habsbourg assurent à l'empereur un pouvoir beaucoup plus grand que ne le laisseraient penser les textes qui régissent la constitution de l'Empire. Uniquement préoccupé des intérêts de la Prusse, Frédéric II était conscient du danger que représentait l'empereur, et toute son attitude à l'égard de l'Autriche s'explique par le double souci d'accroître au maximum la puissance des Hohenzollern et de maintenir le morcellement de l'Allemagne pour interdire aux Habsbourg une politique qui aurait abouti peut-être à faire l'unité de l'Allemagne à leur profit.

— Michel EUDE

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Écrit par

  • : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Rouen

Classification

Pour citer cet article

Michel EUDE. FRÉDÉRIC II DE PRUSSE (1712-1786) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Frédéric II de Prusse (1712-1786) - crédits : De Agostini/ Getty Images

Frédéric II de Prusse (1712-1786)

Bataille de Mollwitz - crédits : AKG-images

Bataille de Mollwitz

Autres références

  • FRÉDÉRIC II (roi de Prusse)

    • Écrit par Sylvain VENAYRE
    • 215 mots
    • 1 média

    Lorsqu'il meurt, à Potsdam, en 1786, Frédéric II est depuis longtemps considéré comme le « roi-philosophe ». Roi de Prusse depuis 1740, il est en effet célèbre pour sa culture, notamment sa connaissance des lettres françaises, et pour ses amitiés avec de nombreux philosophes, en particulier...

  • ARMÉE - Doctrines et tactiques

    • Écrit par Jean DELMAS
    • 8 017 mots
    • 3 médias
    Quant àFrédéric II, d'abord influencé par Folard, il cherche à développer la mobilité de son armée en vue du choc et enseigne à sa cavalerie la charge au galop sans tirer. Puis, appréciant peu à peu la puissance de feu, il finit par écrire dans son testament militaire : « Les batailles se gagnent par...
  • DESPOTISME ÉCLAIRÉ

    • Écrit par Jean-Jacques CHEVALLIER
    • 4 482 mots
    • 2 médias
    Le prototype, celui qui de l'avis unanime des historiens incarne la formule par lui conçue, vraiment mise au point et achevée, celui qui en a tiré sans ménagement ni pour ses sujets ni pour lui-même toutes les virtualités favorables à l'État (et de loin supérieures à celles de l'absolutisme traditionnel),...
  • DESPOTISME ÉCLAIRÉ - (repères chronologiques)

    • Écrit par Sylvain VENAYRE
    • 143 mots

    1740 Avènement de Frédéric II de Prusse.

    1750-1753 Séjour de Voltaire à la cour de Potsdam.

    1752 Testament politique de Frédéric II : les principes du despotisme éclairé.

    1762 Avènement de Catherine II de Russie.

    1767 Échec de la réunion d'une Commission législative à Moscou : les limites...

  • GRAUN CARL HEINRICH (1704-1759)

    • Écrit par Universalis
    • 419 mots

    Le nom du compositeur allemand Carl Heinrich Graun est avant tout attaché à sa cantate de la Passion Der Tod Jesu.

    Né le 7 mai 1704, à Wahrenbrück, en Saxe, dans une famille de musiciens, Carl (ou Karl) Heinrich Graun étudie le chant à la Kreuzschule de Dresde, où il a pour maîtres Johann Zacharias...

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Voir aussi