Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LAWRENCE DAVID HERBERT (1885-1930)

Nombreux furent et restent les malentendus qui entourent un des plus grands écrivains britanniques du xxe siècle. Aux uns, il paraît un érotomane, aux autres, le prophète d'une renaissance à partir de l'harmonie sexuelle. D'autres encore interprètent sa nostalgie d'une force virile intacte et dominatrice comme étant la marque d'une sympathie pour l'idéologie fasciste. En fait, Lawrence avait autant de répugnance pour la licence que pour l'oppression, autant peur du viol de la personnalité que d'une dépendance quasi féminine dont il sentait en lui l'attrait. Toute son œuvre vise à trouver un impossible équilibre entre ces forces contraires, quête qui suppose mais transcende la sexualité. Les mots d'un de ses personnages qui « hait le sexe et ses limites » s'appliquent admirablement, quoi qu'on en pense, à Lawrence lui-même. C'est bien sans limites d'ailleurs qu'il se voulait, fasciné par le cosmos comme par l'individu, créateur d'une œuvre profondément diverse où son talent éclate dans tous les genres : poèmes pareils à des cris ; romans dont l'autobiographie et l'auto-analyse ne sont jamais absentes ; nouvelles qui illustrent de façon cruelle et incisive la guerre des sexes ; essais critiques et philosophiques où le moraliste s'interroge sur lui-même par le biais des autres ; récits de voyages (Étrurie, Sardaigne, Mexique, etc.) où le lecteur trouvera, réunis en une étonnante symbiose, le génie du lieu et le reflet d'une personnalité puritaine et déchirée.

Genèse d'une œuvre

Fils d'un mineur, Arthur John Lawrence, plutôt fruste et violent, et d'une maîtresse d'école éprise d'idéal, Lydia Beardsall, David Herbert naît à Eastwood, dans le sombre pays minier du Nottinghamshire. Il est l'avant-dernier de cinq enfants. Ce milieu de mineurs méthodistes, modeste jusqu'à la pauvreté, ne cessera d'infléchir le mouvement de son œuvre dans une nécessité de libération née des contraintes. Il étudie deux ans à l'université de Nottingham ; obligé par sa santé d'abandonner l'enseignement, commencé à Croydon en 1910, il s'adonne avec passion à la littérature. Son premier roman, Le Paon blanc (The White Peacock, 1911), idéalise une adolescence difficile alors que son troisième, Amants et Fils (Sons and Lovers, 1913), la regarde violemment en face : c'est la remarquable analyse d'un fils meurtri, incapable d'aimer, entamé par l'antagonisme social et affectif qui sépare ses parents (le personnage de Myriam est le portrait à peine déguisé du premier amour de l'auteur : Jessie Chambers). Profondément affecté par la mort de sa mère (emportée par un cancer en 1910), Lawrence trouvera en Mrs. Weekly, née baronne Frieda von Richthofen, un substitut de la figure maternelle. La guerre, qui fait horreur à Lawrence, éclate ; réformé, suspect à cause de la nationalité de Frieda qu'il a épousée en 1914, bloqué en Angleterre, attaqué pour son roman L'Arc-en-ciel (The Rainbow, 1915), jugé obscène et « pire que Zola », Lawrence se réfugie en Cornouailles où il entreprend Femmes amoureuses(Women in Love), qui partage certains personnages avec L'Arc-en-ciel, ne paraîtra qu'en 1920, en Amérique. Déçu par son pays natal, rêvant de créer au loin une communauté d'amis appelée Rananim, Lawrence est finalement expulsé de Cornouailles ; le couple est soupçonné d'espionnage. À partir de 1919, les Lawrence mènent une vie errante (Italie, Australie, Amérique), jusqu'en 1925, année où ils rentrent définitivement en Europe. À quarante et un ans, Lawrence commence son dernier roman si discuté : L'Amant de lady Chatterley (Lady Chatterley's Lover, 1932). Mais la fin approche. La tuberculose que Lawrence avait toujours[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Diane de MARGERIE. LAWRENCE DAVID HERBERT (1885-1930) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Littérature

    • Écrit par Elisabeth ANGEL-PEREZ, Jacques DARRAS, Jean GATTÉGNO, Vanessa GUIGNERY, Christine JORDIS, Ann LECERCLE, Mario PRAZ
    • 28 170 mots
    • 30 médias
    ...autre romancier anglais, Thomas Hardy (1840-1928), s'est efforcé, avec un succès inégal, d'exprimer cette relation métaphysique : pour David Herbert Lawrence (1885-1930), cependant, la force de Hardy ne réside pas dans les idées, mais dans son instinct et sa sensibilité qui sont autrement...
  • FEMMES AMOUREUSES, D. H. Lawrence - Fiche de lecture

    • Écrit par Marc PORÉE
    • 966 mots

    D'abord publié aux États-Unis en 1920, avant de paraître en Angleterre l'année suivante, Femmes amoureuses est le plus ambitieux des romans de D.H. Lawrence (1885-1930). Considéré aujourd'hui comme l'une des œuvres phares du modernisme, avec Ulysse de Joyce et La Terre vaine...

  • FORSTER EDWARD MORGAN (1879-1970)

    • Écrit par Diane de MARGERIE
    • 1 973 mots
    ...également présent dans The Ordeal of Richard Feverel de Meredith avec lequel le Journey a plus d'un point commun ; fascination lawrencienne avant Lawrence pour ce qui s'oppose : ainsi Rickie, l'intellectuel, est-il attiré par Stephen, le bâtard, son demi-frère, enfant de la nature. Ce Stephen, brutal,...
  • HUXLEY ALDOUS (1894-1963)

    • Écrit par Ann Daphné GRIEVE
    • 1 088 mots
    • 1 média

    L'abondance de l'œuvre — poèmes, essais et romans —, la force de la personnalité et l'originalité de l'itinéraire intellectuel assurent une place de choix à Aldous Huxley dans le panthéon des écrivains britanniques. Il a été l'un des plus brillants intellectuels de sa génération en Angleterre. Son...

Voir aussi