Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

BLOCUS CONTINENTAL

Le tournant de 1810

Pour des raisons diverses, considérations fiscales (le revenu des douanes baisse de près de 50 millions en 1809), revendications des industriels français, privés des matières premières indispensables, de coton surtout, mécontentement de l'opinion devant la cherté des denrées coloniales, sucre et café principalement, Napoléon consent à excepter les Américains de ses propres prescriptions et organise même un système occulte de licences spéciales. Mais, s'il était facile à nos douaniers de distinguer les produits de l'Angleterre de ceux de l'industrie américaine, comment auraient-ils pu reconnaître un grain de café du Brésil d'un autre de la Jamaïque, un flocon de coton de La Nouvelle-Orléans d'un autre des Barbades ? Napoléon, voulant à la fois maintenir le continent fermé aux produits des colonies anglaises et rouvrir ses ports aux Américains, déclara toutes les denrées coloniales « réputées de provenance anglaise » et les soumit au célèbre tarif de Trianon du 5 août 1810, complété le 27 septembre par celui de Saint-Cloud. Un droit de 400 F frappait le quintal de café, de 800 F le quintal de coton d'Amérique, de 900 F le thé hyswin, de 1 000 F le cacao, de 2 000 F la cannelle fine et la muscade.

L'Angleterre a été fortement ébranlée par le Blocus. En 1811, l'inflation fit baisser la livre et monter les prix de 76 p. 100 par rapport à 1796. L'effondrement du cours des denrées coloniales (le prix du café baisse des deux tiers), la réduction des salaires, la disette, les émeutes ouvrières accompagnées de bris de machines montrent que le Blocus continental n'était pas une chimère. Cependant, il se révéla pour la France une arme à double tranchant. Si l'industrie française tira de la suppression de la concurrence quelque bénéfice, elle fut de plus en plus gênée pour se ravitailler en matières premières. Le manque de débouchés pour certains produits agricoles (blé, eaux-de-vie) irrita certains secteurs de la paysannerie. Enfin, les grands ports furent passagèrement ruinés.

Pour être efficace, il eût fallu que le Blocus fût strictement appliqué dans toute l'Europe. Il entraîna, hélas, une politique d'interventions militaires et d'annexions indéfinies, d'où devaient sortir notamment les deux conflits fatals à l'Empereur, la guerre d'Espagne et la guerre de Russie.

— Marcel DUNAN

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur honoraire à la faculté des lettres et sciences
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Marcel DUNAN et Universalis. BLOCUS CONTINENTAL [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • COALITION GUERRES DE (1792-1815)

    • Écrit par Jean TULARD
    • 1 064 mots
    • 1 média

    Pendant dix années consécutives, de 1792 à 1802, puis pendant douze autres années consécutives, de 1803 à 1815, la France s'est trouvée en guerre avec les principales puissances de l'Europe.

    La guerre déclarée par Louis XVI et l'Assemblée législative au « roi de ...

  • EMPIRE (PREMIER)

    • Écrit par Jean TULARD
    • 8 015 mots
    • 12 médias
    ...des marchandises à bord des vaisseaux neutres ? Par un ordre en conseil du 16 mai 1806, ne déclaraient-ils pas les côtes françaises en état de blocus ? Napoléon riposta par le décret de Berlin, le 21 novembre 1806, qui mettait à son tour en état de blocus les îles Britanniques. En réalité, faute de pouvoir...
  • JEAN VI LE CLÉMENT (1767-1826) roi de Portugal (1816-1826)

    • Écrit par Universalis
    • 590 mots

    Roi de Portugal (1816-1826), né le 13 mai 1767 à Lisbonne, mort le 10 mars 1826 à Lisbonne.

    Fils cadet de Pierre III et de Marie Ire, Jean (dom João) devient l'héritier du trône portugais à la mort de son frère en 1788. En 1792, en raison de la fragilité mentale de sa mère, il prend les rênes...

  • NAPOLÉON Ier BONAPARTE (1769-1821) empereur des Français (1804-1814 et 1815)

    • Écrit par Universalis, Jacques GODECHOT
    • 8 337 mots
    • 18 médias
    Comme Napoléon devait renoncer à envahir l'Angleterre, il tenta d'obtenir une reddition en étouffant son économie. Il interdit tout commerce avec les îles Britanniques, ordonna la confiscation de tous les biens provenant des fabriques anglaises ou des colonies britanniques et déclara de bonne prise...
  • Afficher les 8 références

Voir aussi