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CINÉMA ET HISTOIRE

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Mythe et histoire

<em>Agnus Dei</em>, Miklós Jancsó - crédits : Mafilm/ The Kobal Collection/ Picture Desk

Agnus Dei, Miklós Jancsó

En Europe de l'Est, soumise au modèle soviétique, l'exaltation d'une certaine idée de l'histoire nationale a été pendant vingt ans un facteur légitimant des régimes mis en place par les libérateurs russes entre 1945 et 1948. Des illustrations édifiantes de la lutte antifasciste, de la lutte des classes dans les systèmes féodaux des siècles passés, des tentatives révolutionnaires dont l'histoire nationale avait gardé la mémoire, parfois mises en scène avec talent, devaient accréditer l'idée d'une continuité : le présent stalinien, puis post-stalinien, était censé plonger profondément ses longues racines dans le passé national de la Pologne ou de la Hongrie. Le desserrement progressif des normes imposées aux auteurs, en Hongrie tout particulièrement, a ouvert une réflexion originale sur la manière de filmer de l'histoire. Miklos Jancsó : « Nous avons connu aussi la falsification de l'histoire pendant la période stalinienne. La falsification existe. Nous revendiquons aussi un droit à l'imagination de l'histoire. » Le cinéma de Miklos Jancsó (une quinzaine de films entre 1964 et les années 1980) représente la tentative la plus avancée à ce jour de dire l'histoire autrement : par le mythe, et par une forme qui ne laisse aucun doute sur l'imaginaire tragique qu'il exprime. Dans Psaume rouge ou dans Rhapsodie hongroise, des danseurs, des cavaliers, accompagnés par une caméra qui s'intègre à la chorégraphie savante de plans très longs, évoquent le passé et ses luttes dans le cadre d’une poétique qui ne peut être que la vision hautaine d'un créateur engagé. La manière de l'auteur brise le lien avec l'art officiel.

La rupture radicale de Jancsó avec une certaine façon de dire l'histoire est demeurée exceptionnelle. D'autres voies ont pourtant été ouvertes : celle des jeunes cinéastes brésiliens du cinéma nôvo (Rui Guerra, Glauber Rocha), qui ont cherché une approche également symbolique, tropicaliste, pour fondre l'histoire dans le mythe, celle des frères Taviani en Italie après 1968, celle du Grec Théo Angelopoulos, de La Reconstitution (1970) à Le Regard d'Ulysse (1996), qui travaillent simultanément le langage du cinéma et les liens subtils qui lient le présent difficile au passé.

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Écrit par

  • : professeur d'histoire, historien de cinéma, président de l'Association française de recherche sur l'histoire du cinéma

Classification

Pour citer cet article

Jean-Pierre JEANCOLAS. CINÉMA ET HISTOIRE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

Médias

Mutins du cuirassé Potemkine - crédits : F Bezancon/ Hulton Archive/ Getty Images

Mutins du cuirassé Potemkine

Le Radeau de la Méduse, I. Azimi - crédits : Collection Philippe D'Hugues/ D.R.

Le Radeau de la Méduse, I. Azimi

Falconetti dans <it>La Passion de Jeanne d'Arc</it> - crédits : Henry Guttmann Collection/ Hulton Archive/ MoviePix/ Getty Images

Falconetti dans La Passion de Jeanne d'Arc

Autres références

  • LA 317e SECTION, film de Pierre Schoendoerffer

    • Écrit par
    • 999 mots
    Si son auteur est singulier, ce film est un météore, dans un cinéma français d'une grande frilosité pour ce qui est de la politique, spécialement la politique coloniale (on attend toujours, malgré l'honorable Avoir vingt ans dans les Aurès (1972) de René Vautier, un équivalent sur la...
  • AGUIRRE, LA COLÈRE DE DIEU, film de Werner Herzog

    • Écrit par
    • 1 054 mots
    Le film aura un certain écho dans le cinéma américain, et on en trouve des réminiscences aussi bien dans l'« opéra » Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola, que dans une réplique et certains plans du beau film de guerre La Ligne rouge (The Thin Red Line, 1999) de Terrence Malick....
  • LA BATAILLE D'ALGER, film de Gillo Pontecorvo

    • Écrit par
    • 1 018 mots
    La difficile réception, en France, de La Bataille d'Alger prouve combien le sujet a été, et reste, brûlant. D'abord, le film n'obtient son visa d'exploitation en France qu'en 1971. Ensuite, les cinémas qui ont le courage de le projeter font l'objet d'actes de vandalisme : la salle Saint-Séverin,...
  • CHRONIQUE DES ANNÉES DE BRAISE, film de Mohamed Lakhdar Hamina

    • Écrit par
    • 989 mots
    ...récit. Puis le rythme s'accélère peu à peu avec le mouvement des révoltes contre l'occupant colonial. L'image exprime alors davantage la violence humaine. À sa manière, Mohamed Lakhdar réécrit l'histoire nationale, sans toujours parvenir à montrer les complexités de la période. Il utilise les plans larges...
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