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BĀṬIN & BĀṬINIYYA

Le mot arabe bāṭin signifie « caché », « ésotérique », par opposition à ẓāhir qui est traduit par « explicite », « obvie », « littéral ». La distinction entre bāṭin et ẓāhir intervient dans l'interprétation du Coran, lequel, au-dessus du sens explicite et littéral, possède un sens caché (bāṭin) qu'on atteint non par l'oreille mais par le cœur, grâce à l'assistance divine. Ce sens est dévoilé par l'herméneutique symbolique (ta'wīl), méthode de compréhension des textes qui a été utilisée jusqu'à l'excès dans l'interprétation cabalistique de la valeur numérique des lettres du texte sacré et qui, par là, a ouvert la voie aux sciences occultes.

La recherche du sens ésotérique a prévalu dans les milieux shī‘ites imāmites, notamment chez les Sa'biyya (partisans des sept imāms du cycle cosmologique du Prophète) et chez les Bāṭiniyya, partisans à la fois de l'imām occulté, Muḥammad b. Ismā'īl, le septième imām, et du sens caché du texte sacré. Elle a été rejetée et combattue par le sunnisme jusqu'à l'époque contemporaine, notamment par les Wahhābites.

Sur le plan religieux, cette position attribue un rôle privilégié à ‘Alī, en tant qu'il est le seul dépositaire du sens caché du message coranique. Ce sens n'est transmis qu'aux seuls initiés, qui ne peuvent le communiquer aux néophytes que sous le sceau du serment obligeant au secret le plus strict. La baṭiniyya se développa en réaction contre une pratique musulmane trop juridique, fondée sur le fiqh. Aussi marqua-t-elle par ses tendances ésotériques plusieurs confréries islamiques d'origine orientale.

La baṭiniyya, sur le plan politique, a élaboré la théorie de l'imām occulté et attendu, le Mahdī, qui apportera la révélation complète et mettra fin à l'injustice du monde actuel. Cette croyance contribua à alimenter l'idéologie de plusieurs révoltes, dont celle des Zanj et des Qarmates au Moyen-Orient et celle des Fatimides au Maghreb, qui émigrèrent ensuite, au xe siècle, en Égypte.

— Joseph CUOQ

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'Institut des belles-lettres arabes de Tunis

Classification

Pour citer cet article

Joseph CUOQ. BĀṬIN & BĀṬINIYYA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALCHIMIE

    • Écrit par René ALLEAU, Universalis
    • 13 642 mots
    • 2 médias
    ...spirituelle (ta'wil), en découvrant la relation qui existe entre le manifesté, l'exotérique ( zāhir) et le caché, l'ésotérique ( bātin), en « occultant l'apparent et en faisant apparaître l'occulté », en s'élevant des sens au Sens, ouvre enfin le « Livre du Glorieux » (...
  • CHIISME ou SHĪ‘ISME

    • Écrit par Henry CORBIN, Yann RICHARD
    • 9 396 mots
    • 2 médias
    ...ẓāhir) ? Ou bien cette apparence littérale n'est-elle que la métaphore et le revêtement d'un sens caché intérieur ou ésotérique ( bāṭin) ? Ce problème est commun aux herméneutes du Qorān comme aux herméneutes juifs ou chrétiens de la Bible. La profession de foi commune à...
  • DJĀBIR IBN ḤAYYĀN (VIIIe s.)

    • Écrit par Universalis
    • 446 mots

    Il existe un volumineux corpus arabe d'environ trois mille traités, relevant de l'hermétisme et de l'alchimie, qu'on a pendant des siècles attribué dans sa totalité à Abū Mūsa Djābir ibn Ḥayyān, penseur fervent (il reçut le surnom d'al-Ṣūfi) qui, vivant au ...

  • GHAZĀLĪ AL- (1058-1111)

    • Écrit par Roger ARNALDEZ
    • 3 434 mots
    ...n'est qu'un instrument, une balance ou un étalon qui permet de mesurer la valeur des opérations de la connaissance humaine. Enfin, Ghazālī critique les bātiniyya, secte shī‘ite ésotérique, qui attendent l'initiation à une vérité cachée, grâce à un imām ou à un maître spécialement inspiré...

Voir aussi