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CHABROL CLAUDE (1930-2010)

Des cinéastes de la Nouvelle Vague, Claude Chabrol est le plus inclassable. Il n'a ni le romantisme réfléchi de Truffaut, ni la modernité affichée de Godard, ni l'ascétisme quasi mystique de Rivette, ni la rigueur obsessionnelle de Rohmer. Si certains projets attendent le moment propice pour éclore, il préfère tourner n'importe quoi plutôt que de ne pas tourner, comme un sportif ne cesse de s'entraîner en vue de l'exploit exceptionnel. D'où une carrière en dents de scie où le meilleur côtoie parfois le pire, parsemée de moments fastes, telle cette période si féconde tant sur le plan artistique que commercial, de 1965 à 1975, liée à la connivence entre le réalisateur et un jeune producteur, André Génovès, retrouvée par la suite sous une autre forme avec le producteur Marin Karmitz.

Cette période, autour de Mai-68, de ses prémonitions comme de ses conséquences positives ou navrantes (Nada), a donné de Chabrol l'image persistante d'un observateur ironique de la bourgeoisie française, particulièrement provinciale, renforcée par le masque de bourgeois goguenard et gastronome qu'il s'est constitué. Cette vision sociologique apparaît aujourd'hui réductrice. Le fil conducteur de cette filmographie aussi prolixe que diverse serait plutôt d'ordre moral et métaphysique.

C'est au cours de brèves études de lettres et de droit que ce fils de pharmaciens né à Paris le 24 juin 1930 fréquente le ciné-club du quartier Latin où il rencontre le groupe qui constituera plus tard le noyau actif des Cahiers du cinéma. Critique à partir de 1953, Claude Chabrol n'a pas la virulence d'un Truffaut, mais manifeste une volonté farouche de communiquer son enthousiasme au lecteur à l'aide de détails concrets et par son intérêt particulier pour le sujet et le scénario. Il écrira plus tard, critiquant sans le citer explicitement Stanley Kramer et son film Le Dernier Rivage, fort prisé de la critique « progressiste » : « Il n'y a pas de grands ou de petits sujets, parce que plus le sujet est petit, plus on peut le traiter avec grandeur. En vérité, il n'y a que la vérité. » Il publie également, en collaboration avec Éric Rohmer, un livre sur Alfred Hitchcock (1957), dans l'œuvre de qui, à l'évidence, le futur cinéaste trouve non seulement des leçons de cinéma (en particulier la « direction de spectateur »), mais aussi les racines de sa vision du monde. N'a-t-il pas écrit en 1954 un article programmatique intitulé : « Hitchcock devant le mal » ?

Dans la même période, il occupe les fonctions d'attaché de presse à la Twentieth Century Fox, ne rejetant nullement l'aspect commercial du cinéma. Il reconnaît lui-même que le fait de tourner coûte que coûte l'a parfois amené au pire, La Ligne de démarcation ou Les Magiciens, entre autres. Mais qu'importe, aime-t-il dire, « Dieu [et le spectateur] y reconnaîtra les siens ».

Des héros imbus de leur supériorité

La mise en scène chabrolienne est d'essence hitchcockienne dans la mesure où elle se fonde sur la notion de projection : le héros projette sur ce qui l'entoure ses craintes, obsessions et désirs. C'est ainsi que François (Jean-Claude Brialy), dès Le Beau Serge, imbu de sa supériorité de citadin cultivé, est convaincu de détenir les clés du bonheur de son ami Serge (Gérard Blain), resté dans leur village natal. Il ne provoque que des catastrophes jusqu'à ce qu'il accepte d'affronter la réalité pour sauver Serge. Ce premier film, encombré par une lourde symbolique chrétienne, reste ambigu : le retournement de François est-il réel ou continue-t-il à se prendre pour le Messie ? Bien plus nette sera la situation d'Ophélia, dont le héros, Yvan (André Jocelyn), projette sur sa famille la trame du Hamlet de Shakespeare, provoquant le suicide[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

Classification

Média

Stéphane Audran dans<em> Les Noces rouges</em>, de Claude Chabrol - crédits : Les Films de la Boetie/ BBQ_DFY/ Aurimages

Stéphane Audran dans Les Noces rouges, de Claude Chabrol

Autres références

  • LE BEAU SERGE, film de Claude Chabrol

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    • 945 mots

    Le Beau Serge est le premier long-métrage de la Nouvelle Vague. Le film est autoproduit par Claude Chabrol lui-même, avec l'argent d'un héritage familial. Il est réalisé en plein hiver 1957-1958, à Sardent, village de la Creuse où Chabrol (1930-2010), fils d'un pharmacien parisien du XIV...

  • MERCI POUR LE CHOCOLAT (C. Chabrol)

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    Avec L'Enfer (1994) et Au cœur du mensonge (1998), Merci pour le chocolat (2000), adapté du roman de Charlotte Armstrong, The Chocolate Cobweb, constitue le terme d'une trilogie dont le thème majeur est la suspicion. Merci pour le chocolat débute dans une ambiance d'apparente normalité...

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    Pour le grand public cinéphile, Michel Bouquet se confond avec la silhouette arrondie, le regard étonné, faussement naïf, teinté d'une lucidité parfois perverse qui fait son succès à la charnière des années 1960-1970, dans les films de Claude Chabrol, d'Yves Boisset (L'Attentat...

  • CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire

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