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CONTINUITÉ, musique

En musique, la notion de continuité s'appuie sur deux visions du temps qui peuvent apparaître contradictoires : dynamique dans la musique dite occidentale, statique en ce qui concerne les musiques orientales.

Mais ce paradoxe n'est qu'apparent puisque la continuité est avant tout recherche d'unité, thématique et formelle. Que celle-ci fasse appel au système tonal ou au système modal ne change rien à sa problématique, puisque ces deux systèmes sont principes structurels et unificateurs. Seuls les moyens et les spécificités du discours mis en œuvre pour atteindre cette unité changent. Ainsi, alors qu'en Occident s'est développé le système tonal, la modalité caractérise les musiques orientales. Que la plupart de celles-ci ne soient pas écrites ne change rien au fait que toute musique obéit à des règles structurelles.

En Occident, la continuité s'est développée en même temps que la tonalité et son expression la plus aboutie est la forme sonate. Elle a régné en maître durant les quelque trois siècles qui ont précédé la rupture sérielle, fondée sur la discontinuité, usant du principe d'imitation puis de celui de la variation, mais aussi des potentialités de l'harmonie, en particulier de la modulation et du chromatisme.

Dans les musiques du xxe siècle, la continuité a cependant resurgi grâce au développement inattendu, résultant de l'influence des musiques orientales, d'un statisme modal au sein de la tonalité – illustré par Claude Debussy, Albert Roussel ou Igor Stravinski, notamment – ainsi que par le succès remporté par la technique de l'ostinato.

Dans le contexte du dépassement de la sérialité, il faut mentionner – outre les courants répétitifs, minimalistes, néoclassiques, postmodernes ou ceux qui se réclament de la « nouvelle simplicité » – les explorations, bien plus importantes pour l'évolution du langage musical, de György Ligeti ou de Karlheinz Stockhausen. Le premier a cherché à créer une musique n'ayant ni début ni fin, au travers d'un statisme temporel où le matériau thématique subit des changements graduels très lents. Quant au second, certaines de ses œuvres, comme Mantra, Hymnen, Sternklang, Sirius ou Licht (son opéra « in progress ») sont destinées à une écoute intérieure, initiatique ; elles constituent un véritable appel musical à la « méditation et à l'immersion de l'individu dans le Tout cosmique ».

La musique spectrale participe elle aussi du concept de continuité par le fait même que son propos se fonde, concrètement et conceptuellement, sur les spectres harmoniques et inharmoniques d'un son et sur ses lentes transformations, cette lenteur étant indispensable pour la perception de détails microscopiques ; on aboutit, là encore, à un temps statique.

Il faut enfin noter que l'ordinateur a pris une importance considérable, en permettant d'élaborer des microstructures sonores que ne pourraient réaliser des instruments réels.

— Alain FÉRON

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Écrit par

  • : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio

Classification

Pour citer cet article

Alain FÉRON. CONTINUITÉ, musique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • ATMOSPHÈRES (G. Ligeti)

    • Écrit par
    • 284 mots

    Le 22 octobre 1961, Atmosphères est créé au festival de Donaueschingen. Cette œuvre de György Ligeti constitue l'acte de naissance de la musique dite statique, qui marque une mutation profonde – mais non pas l'abolition – de l'essence même du sérialisme et du postsérialisme, la discontinuité...