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NODIER CHARLES (1781-1844)

Charles Nodier - crédits : AKG-images

Charles Nodier

Si Nodier se rattache aux érudits de la Renaissance qu'il idolâtre, il n'a pas moins d'affinités avec Diderot : son encyclopédisme, le goût de l'exotisme et des voyages, sa liberté d'esprit. Romantique avec humour, préférant à tout l'école buissonnière, il en viendra tout naturellement au conte. Tantôt décrivant, tantôt imaginant ; mais il imagine même quand il décrit, il invente même quand il se souvient : monde insaisissable des réminiscences où semblent remonter, du fond de la mémoire, des vies antérieures, des amours connues ailleurs, des visages et des voix d'on ne sait où. De là au conte fantastique, il n'y a qu'un pas : il l'a franchi, moitié par hasard, moitié par curiosité, ignorant qu'il allumait ainsi sa gloire pour la postérité en même temps qu'il se livrait avec son œuvre aux dépeceurs patentés de la psychanalyse.

Le polygraphe

De Besançon, où il naquit quelques années avant la prise de la Bastille, à Paris, où il mourut au crépuscule du romantisme, Charles Nodier reste à maints égards un homme du xviiie siècle. Et d'abord en raison de sa précocité : en 1791 et 1792 il prononce des discours à la Société des amis de la Constitution ; en 1798, il écrit une Dissertation sur l'usage des antennes dans les insectes ; il projette des tragédies, ébauche des Rêveries et une fantaisie intitulée Moi-même. De 1802 à 1806, on lit de lui Les Proscrits, Le Peintre de Salzbourg, journal des émotions d'un cœur souffrant, les Essais d'un jeune barde, Les Tristes, ou Mélange tiré des tablettes d'un suicidé. Apprenti révolutionnaire auprès de son père président du Tribunal révolutionnaire, de sa mère présidente d'un club, il écrit à la gloire de Bara et de Viala, et un Temple de la Liberté en vers. Un voyage, qui lui fit connaître, à Giromagny, cette Thérèse Burtscher qui fut peut-être son premier amour véritable, le fit vivre aussi quelque temps auprès d'Euloge Schneider, le terroriste d'Alsace. Sans doute devait-il sacrifier bientôt à d'autres autels, entrer dans des sociétés secrètes contre-révolutionnaires, gagner la protection de Jean de Bry, un préfet ami des lettres, servir l'Empire dans le Journal de l'Empire, la Restauration dans le Journal des Débats, La Quotidienne, Le Drapeau blanc. Sa plume besogneuse changera de maîtres ; mais il restera en lui du réfractaire, et même en pleine Restauration, quand il écrira Jean Sbogar, on retrouvera l'émule des Brigands de Schiller.

Du xviiie siècle, il tient aussi sa fièvre encyclopédique. Herboriste comme Jean-Jacques, entomologiste, bibliophile, bibliographe, secrétaire, en 1809, du chevalier Herbert Croft, un Anglais philologue et excentrique, il est compilateur de nomenclatures et de dictionnaires, découvreur d'inconnus et de méconnus, grand préfacier, intarissable éditeur, fondateur et directeur du Bulletin du bibliophile (1834).

De même sa curiosité est en quête d'exotisme. Il part à la découverte de l'Illyrie où il dirige, en 1813, Le Télégraphe officiel de Laibach (Ljubljana) ; de l'Écosse où il va voir, en 1821, sir Walter Scott qu'il manque. Il se plonge, ou feint de se plonger, dans l'Illyrie populaire des chants morlaques, dans l'Écosse préhistorique d'Ossian, dans les origines celtiques et, à partir de 1820, dans la plus ancienne France, au long de ses Voyages pittoresques et romantiques (qu'il publie en collaboration avec Isidore Taylor et Alphonse de Cailleux). Il se plonge aussi dans l'illuminisme : celui de Jacques Cazotte ou de Nicolas de Bonneville ; dans le fantastique et le frénétique, ceux des sylphes et des vampires. Il a fait jouer, en 1821, un mélodrame noir inspiré de Charles  Maturin, Bertram. Il a adopté le Diable amoureux de Cazotte pour en faire son Trilby.[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris, doyen honoraire de la faculté des lettres et sciences humaines de Besançon

Classification

Pour citer cet article

Pierre MOREAU. NODIER CHARLES (1781-1844) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Charles Nodier - crédits : AKG-images

Charles Nodier

Autres références

  • CÉNACLES ROMANTIQUES

    • Écrit par France CANH-GRUYER
    • 2 432 mots
    • 1 média
    ...néo-classicisme formel. La part de la critique y est faible et celle du pamphlet à peu près nulle. Le terme même de romantisme n'y est pas employé. C'est Charles Nodier qui, dans un article du 15 avril 1824, « Première Lettre sur Paris : de quelques logomachies classiques », passe à l'attaque, s'attirant...
  • ÉCOLE LITTÉRAIRE

    • Écrit par François TRÉMOLIÈRES
    • 2 644 mots
    ... désigne la salle de la Sainte Cène). À Paris, l'histoire littéraire retient en effet sous le nom de Premier Cénacle le salon de l'Arsenal, où Charles Nodier, qui y logeait comme directeur de la bibliothèque, accueillait notamment Alfred de Vigny et les frères Deschamps : laboratoire, vers 1823,...
  • RÉCIT DE VOYAGE

    • Écrit par Jean ROUDAUT
    • 7 128 mots
    • 1 média
    ...inconnus. Le meilleur exemple d'un livre se proposant comme espace de voyage est probablement L'Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux que Charles Nodier publie en 1830. L'influence du Tristam Shandy de Sterne y est nette : non seulement les pages sont des espaces blancs ou noirs, mais...
  • ILLUSTRATION

    • Écrit par Ségolène LE MEN, Constance MORÉTEAU
    • 9 135 mots
    • 11 médias
    ...forme du livre illustré romantique, à vignettes multiples, apparaît progressivement : d'abord, l'Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux de Charles Nodier publié chez Delangle en 1830, ce livre précurseur, bourré d'allusions et d'ironie, à la façon de Sterne, est illustré de 50 vignettes par...
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Voir aussi