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MACKINTOSH CHARLES RENNIE (1868-1928)

Chaise par Charles Rennie Mackintosh - crédits :  Bridgeman Images

Chaise par Charles Rennie Mackintosh

On a fort justement relevé un net parallélisme entre l'originalité et l'étendue des discours plastiques tenus à Barcelone par Gaudí et à Glasgow par Mackintosh. C'est, déjà, incorporer deux poétiques, radicalement différentes, au même schème historique. Mais peut-être n'a-t-on pas suffisamment souligné à quel point leur message a été diversement intercepté à l'époque de leur émission, au niveau régional, en Catalogne pour l'un, en Europe continentale pour l'autre. L'art de Mackintosh, sans grande audience en Écosse ou en Angleterre, a rapidement joué comme révélateur, modèle et excitant en Allemagne, en Autriche, en Italie et a par le fait même contribué à constituer le phénomène esthétique qui marque l'articulation des xixe et xxe siècles, le modern style. Il importe, ici, d'indiquer que la démarche de Mackintosh dérive en partie de l'idéologie de William Morris (comme celle de Van de Velde), laquelle a ouvert la problématique de la production unifiée par une opération commune (architecture, équipement mobilier, accessoires) : les architectes du modern style furent à ce point convertis à ce programme, et à la pratique qu'il suppose, que la technologie architecturale des années 1900 s'est trouvée marquée par les procédés de construction inhérents au travail du bois, à l'ébénisterie. La bibliothèque de la School of Art de Glasgow (1907-1909) est, à cet égard, symbolique : le dispositif des poutres horizontales et des piliers rectangulaires évoque la technique du meuble ; il a aussi pour conséquence de scander l'espace de manière telle qu'il maîtrise la dialectique plastique, les modulations discontinues, la partition, inaugurées lors de l'aménagement du hall de Hill House (1903, Helensburgh) où l'on voit les cloisons à claire-voie, les suspensions à cornières, le mobilier à redans jouer avec la vigueur discursive que le constructivisme russe et le mouvement néo-plasticiste hollandais mettront, vers les années 1920 à 1925, à la base de leurs énoncés picturaux et architecturaux. Entre-temps cependant (et, paradoxalement, ceci montre l'ambiguïté et la richesse des initiatives écossaises) l'école viennoise, marquée par le purisme d'Adolf Loos, a été touchée (à la suite d'images reproduites en 1897 dans la revue The Studio, de l'exposition d'un ensemble mobilier à Munich en 1898, d'une participation importante à l'exposition annuelle de la Wiener Sezession en 1900) par la poétique curvilinéaire mise au point et appliquée par Mackintosh de 1897 à 1900 : poétique faite d'élongations, de nervures fragiles, de résilles vacillantes, de plans virtuels, de sèmes exotiques, d'entrelacs celtiques, de rythmes raffinés mais toujours habilement mesurés pour garantir la sobriété et la rigueur d'un ensemble. À ce rituel signifiant (il conviendrait de l'examiner en rapport avec et par rapport à celui qui assume l'œuvre de Klimt) sont remarquablement assujettis la décoration et l'équipement mobilier de la chaîne écossaise des Cranston's Tearooms : le salon de thé de Buchanan Street (1897), d'Argyle Street (1897), d'Ingram Street (1901), de Sauchiehall Street (1903-1904), tous à Glasgow. C'est sur cet horizon linéaire, symbolique, esthétisant que se profile l'œuvre maîtresse de Mackintosh, la Glasgow School of Art (1898-1909), entreprise à l'époque où s'achevait, à Bruxelles, la Maison du peuple conçue par Horta : elle marque, outre-Manche, l'introduction du fer dans la structure architecturale, prend quelque liberté vis-à-vis des conceptions avancées par Voysey, privilégie les thèmes manipulés par Webb (l'un des plus actifs associés de Morris) et, surtout, apporte à la partition spatiale le discontinu.

Bibliothèque de la School of Art, Glasgow - crédits :  Bridgeman Images

Bibliothèque de la School of Art, Glasgow

School of Art, Glasgow - crédits :  Bridgeman Images

School of Art, Glasgow

— Robert L.[...]

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Écrit par

  • : directeur de l'École nationale supérieure d'architecture et des arts visuels, Bruxelles

Classification

Pour citer cet article

Robert L. DELEVOY. MACKINTOSH CHARLES RENNIE (1868-1928) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

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Bibliothèque de la School of Art, Glasgow - crédits :  Bridgeman Images

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School of Art, Glasgow - crédits :  Bridgeman Images

School of Art, Glasgow

Autres références

  • AFFICHE

    • Écrit par Michel WLASSIKOFF
    • 6 817 mots
    • 12 médias
    ...tchèques –émergent, dans le registre de l'illustration et de l'affiche, des créateurs comme Ramon Casas à Barcelone ou Vladimir Zupansky à Prague, tandis que l'architecte Charles Rennie Mackintosh propose une vision personnelle du Modern Style, illustrée par quelques affiches pour le Glasgow Institute...
  • ART NOUVEAU

    • Écrit par Françoise AUBRY
    • 8 824 mots
    • 23 médias
    ...toujours. Peut-on imaginer n'importe quel objet d'art décoratif japonais usiné ? » Le goût du Japon s'insinue jusqu'au cœur de la vie quotidienne : l'Écossais Charles Rennie Mackintosh bat la campagne pour trouver les fragiles silhouettes de branches et des fleurs afin d'orner les ensembles qu'il expose à ...
  • GRAPHISME

    • Écrit par Michel WLASSIKOFF
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    • 3 médias
    ...Josef Hoffmann, propose une alternative à l'aspect ornemental de l'Art nouveau français. Proche de la Sécession, l'architecte écossais Charles Rennie Mackintosh, dans ses travaux pour le Glasgow Institute of the Fine Arts et la Scottish Musical Review, en 1896-1898, est le premier à porter...
  • QUATRE GROUPE ANGLAIS DES

    • Écrit par Yve-Alain BOIS
    • 278 mots
    • 1 média

    Ce que l'on nomme le groupe des Quatre (The Four) est, en fait, moins une association qu'une petite communauté artistique et familiale : outre Charles Rennie Mackintosh (1868-1928), il comprend sa femme Margaret Macdonald (1865-1933), sa belle-sœur Frances Macdonald (1874-1921) et le mari...

Voir aussi