MANNHEIM ÉCOLE DE
Le nouveau style
L'apport des « Mannheimer »
Les compositeurs de Mannheim ont commencé à rechercher ce qui fera la qualité particulière du classicisme viennois : un équilibre entre la forme et l'expression ; mais ce n'est que dans certaines œuvres de Haydn, et surtout de Mozart et de Beethoven, que cet idéal sera atteint. À Mannheim, la musique est un art de cour, comme elle le sera encore à Eszterháza pour Haydn ; cela explique en partie que les Mannheimer aient recherché les effets brillants qui frappent l'auditoire, et le côté expressif, facilement accessible et un peu superficiel chez eux, de l'emploi des nuances, des modulations, des timbres. Mais leur démarche s'inscrit dans la lignée de l' Empfindsamkeit (approximativement : sensibilité), un mouvement assez général dans l'Europe musicale du xviiie siècle, particulièrement fort en Allemagne où C. P. E. Bach en était le meilleur représentant, et qui proposait comme idéal en musique l'expression des sentiments et des mouvements de l'âme. Certes les contrastes de nuances, de timbres et de tonalités des compositeurs de Mannheim paraissent souvent maintenant plus décoratifs qu'expressifs, mais il n'en allait pas de même pour leurs contemporains, et ces innovations firent sensation.
Dans le domaine de la dynamique, Stamitz et ses successeurs obtinrent le crescendo et le decrescendo de tout l'orchestre ; ils employèrent beaucoup cet effet. Dans une des symphonies « melodia germanica » de Stamitz par exemple, le premier mouvement débute avec les cordes pianissimo en trémolos, et un grand crescendo amène l'entrée du thème fortissimo. Le crescendo peut être souligné par une entrée progressive des instruments, et il peut, à son sommet, aboutir à un piano subito, ce qui était tout à fait surprenant à l'époque. Ces nuances concernent une partie d'un mouvement, ou bien se trouvent contenues dans les limites d'un thème, dont elles font alors partie intégrante. Les Mannheimer emploient aussi un effet d'écho : une même phrase musicale est jouée deux fois, la première fois fortissimo, la seconde fois pianissimo.
Ces effets de dynamique sont renforcés par l'opposition de timbres différents, ce qui amène les compositeurs de Mannheim à donner à chacun des groupes d'instruments de l'orchestre son caractère propre et plus d'indépendance. L'emploi des bois, en particulier, est différencié, et le timbre de ces instruments se fond beaucoup moins dans l'ensemble des cordes qu'auparavant. Dans les symphonies, les oppositions sont fréquentes entre un instrument soliste ou un petit groupe d'instruments et le tutti de l'orchestre. Le thème peut être exposé par les instruments à vent aussi bien que par les cordes. En 1755, Johann Stamitz introduit la clarinette dans l'orchestre. Les concertos mettent en valeur non seulement la qualité de sonorité du soliste, mais aussi sa virtuosité, en particulier dans les cadences qui lui sont confiées. Le trémolo, sur une ou plusieurs notes (intervalle allant jusqu'à la tierce), est d'usage très fréquent dans l'écriture des cordes.
L'écriture de ces compositions est plus harmonique que contrapuntique ; la mobilité croissante de la basse met fin peu à peu au règne de la basse continue. La ligne mélodique a une grande importance, elle est souvent assez ornée, les sauts du grave à l'aigu y apparaissent, son expression est parfois soulignée par de longues pauses. Mais la tonalité est encore très stable ; les modulations rapides et les contrastes violents entre majeur et mineur, si fréquents chez Haydn, sont ici relativement rares.
Stamitz et ses successeurs contribuent beaucoup à fixer et à généraliser l'usage de la forme sonate : deux thèmes de caractère opposé, développement, réexposition et coda. Les Mannheimer[...]
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Écrit par
- Nicole LACHARTRE : compositeur, fondatrice et directrice artistique de l'Association pour la collaboration des interprètes et compositeurs
Classification
Média
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