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BASHŌ (1644-1694)

Matsuo Munefusa, dit Bashō, est généralement considéré comme l'interprète le plus authentique du génie poétique japonais. Avec Chikamatsu le dramaturge et Saikaku le romancier, on le compte parmi les « trois grands » écrivains de son siècle. Maître incontesté du haikai-renga, du « poème libre en chaîne », qu'il pratiquait assidûment avec ses disciples, il fit du haiku, poème en dix-sept syllabes, un mode d'expression privilégié, mais excella surtout dans le haibun, prose poétique ponctuée de haiku.

Un poète pèlerin

Issu d'une famille de bushi (guerriers), vassale des châtelains d'Ueno dans la province d'Iga, le jeune Munefusa avait été dès son enfance attaché en qualité de page à la personne de l'héritier de son seigneur, Tōdō Yoshitada. Aux côtés de ce dernier, il suivit les leçons, entre autres, de l'un des maîtres du haikai de ce temps, Kitamura Kigin. Yoshitada cependant mourut en 1666, et Munefusa, libéré de ses attaches féodales, quitta sa province pour Kyōto où il poursuivit ses études. En 1672, précédé d'un certain renom déjà, il se rendit à Edo, la capitale des shōgun Tokugawa, où il semble avoir d'abord occupé divers emplois administratifs. Dès 1675, quelques-uns de ses principaux disciples, entre autres Enomoto Kikaku (1661-1707) et Sugiyama Sanpū (1643-1732), s'étaient mis à son école. En 1681, il prit l'habit de moine et pratiqua la méditation sous la direction du maître de Zen Butchō (1643-1715). En même temps, il se retirait à l'« Ermitage-au-Bananier » (Bashō-an), que Sanpū avait mis à sa disposition dans sa propriété de Fukagawa, dans un faubourg d'Edo. Désormais, il sera connu sous le pseudonyme de Bashō.

L'incendie de sa maison au début de 1683 l'incita à faire un premier voyage dans la province voisine de Kai, tandis que l'on reconstruisait le Bashō-an, grâce à une souscription parmi ses élèves déjà nombreux. La même année, Kikaku publiait un premier recueil de poèmes de l'école de Bashō, dite Shō-mon. Cependant, Bashō avait pris goût aux voyages ; l'exemple des pérégrinations de Saigyō, l'illustre moine-poète du xiie siècle, n'y fut certes pas étranger, mais il avait à cela une autre raison encore : de toutes les provinces, en effet, des poètes venaient se mettre à son école, puis, de retour au pays, fondaient à leur tour des cénacles d'amateurs de haikai dans le style du Shōmon et l'invitaient tous à venir leur dispenser son enseignement. Les dix dernières années de sa vie se passèrent donc, malgré une santé chancelante, en d'incessants périples, coupés de retraites plus ou moins longues, soit au Bashō-an, soit chez tel ou tel de ses disciples. De ses voyages, il composait le récit sous forme de haibun, de sorte que, pour cette décennie, sa vie et son œuvre se confondent totalement. Il mourut du reste, comme il l'avait prévu et peut-être souhaité, au cours d'un de ces voyages qui, pendant l'été et l'automne de 1694, l'avaient mené dans sa province natale, puis, par Nara, jusqu'à Osaka où, entouré de ses disciples accourus, il composa son dernier poème :

Malade en chemin en rêve encore je parcours la lande desséchée.

Sur sa tombe, au monastère Gichū-ji à Fushimi, on planta un bananier.

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales

Classification

Pour citer cet article

René SIEFFERT. BASHŌ (1644-1694) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BUSON YOSA (1716-1783)

    • Écrit par Madeleine PAUL-DAVID
    • 1 236 mots
    ...près d'Ōsaka, dans la province de Settsu, Buson quitta fort jeune son village natal pour se rendre à Edo, où il fut l'élève de Hayano Hajin, disciple de Bashō et renommé pour ses haiku (poèmes en 17 syllabes). En 1742, à la mort de son maître, il abandonna la capitale shōgunale pour mener une vie d'errance...
  • JAPON (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Jean-Jacques ORIGAS, Cécile SAKAI, René SIEFFERT
    • 20 234 mots
    • 2 médias
    Matsuo Bashō (1644-1694), issu d'une famille de guerriers, libéré de ses obligations féodales à vingt-deux ans par la mort de son maître, vécut en moine du zen sans avoir fait profession au sens strict. En 1681, il se retirait dans un faubourg d'Edo, en son « ermitage au bananier » (Bashō-an) d'où il...
  • LA SENTE ÉTROITE DU BOUT-DU-MONDE, Bashō - Fiche de lecture

    • Écrit par Florence BRAUNSTEIN
    • 856 mots

    Matsuo Munefusa, dit Bashō (1644-1694), est considéré comme l'un des plus grands parmi les poètes japonais. Son œuvre excelle dans la maîtrise du haikai-renga, ou « poème libre en chaîne ». Il donne ses lettres de noblesse au haiku, poème en dix-sept syllabes, mais surpasse son art...

Voir aussi