CRISES ÉCONOMIQUES
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Le retour des crises ou les « vingt médiocres »
« Je ne crois pas que les récessions soient inévitables » (Lyndon B. Johnson). Avec un orgueilleux optimisme, la génération des Trente Glorieuses pense vivre une ère nouvelle de l'histoire économique, celle d'une croissance indéfinie, libérée de la tyrannie des cycles et de la fatalité des crises. Le retournement de tendance qui intervient en 1973 montre les limites de ces prétentions. Le spectre de la crise réapparaît. Pourtant, le terme même de crise est souvent contesté, ses origines sont mal définies, ses limites chronologiques imprécises. Sans doute parce que nous manquons du recul nécessaire, la plus grande confusion règne encore sur la signification de la période ouverte par le choc pétrolier de 1973. Pour clarifier le débat, un détour par l'analyse des chiffres et des dates s'impose.
Si l'on doit parler avec Jean Fourastié de (presque) trente ans de gloire et de croissance flamboyante, les vingt années qui suivent tranchent par la médiocrité de leurs performances : le P.I.B. n'augmente que de 2,6 p. 100 par an dans l'ensemble de l'O.C.D.E., entre 1973 et 1991. Ce chiffre global dissimule pourtant des variations importantes :
Indicateurs de la croissance dans les pays de l'O.C.D.E. et dans les pays en développement (sources: O.C.D.E. et Banque mondiale).
Crédits : Encyclopædia Universalis France
Évolution comparée des taux de chômage en pourcentages (moyennes annuelles) [sources: O.C.D.E. et Banque mondiale].
Crédits : Encyclopædia Universalis France
– avant même la crise, de 1968 à 1973, la croissance faiblit légèrement alors que l'inflation et le chômage augmentent ;
– de 1974 à 1975, le retournement de tendance est net, la croissance presque nulle (et même négative en 1975), l'industrie particulièrement atteinte ;
– de 1976 à 1979, la croissance repart de façon molle, sans que l'augmentation du chômage soit entravée ; l'inflation se stabilise à un niveau élevé ;
– de 1980 à 1982, la crise rebondit, le chômage atteint son niveau maximal aux États-Unis ;
– de 1983 à 1989, la croissance retrouve le rythme des années 1976-1979 ; cependant, et ceci constitue une nouveauté importante, les taux d'inflation diminuent de façon spectaculaire en même temps que le chômage reflue à partir de 1984 ;
– en 1990 et 1991, une nouvelle récession affecte l'économie des pays développés à économie de marché.
La période paraît donc beaucoup plus complexe que le terme générique de « crise » ne le suggère, Il s'agit en fait, pour les pays développés, d'un temps de croissance ralentie entrecoupée de trois accidents majeurs.
Le cas des pays en voie de développement est encore différent : s'ils maintiennent des taux de croissance élevés entre 1973 et 1980, ils traversent une crise extrêmement brutale en 1980-1982 et un temps de reprise inégal et incertain depuis. Quant aux pays communistes, les statistiques officielles (peu fiables) suggèrent une forte aggravation de leurs difficultés dans les années 1980.
Au vu de ces faits, il est possible de distinguer différentes crises dans la crise : une crise larvée (1968-1973) ; une crise atténuée (1973-1979) ; une crise d'assainissement (1980-1982) et une sortie de crise incertaine (1983-1991).
Une crise larvée (1968-1973)
Le retournement de 1973 fait l'objet de deux grands types d'analyses : le premier met l'accent sur une série d'événements exceptionnels qui auraient déstabilisé en 1973 l'ordre économique ancien ; le second note que, dès la fin des années 1960, apparaissent des déséquilibres profonds : c'est ce dernier qui permet de parler d'une crise larvée.
Chocs pétrolier et monétaire
La première explication qui vient à l'esprit est évidemment celle du choc pétrolier. En 1973, à l'occasion de la guerre du Kippour, l'O.P.A.E.P. (Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole dont les principaux membres appartiennent à l'O.P.E.P.) augmente le prix du pétrole. En décembre 1973, à Téhéran, l'O.P.E.P. confirme la hausse et porte le prix du baril de référence (Arabian light) à 11,65 dollars : en quatre mois, le prix du brut a quadruplé !
Pour les entreprises, ce fait signifie une hausse mécanique considérable de leurs coûts de production : si elles la répercutent sur leurs prix de vente, elles aggravent l'inflation ; si elles ne le font pas, elles voient leurs profits s'éroder et se mettent en situation difficile. Plus généralement, la hausse du prix du pétrole renchérit fortement les importations des pays de l'O.C.D.E. : cela correspond à un transfert de richesse gigantesque – 1,5 p. 100 de leur P.I.B. L'impact déflationniste peut être considérable.
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l’article se compose de 33 pages
Écrit par :
- Jean-Charles ASSELAIN : correspondant de l'Institut, professeur émérite à l'université de Bordeaux-IV-Montesquieu
- Anne DEMARTINI : économiste
- Pascal GAUCHON : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé d'histoire, enseignant en classe préparatoire
- Patrick VERLEY : docteur ès lettres, maître de conférences à l'université de Paris-I
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Pour citer l’article
Jean-Charles ASSELAIN, Anne DEMARTINI, Pascal GAUCHON, Patrick VERLEY, « CRISES ÉCONOMIQUES », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 19 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/crises-economiques/