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ARMAN ARMAND FERNANDEZ dit (1928-2005)

De l'iconoclasme considéré comme un des beaux-arts

Il y a dans l'iconoclasme de l'artiste un geste politique qui le place aux côtés de ceux qui combattent pour les droits civiques des Noirs aux États-Unis (L'Amérique coupée en 2, 1970). Avec l'action Conscious Vandalism (1975), il attente, hache en main, à un intérieur bourgeois : s'il met à mal le mobilier ancien de son enfance et pulvérise des instruments de musique, en disciple de Dada et de Buñuel, ceux-ci ont, depuis lors, été rattrapés par le goût de l'élite. Mais le ferment révolutionnaire continue d'agir puissamment dans l'œuvre d'Arman, dans le flux même qui emporte la forme, par le langage et par le rythme.

L'artiste libère l'expression de l'objet : ce n'est pas sa Colère à lui, mais une Colère de piano, comme dans Chopin's Waterloo (1962). Mieux encore, par son cumul insistant, l'objet répété devient une menace : en témoignent Condition féminine (1960) – comme on parle de « conditionnement » –, l'Affaire du courrier (trois mois de lettres reçues par Restany, 1961), ou encore Long Term Parking (1982) pour autant de voitures coulées dans le béton, à Jouy-en-Josas.

L'énergie qui se dégage de ses œuvres les rend irréductibles, comme les masques africains dont il est grand collectionneur. Arman a pourtant essayé de contenir l'énergie du monde, dans des boîtes noires dotées d'une face de plexiglas, dans des vitrines de plexiglas, en noyant les objets dans le plastique (Inclusions, 1958), puis dans le béton (1970), ou même dans le bronze (1971). Mais c'est finalement en cédant à cette énergie qu'il crée le style « flamboyant » des années 1980-1990 – y compris au sens propre, avec les Combustions. À partir d'objets ou d'œuvres développés en tranches dans l'espace, ou à partir de cordes, fils métalliques et autres ressorts, il retrouve l'élan de ses débuts. Son Nu couché (1983) est un violon dont les lignes ingresques sont rendues par les cordes détendues.

Arman avait choisi de s'installer à New York, où il avait participé à la mythique exposition The Art of Assemblage, en 1961. En 1973, il était devenu citoyen américain. Mais sa ville natale et plusieurs autres en France possèdent certaines œuvres monumentales. Les plus populaires, L'Heure de tous et Consigne à vie (1985), accumulant devant la gare Saint-Lazare à Paris horloges et valises, disent tout de la hâte de notre temps.

— Thierry DUFRÊNE

— Universalis

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Paris-X-Nanterre
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Thierry DUFRÊNE et Universalis. ARMAN ARMAND FERNANDEZ dit (1928-2005) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • NON-ART

    • Écrit par Gilbert LASCAULT
    • 4 039 mots
    En 1958, Yves Klein fait l'exposition du vide : vernissage des murs nus de la galerie Iris Clert à Paris. En 1960, Arman remplit à ras bord la même galerie avec les ustensiles les plus divers. Au Salon de mai 1960, la presse parle d'un attentat à la sculpture lorsque César expose trois compressions...
  • NOUVEAU RÉALISME

    • Écrit par Catherine VASSEUR
    • 2 608 mots
    Klein présente alors au critique son ami d'enfance Armand Fernandez, dit Arman, puis Raymond Hains et Jean Tinguely. À cette époque, Arman se dégage peu à peu de l'abstraction et intégrera bientôt dans ses Cachets, réalisés à l'aide de tampons de caoutchouc, la dimension répétitive qui deviendra...
  • SCULPTURE CONTEMPORAINE

    • Écrit par Paul-Louis RINUY
    • 8 011 mots
    • 4 médias
    ...rassemble aussi de nombreux peintres. C’est l’objet, dans sa réalité la plus ordinaire, qui est appelé à jouer dans leurs sculptures un rôle crucial. Arman se lance dans des accumulations d’objets ou met en scène de manière spectaculaire leur destruction (série des Colères, 1961). Daniel Spoerri...

Voir aussi