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GOUNOD CHARLES (1818-1893)

Gounod, Wagner et les musiciens allemands

À vrai dire, Hugo Riemann n'avait pas entièrement tort lorsqu'il écrivait en 1909 : « Le style de Gounod nous est très sympathique, à nous Allemands, car il est plus allemand que français ; il se souvient maintes fois de Weber et de Wagner. » S'il est juste que Gounod reconnut dès son apparition le génie de Wagner, l'influence de ce dernier sur son œuvre reste superficielle. Selon ses propres termes, il souhaitait « se bâtir une cellule dans l'accord parfait ». Au contraire de Wagner, Gounod aspire aux pauses du discours musical, les prolongeant le plus souvent par une cadence plagale pour mieux jouir de son repos. Mais entre chacun de ces arrêts, son harmonie capte des mystères, tout un jeu d'ombres et de lumières à travers un labyrinthe de tonalités entrevues, esquissées, côtoyées, où les surprises comblent notre attente, cependant qu'il n'égare pas ce fil d'Ariane, le ton principal. Il y avait aussi chez Gounod un chrétien sincère qui, non seulement durant sa période mystique où il rêva d'entrer dans les ordres, mais jusqu'à sa mort, ne cessa de méditer les textes sacrés et d'être sollicité par le plain-chant. Les modes grégoriens dont son maître Reicha lui avait déjà enseigné les vertus viennent tout naturellement s'insinuer dans une harmonie qui commence à ressentir les fatigues du seul majeur-mineur et contribuent à faire de Gounod, si l'on excepte Bizet, de vingt ans son cadet, le premier harmoniste de son temps. Pionnier dans l'émancipation de la tonalité classique, il préfigure en plus d'une occasion Fauré, son héritier le plus direct, qui a su lui rendre ce juste hommage : « Trop de musiciens ne se doutent pas de ce qu'ils doivent à Gounod. Mais je sais ce que je lui dois, et je lui garde une infinie reconnaissance et une ardente tendresse. »

Il ambitionna de faire revivre cette noble polyphonie qu'à Rome il ne se lassait pas d'aller entendre, la préférant aux opéras italiens, et qui ne se retrouve pas uniquement dans ses oratorios comme Rédemption (1882), ou Mors et Vita (1885) ou dans ses Messes, mais également dans plus d'une page de ses œuvres profanes. Aussi bien se réjouit-il en 1891 de la fondation par Charles Bordes des Chanteurs de Saint-Gervais. « Il est temps, écrivait-il alors, que le drapeau de l'art liturgique remplace dans nos églises celui de la cantilène profane. »

Cependant Riemann avait en grande partie raison et l'art de Gounod ne peut s'expliquer si l'on néglige l'influence des grands compositeurs d'outre-Rhin. La révélation de Beethoven le rendit « à moitié fou d'enthousiasme ». Quant à J.-S.  Bach, l'édition annotée qu'il allait donner de ses chorals et la Méditation d'après le premier prélude du Clavier bien tempéré avec ses nombreux avatars (l'Ave Maria) ne sont que les moindres hommages qu'il rendit au cantor de Leipzig. Cette « belle écriture nette, pure, logique mais large et libre qu'il pratiqua toujours scrupuleusement », comme le note R. Hahn, sans oublier l'emploi expressif qu'il fit du chromatisme, son style enfin, c'est à la constante pratique des œuvres de J.-S. Bach qu'il le dut. Quant à Mozart, il avait conquis Gounod dès sa jeunesse et pour toujours depuis cette représentation de Don Giovanni où sa mère l'avait emmené sur le conseil providentiel de Reicha. On comprend qu'évoquant son premier contact avec Mozart, Gounod ait parlé de « ces heures uniques dont le charme a dominé ma vie comme une apparition lumineuse et une sorte de vision révélatrice ». De l'enchanteur il a retenu, ainsi qu'il l'a dit – et qui n'était rien moins qu'évident à une époque où l'on s'obstinait à trouver que la musique de Mozart n'était pas « scénique » –, « que la netteté et la justesse[...]

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Écrit par

  • : professeur au Conservatoire national de région de Strasbourg, chef d'orchestre du Collegium musicum de Strasbourg

Classification

Pour citer cet article

Roger DELAGE. GOUNOD CHARLES (1818-1893) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Gounod - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Gounod

Adelina Patti - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Adelina Patti

Autres références

  • FAUST

    • Écrit par André DABEZIES
    • 3 901 mots
    • 7 médias
    ...romantiques, comme en témoignent les lithographies de Delacroix (1829) et La Damnation de Faust de Berlioz (1828-1846). Cette vision romantique se prolongera dans les opéras deGounod (1859) et Boito (Mefistofele, 1868), chez Villiers de l'Isle-Adam (Axel, 1872-1886) et Ibsen (Peer Gynt, 1867), etc.
  • OPÉRA - Histoire, de Peri à Puccini

    • Écrit par Jean-Vincent RICHARD
    • 9 082 mots
    • 31 médias
    ...de manière harmonieuse les mérites respectifs de l'opéra-comique et du grand opéra, le drame lyrique va faire oublier Meyerbeer aux Français, grâce à Charles Gounod (1818-1893), ancien élève de Halévy, dont le Faust (1859) est l'un des deux ou trois opéras les plus couramment représentés dans le monde...
  • Requiem en ut majeur, GOUNOD (Charles)

    • Écrit par Alain FÉRON
    • 513 mots
    C'est en Italie, alors qu'il vient d'obtenir le grand prix de Rome à l'âge de vingt et un ans, que Gounod écrit sa première messe et un requiem a cappella qu'il orchestrera par la suite. Maître de chapelle de la paroisse des Missions étrangères, à Paris, il se prépare...

Voir aussi