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PINOCHET UGARTE AUGUSTO (1915-2006)

Né le 25 novembre 1915 près de Valparaiso, ce lointain descendant de Bretons ayant émigré au Chili au xviiie siècle reçoit l'essentiel de son éducation dans diverses institutions religieuses et entre à l'école militaire en 1933. Ainsi débute une longue carrière dans les rangs de l'armée chilienne, réputée légaliste et apolitique au contraire de la plupart de ses homologues d'Amérique latine. Entre 1937 et la fin des années 1940, Augusto Pinochet parcourt le Chili au gré de ses affectations dans l'infanterie ; il intègre l'académie de guerre de Santiago en 1948, devient officier d'état-major en 1951 et commence à enseigner la géographie militaire et la géopolitique dans cette institution dont il devient le sous-directeur en 1963 ; de 1956 à 1959, il participe à une mission de coopération militaire en Équateur. Marié depuis 1943 et père de cinq enfants, il est nommé général de brigade en 1968 et général de division en 1971, puis devient commandant en chef de l'armée de terre à titre intérimaire en novembre 1972 – lorsque le général Prats est nommé ministre de l'Intérieur par le gouvernement du président Salvador Allende – et à titre définitif le 23 août 1973. Moins de trois semaines plus tard, il participe au coup d'État du 11 septembre 1973 qui renverse l'Unité populaire et s'impose, en l'espace de quelques mois, comme l'homme fort de la dictature militaire.

Les années Pinochet (1973-1990) marquent une importante rupture dans l'histoire contemporaine du Chili. Afin de gommer toute trace de l'expérience socialiste et de « refonder la société chilienne », le général – devenu Chef suprême de la nation en juin 1974 puis président de la République en décembre – met en place un régime autoritaire et répressif, institutionnalisé par une nouvelle Constitution, approuvée par référendum en 1980. Outre la restriction des libertés fondamentales et du pluralisme politique, la dictature est responsable de la mort ou de la disparition de près de 3 000 personnes et de la torture de quelque 28 000 opposants, selon les bilans établis durant la transition démocratique. Par ailleurs, le Chili de Pinochet rompt avec la politique économique d'inspiration keynésienne menée par l'Unité populaire et met en œuvre les préceptes néo-libéraux inspirés de l'école de Chicago : si l'on parle dès la fin des années 1970 d'un « miracle chilien », marqué par la réduction de l'inflation et du chômage, la croissance des échanges commerciaux et l'augmentation du produit national, cette révolution économique entraîne également une dissolution du tissu social, une paupérisation des classes moyennes et l'apparition de nouvelles formes d'exclusion. En septembre 1986, dans un contexte de reconstitution des oppositions au régime, Pinochet échappe de justesse à un attentat organisé par le Frente Patriótico Manuel Rodríguez, la branche armée du Parti communiste.

Censé prolonger ses fonctions pour huit années supplémentaires selon les termes prévus par la Constitution, le référendum d'octobre 1988 voit le « non » l'emporter et contraint le général à quitter le pouvoir en mars 1990, au terme de son mandat. Produit d'une négociation entre civils et militaires, la transition démocratique ménage toutefois la plupart des prérogatives de Pinochet, qui demeure commandant en chef de l'armée de terre jusqu'en 1998 puis devient sénateur à vie en vertu des dispositions constitutionnelles de 1980. Couvert par l'immunité parlementaire et par la loi d'amnistie que la dictature avait promulguée en 1978, il est toutefois arrêté à Londres en octobre 1998 à la demande de la justice espagnole. L'affaire Pinochet éclate alors sur la scène internationale. Si l'ancien chef de l'État rentre libre à Santiago en mars 2000, la dénonciation publique[...]

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Écrit par

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