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DU CONTRAT SOCIAL, Jean-Jacques Rousseau Fiche de lecture

Une réception entre idéologie et méthodologie

La portée du Contrat se mesure aux controverses passionnées et aux interprétations paradoxales (spiritualiste, hégélienne, marxiste et, avec J. Rawls, néo-contractualiste) que suscita au fil des siècles sa lecture. Condamné et interdit à la vente en France, brûlé à Genève, et obligeant son auteur à l'exil, il fut salué par Kant et Fichte mais repoussé en France par les libéraux, notamment par Benjamin Constant qui voyait dans cette conception de la souveraineté une atteinte à la liberté individuelle. Toutefois, le succès de La Nouvelle Héloïse et les polémiques que soulevèrent les considérations sur la religion contenues dans Émile, éclipsèrent l'ouvrage qui dut attendre la Révolution française pour faire fortune (trente-deux éditions entre 1789 et 1799) et devenir, sous la plume de Robespierre et de Saint-Just, qui en tirèrent une sorte de messianisme social, un véritable objet de culte. Au-delà de cette postérité idéologique et des critiques du dispositif très verrouillé voire totalitaire qu'instaurerait la volonté générale, le Contrat réaffirme le statut méthodologique que prenait déjà l'état de nature dans le second Discours. En effet, il s'agit à travers ce récit mythique, non pas de poser un référent éthique basé sur l'idéalisation nostalgique du bon sauvage, mais bien de développer une axiomatique montrant de façon formelle les avantages individuels et collectifs de la contrainte volontairement consentie face aux effets improductifs qu'engendrent les situations de libre poursuite des intérêts privés. C'est à ce titre que l'ouvrage reste pour beaucoup une expression ancienne et exemplaire des opportunités heuristiques qu'offre au raisonnement sociologique l'introduction de la modélisation.

— Éric LETONTURIER

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Écrit par

  • : docteur en sociologie, D.E.A. de philosophie, maître de conférences à l'université de Paris V-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Éric LETONTURIER. DU CONTRAT SOCIAL, Jean-Jacques Rousseau - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

Média

Jean-Jacques Rousseau - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Jean-Jacques Rousseau

Autres références

  • ALIÉNATION

    • Écrit par
    • 8 006 mots
    C'est de cette aliénation que Rousseau fait le pivot du Contrat social, à une différence près toutefois – mais cette différence est fondamentale – que chacun se désiste, non plus en faveur d'un tiers non contractant – le souverain – mais en faveur de la volonté de tous : « Les clauses de ce contrat...
  • AUTONOMIE

    • Écrit par
    • 4 123 mots
    ...seulement le niveau des constitutions politiques, elle s'attaque à la loi morale entendue comme idéal de la volonté qu'elle a pour fonction de gouverner. Pourtant, c'est au plan politique, et dans la théorie de la volonté générale, que le double sens de l'autonomie apparaît le plus clairement. Rousseau...
  • BONHEUR (notions de base)

    • Écrit par
    • 2 593 mots
    ...heureux à une époque (enfance individuelle ou préhistoire de l’humanité) où il ne possédait pas l’aptitude qui lui aurait permis d’apprécier sa condition. Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) l’exprime nettement dans la première version (non publiée) de son Contrat social de 1762 : « Insensible aux stupides...
  • ÉTAT (notions de base)

    • Écrit par
    • 3 054 mots
    ... alors qu’on les a reconduits dans l’état de nature. État de nature, rappelons-le, dans lequel n’existent ni bien ni mal, ni juste ni injuste. Lorsque Rousseau, dans son Contrat social (1762), dénonce un pouvoir absolu qui « transforme la force en droit et l’obéissance en devoir », un pouvoir qui travestit...
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