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DIALOGUE DES ORATEURS, Tacite Fiche de lecture

Le Dialogue des orateurs (Dialogus de Oratoribus, vers 105 apr. J.-C.), dont on considère aujourd'hui que l'auteur est très probablement Tacite (vers 55-vers 120), fait délibérément écho, à un siècle et demi de distance, au grand traité latin de Cicéron, le De Oratore : même sujet (l'éloquence), même forme dialoguée, même façon de situer les faits rapportés dans le passé, au moment de la jeunesse de l'auteur. Les thèses et l'exemple cicéroniens y sont explicitement revendiqués – mais leur champion, Messalla, n'a pas le dernier mot.

Contre l'éloquence ?

Le dialogue se déroule à Rome, sous l'empereur Vespasien (vers 75), chez Maternus, écrivain et orateur qui juge sévèrement son temps – aussi le débat va-t-il porter pour l'essentiel sur l'évolution de l'art oratoire de la République à l'Empire. L'éloquence doit-elle être préférée à la poésie (et l'orateur au poète), comme le soutient Marcus Aper ? Le plaidoyer de ce dernier ne convainc pas Maternus, qui vante au contraire « la retraite de Virgile » (XII) : « Ah ! bien plutôt siècle heureux, et, pour parler comme de nos jours, siècle d'or, qui, pauvre en orateurs et en accusations, comptait en abondance des poètes et des chantres inspirés, pour célébrer les actes glorieux et non pour défendre les mauvaises actions ! » (Aper n'admet pas ce passéisme. Reprenant sa défense de l'éloquence, il soutient la supériorité de ses propres contemporains même sur Cicéron. Messala affirme très nettement au contraire la thèse d'une décadence et plaide pour un véritable retour aux Anciens (comme, à la génération d'avant Tacite, le tentera Quintilien). Secundus voit à cette décadence une cause directement politique. Dans une conclusion apparemment conciliante, Maternus semble considérer le débat comme un peu vain : à quoi bon se disputer sur l'éloquence, puisque le temps n'est plus où les décisions se prenaient au forum ?

L'attribution du Dialogue (texte qui, en outre, nous est parvenu sous une forme lacunaire) a été discutée : pour Juste Lipse, le premier grand éditeur de Tacite (1574), il était de Quintilien. On peut s'étonner notamment que son auteur, s'il s'agit bien de Tacite, n'y fasse aucune référence à l'histoire. Mais la préférence de Maternus pour la poésie ne signifie pas qu'il ignore tout du monde : dès les premières lignes, on apprend qu'il est l'auteur d'un Caton qui a « déplu en haut lieu » (tragédie qui ne nous est connue que par cette mention) et donc qu'il prend des risques réels, tout comme l'orateur Cicéron à la fin de la République. Le Dialogue n'est pas si loin des Histoires, qui nous offre l'exemple d'une prose sans complaisance. Alain Michel a souligné en quoi il rejoignait la leçon du traité Du sublime, du pseudo-Longin : chercher l'élévation plutôt que l'équilibre, et, s'il le faut, la retraite plutôt que la servitude.

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Pour citer cet article

François TRÉMOLIÈRES. DIALOGUE DES ORATEURS, Tacite - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • TACITE (55 env.-120)

    • Écrit par Alain MICHEL
    • 3 700 mots
    ...il était juste de reconnaître avec un siècle d'avance que le danger venait de Germanie : iam impendentibus fatis imperii Romani (Germanie, xxxiii). Le Dialogue des orateurs, qui met en scène plusieurs personnages de l'époque de Vespasien, a sans doute été écrit vers 105. On a contesté l'attribution à...

Voir aussi