CONSTRUCTIONS ANIMALES
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Constructions chez les Vertébrés
Cas des oiseaux
Comme nous l'avons dit, les oiseaux présentent les cas de construction les plus singuliers du règne animal, avec les insectes : nous en citerons deux exemples, sans doute les plus extraordinaires de tous, mais qui, malheureusement, n'ont été soumis ni l'un ni l'autre à l'analyse expérimentale.
La fauvette couturière de Ceylan (Orthotomus sutorius) sait réellement coudre : lorsqu'elle veut faire son nid, elle rapproche les bords de deux feuilles et les perfore d'une série de trous alignés ; ensuite elle prend une fibre végétale, comme une liane, et, la passant à travers les trous, coud les deux feuilles ensemble. Si elle ne trouve pas de fibre à sa convenance, elle s'empare d'une toile d'araignée et, par de rapides mouvements de torsion de son bec, la convertit en un filament de soie qui va lui servir tout aussi bien à coudre ses feuilles.
Divers tisserins, dont le Malimbus du Gabon, savent réellement tisser, c'est-à-dire entrecroiser régulièrement des fibres végétales perpendiculaires entre elles, comme le fait un tisserand. L'ouvrage est tout à fait régulier et, dans le cas du Malimbus, par exemple, constitue une sorte de tube de vannerie d'une finesse et d'une régularité extrêmes.
Pas plus dans le cas de la fauvette couturière que dans celui des tisserins, la matérialité des faits n'a jamais été l'objet d'une discussion ; mais on ne sait rien de plus et on ignore en particulier si l'art de tisser ou de coudre est entièrement inscrit dans les chromosomes ou si, comme c'est le cas chez beaucoup d'oiseaux, c'est la mère qui l'enseigne à ses petits.
Les décorations de la demeure. Dans un autre exemple, ce n'est pas tellement l'habileté du constructeur qui est à considérer, mais une autre particularité à propos de laquelle certains ont parlé de « sentiment esthétique ». Le Ptilonorhynque d'Australie, oiseau assez commun et qu'on peut observer sans difficulté, a l'habitude de faire des huttes formées d'herbes inclinées et nouées à leur sommet. Elles sont parfois assez grandes pour qu'un homme puisse y pénétrer en rampant. Devant la hutte se trouve une allée formée de rameaux secs et généralement orientée nord-sud : cette orientation n'est pas due au hasard, puisque l'oiseau la rétablit si l'homme la dérange. Le long de ces allées sont disposés différents objets brillants, comme des écrous neufs, que l'oiseau va dérober dans les ateliers, ou bien, chez le Ptilonorhynchus violaceus, les fleurs bleues du Delphinium, que l'oiseau va chercher souvent assez loin et qu'il remplace dès qu'elles sont fanées. Mais il peut aussi badigeonner les parois de la hutte et même sa poitrine à l'aide d'une bouillie de baies bleues qu'il a récoltées et écrasées ; il confectionne ensuite une sorte de tampon à l'aide d'une racine déchiquetée, la trempe dans la bouillie et s'en sert comme d'un pinceau. Il commence ensuite les parades nuptiales devant la hutte et devant les femelles.
Là non plus, il n'y a pas de doute sur la matérialité des faits. Mais l'interprétation en est bien plus délicate. Le chimpanzé est, bien sûr, capable de plonger son doigt dans la peinture et de faire des gribouillis comme les enfants humains. Il peut même, dit-on, placer une tache de peinture juste au centre d'un cercle qu'on vient de lui montrer. Mais il est tout à fait incapable et de préparer de la peinture et de se confectionner un pinceau. Ainsi, l'oiseau montre dans la confection de son nid une habileté technique bien supérieure à celle du singe. Il ne servirait à rien de prétendre que la comparaison n'est pas de mise parce qu'il s'agit, dans un cas, d'habileté acquise et, dans l'autre, de dispositions innées. D'abord, nous sommes beaucoup moins affirmatifs maintenant que jadis quant à la dichotomie inné-acquis. Ensuite parce que lorsqu'on a étudié la nidification chez l'oiseau, on s'est placé exclusivement dans les cas les plus simples, par exemple le nid des choucas ou des corbeaux, qui n'est pas, loin de là, un édifice bien complexe, tout juste un tas de brindilles assez sommairement aménagé. Or, on constate bel et bien qu'il y a intervention de l'expérience dans la construction du nid et que les oiseaux inexpérimentés montrent une dextérité moindre que les adultes plus âgés. Il serait donc tout à fait passionnant dans le cas du Ptilonorhynque de comprendre comment se développe l'habileté du peintre ; mais nous ne pouvons rien dire en [...]
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Écrit par :
- Rémy CHAUVIN : professeur titulaire à l'université René-Descartes-Sorbonne
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Pour citer l’article
Rémy CHAUVIN, « CONSTRUCTIONS ANIMALES », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 18 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/constructions-animales/