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CLONAGE, science-fiction

La science-fiction n'a pas attendu Dolly pour parler du clonage et s'en inquiéter. Dès 1932, Aldous Huxley montre dans Le Meilleur des mondes combien la fabrication en série des individus (appelée ici Projet Bokanovsky) est tentante pour un régime totalitaire évidemment soucieux de « stabilité sociale ». En 1958, dans un bref roman intitulé La Mort vivante, Stefan Wul met en scène un maître biologiste qui, par « bouturage humain », crée une réplique exacte de la fille récemment décédée d'une mystérieuse châtelaine fortunée. Et de s'interroger : « Avait-on le droit de toucher aux ressorts sacrés de la vie humaine pour créer un être sans père ni mère ? [...]. Il s'agissait de former en bocal un être vivant à partir de deux cellules prises sur un cadavre. Et cet être vivant aurait le même cadavre à la fois pour père et pour mère. Il ressemblerait trait pour trait à la petite fille décédée. » Mais bien vite la passion scientifique balaie tout scrupule chez le savant.

Huxley et Wul font office de précurseurs. Car ce n'est que dans les années 1970 que le thème du clonage acquiert une réelle importance, dans la littérature de science-fiction. Curieusement, celui-ci est abordé du seul point de vue spéculatif, quasi débarrassé de ses considérations politiques ou éthiques. Ainsi, pour Roger Zelazny, dans Aujourd'hui, nous changeons de visage (1972), le clonage est synonyme d'immortalité : chaque fois qu'un clone d'une même famille meurt, on produit le suivant, qui s'enrichit des souvenirs de son prédécesseur. Dans Terre 1011 (1973), Marie Farca se penche sur les étranges relations qui existent entre un clone et la « souche » dont il est issu, deux authentiques jumeaux que peuvent séparer des dizaines d'années. Que devient la notion d'individu lorsqu'on est dupliqué en un nombre indéterminé d'exemplaires ? L'ensemble des clones d'un même individu sont-ils télépathes, ont-ils des pouvoirs ?, s'interrogent Richard Cowper dans Clone (1972), Kate Wilhelm dans Hier, les oiseaux (1976) et Pamela Sargent dans Copies conformes (1976).

Avec le clonage, le thème éminemment fantastique du « double », du doppelgänger, se mue en un thème de science-fiction, ce que démontre John Varley dans Le Canal ophite (1977) : placés dans des circonstances identiques les clones agissent exactement de la même manière. Double vampirique moderne, le clone capte l'identité du sujet et vient miner son libre arbitre.

Construit comme un dossier, le roman de Jean-Michel Truong Reproduction interdite (1988) fait froid dans le dos. Nous sommes en 2037. La fabrication à l'échelle industrielle des clones ne pose plus aucun problème technique, ni même éthique, car l'Église a tranché : les clones n'ont pas d'âme. Les applications sont multiples : cobayes dans des laboratoires de recherche médicale, ouvriers travaillant dans un environnement hostile (un clone coûte moins cher qu'un robot fragile), chair à canon, objets sexuels. Et, surtout, banques d'organes ambulantes, car leur compatibilité biologique est totale avec les individus dont ils sont issus. Dans Jonas : 7, clone (1996) de Birgit Rabisch et dans Frères de chair (1996) de Michael Marshall Smith, des fermes sont construites pour les « élever », ou encore pour servir de lieux de stockage. Sous des dehors de haute technologie, de rentabilité économique et de philosophie utilitariste, c'est le retour de la barbarie.

La technique du clonage permet, a priori, les opérations les plus fantaisistes. Les auteurs de science-fiction ne s'en sont pas privés. Ainsi John Case a-t-il cloné le Christ dans Genesis (1996) et Michael Crichton des tyrannosaures, avec le succès que l'on sait, dans Jurassic Park (1990). Mais au-delà du roman de distraction, le message est clair : depuis[...]

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Denis GUIOT. CLONAGE, science-fiction [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009