Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

BOUYIDES ou BUYIDES LES (935-1055)

La plus puissante des dynasties qui aient gouverné l'Irān islamisé avant la conquête des Turcs saldjūqides au xie siècle. Elle tient son nom de Buwayh (ou Būyeh), le père des trois frères fondateurs, ‘Alī, al-Ḥasan et Aḥmad. Ces chefs de guerre, d'origine modeste, sont des montagnards du Daylam (au sud-ouest de la mer Caspienne), qui s'engagent alors massivement dans les armées musulmanes. Ils font leurs premières armes dans les rangs du Daylamite Mardāwidj b. Ziyār, lui-même fondateur de la lignée des Ziyārides. Au moment de l'assassinat de Mardāwidj (935), ‘Alī tient Isfaḥān et s'empare bientôt du Fārs. Ḥasan tient l'Irān central (Djibāl), et Aḥmad le Kirmān et le Khūzistān. Profitant des rivalités de factions autour du califat ‘abbāside moribond, Aḥmad entre à Baghdād en 945 et les ‘Abbāsides doivent accepter pendant cent dix ans la tutelle des princes būyides. Aḥmad fait déposer et aveugler le calife régnant, qui vient de lui décerner le titre de Mu‘izz al-dawla, et fait introniser un de ses rivaux. Bien qu'ils aient maintenu pour des raisons politiques le califat ‘abbāside, les Būyides gouvernent, en fait, comme de véritables « maires du palais » et confient l'administration à leurs propres vizirs et dignitaires dont certains sont de remarquables lettrés et patronnent les arts et les lettres. Les Būyides sont les premiers souverains iraniens à professer le shī‘isme imāmite duodécimain, alors même que se poursuit sous leur patronage l'élaboration doctrinale de cette tendance qui doit devenir la religion officielle de l'Irān au début du xvie siècle. L'introduction des grandes fêtes shī‘ites à Baghdād déchire la communauté musulmane, car les sunnites y sont majoritaires. Toutefois, les Būyides savent se montrer tolérants tant envers les sunnites qu'envers les juifs, les chrétiens ou les mazdéens ; en revanche, ils sont le plus souvent hostiles à l'égard de leurs rivaux shī‘ites, Ḥamdānides ou Fāṭimides, ces derniers faisant leur apparition en Égypte en 969.

La personnalité la plus remarquable de la dynastie est ‘Aḍud al-dawla, fils de Rukh al-dawla (Ḥasan). Après avoir dépossédé de l'‘Irāq son neveu, ‘Izz al-dawla Bakhtiyār, il unifie sous son autorité (de 978 à 983) toutes les possessions būyides de l'‘Irāq, de l'Irān méridional et même de l'Omān, laissant à son frère Mu‘ayyid addawla le reste de l'Irān būyide. Avec la disparition de ce prince éclairé, la cohésion de la famille būyide s'effrite. Les Ghaznawides en profitent pour annexer Ray et le Djibāl en 1029. Affaiblis, les Būyides deviennent une proie facile pour les tribus oghūz conduites par des chefs saldjūqides. Ceux-ci s'emparent de Baghdād en 1055, et seul l'amīr būyide du Fārs parvient à se maintenir encore durant sept ans. Au moment de leur expansion, les Būyides se lient avec de petites dynasties du Nord-Ouest iranien d'obédience sunnite et d'origine kurde ou prétendue telle. Le déclin des Būyides profite aussi à la lignée des Daylamites kākuyides (1008-1051) qui dominent pour un temps l'Irān central et occidental et se maintiennent comme vassaux des Saldjūqides jusqu'au début du xiie siècle.

Dans l'administration, les Būyides furent des réformateurs et des novateurs. Mais le rôle croissant de l'armée dans les affaires publiques n'est pas sans danger, surtout en ce qui concerne les impôts et la tenure des terres (régime de l'iqtā). Les Būyides sont de grands bâtisseurs tant en Irān qu'en ‘Irāq. Ils encouragent l'industrie (surtout textile), le commerce, l'artisanat, et patronnent les arts et les lettres, alors essentiellement d'expression arabe sur le plateau iranien.

— Jean CALMARD

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : chargé de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études (IVe section)

Classification

Pour citer cet article

Jean CALMARD. BOUYIDES ou BUYIDES LES (935-1055) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ABBASSIDES - (repères chronologiques)

    • Écrit par Pascal BURESI
    • 420 mots

    750 Une révolution soutenue par les clients persans de l'empire et par les Alides renverse la dynastie omeyyade de Damas et donne le pouvoir à al-Saffāh, descendant d'al-‘Abbās, oncle de Mahomet : début de la dynastie abbasside.

    762 Création d'une nouvelle capitale, la ville Ronde...

  • BAGDAD

    • Écrit par Brigitte DUMORTIER, Gaston WIET
    • 2 621 mots
    • 2 médias
    C'est alors la fin d'un califat indépendant : après un émir des émirs, ce fut un prince būyide, puis le sultan saldjūkide, qui prirent les califes en tutelle. Sous les Būyides, ces maîtres chiites d'un pontife sunnite réduit au rôle de roi fainéant, les émeutes, surtout localisées dans le quartier...
  • CALIFAT ou KHALIFAT

    • Écrit par Gaston WIET
    • 2 032 mots
    • 1 média
    Par une singulière ironie, le calife abbasside est en effet contraint d'accepter dans sa capitale même la tutelle de princes iraniens, les Buyides, qui, par surcroît, sont shī'ites, mais appartiennent à une secte rivale de celle des Fatimides. La situation morale des califes abbassides ne subit aucun...
  • HAMDANIDES

    • Écrit par Robert MANTRAN
    • 975 mots

    Famille arabe, les Hamdanides ont donné naissance au xe siècle à deux petites dynasties, l'une à Mossoul, l'autre à Alep où a vécu le personnage le plus illustre de cette famille, l'émir Sayf al-Dawla.

    Descendants de ‘Adī b. Ousāma b. Taghlib (d'où le nom de Taghlibides...

Voir aussi