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BRUANT ARISTIDE (1851-1925)

Des revers de fortune amènent Aristide Bruant, issu d'une famille bourgeoise de Courtenay (Loiret), à s'établir à Paris, où il exerce divers métiers. Employé aux Chemins de fer du Nord, il entame une carrière de chanteur de café-concert et connaît un certain succès (Mad'moiselle, écoutez-moi donc, en collaboration avec Jules Jouy). Mais c'est au Chat noir que Bruant trouve sa voie : il écrit la ballade glorifiant le cabaret et remplace parfois le maître de céans, Rodophe Salis, dans son rôle de bonimenteur.

Surtout, il se spécialise dans les chansons de barrière, ces complaintes qui magnifient le peuple de petits truands et de gigolettes de la zone (À la Bastoche, À Grenelle, À la Villette) ou encore les exploits des bat' d'Af (À Biribi). Avec un étonnant sens de la langue qui se fait, par quoi il annonce Céline, il s'approprie l'argot, mêle la goualante avec le folklore français et le chant d'église. Une grande rigueur d'écriture, en ce qui concerne tant les paroles que la musique, concourt à l'efficacité de son propos. Sans conteste le plus fécond créateur produit par l'école chansonnière montmartroise, Bruant dut d'abord son immense renommée à sa carrière de cabaretier. Après le transfert du Chat noir rue Victor-Massé (1885), il reprend, en effet, le local du boulevard Rochechouart, qu'il rebaptise Le Mirliton, adopte la tenue immortalisée par les affiches de Toulouse-Lautrec et inaugure une façon d'appâter le bourgeois qui fera fortune : houspillant sans ménagement ce dernier, il lui donne à peu de frais l'illusion de l'encanaillement.

Bruant tient ce rôle chaque soir pendant dix ans, puis part pour des tournées en province et à l'étranger. Auteur de seize romans et de six pièces de théâtre (écrits en fait par des « nègres »), il se retire à Courtenay vers 1900. Mais ses chansons, réunies en deux recueils : Dans la rue (1889) et Sur la route (1899), poursuivent leur carrière ; tandis que certaines d'entre elles (Les Canuts, Nini-Peau-d'chien) sont « passées dans le folklore », toute une tradition chansonnière, de Carco à Mouloudji, s'est inscrite dans l'univers créé par le chantre de Paris-marlou.

— Jean-Claude KLEIN

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Écrit par

  • : diplômé de l'École pratique des hautes études, chargé de cours à l'U.F.R. de musique et musicologie de l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Jean-Claude KLEIN. BRUANT ARISTIDE (1851-1925) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CHANSON

    • Écrit par Louis-Jean CALVET, Guy ERISMANN, Jean-Claude KLEIN
    • 7 139 mots
    • 6 médias
    ...farfelus en tout genre et de toutes opinions. On y applaudit Marcel Legay, Vincent Hyspa, Maurice Mac-Nab, Paul Delmet, Jacques Ferny, Jules Jouy et Aristide Bruant, qui fonda rapidement son propre établissement : Le Mirliton. Paris et surtout Montmartre connurent alors de nombreux cabarets d'un esprit analogue,...
  • CHANSON FRANÇAISE

    • Écrit par Hélène HAZERA
    • 5 010 mots
    • 7 médias
    ...antibourgeois, qui s'attache à la vie des « filles soumises », par exemple chez les frères Goncourt (Germinie Lacerteux, 1864) ou Joris-Karl Huysmans. Aristide Bruant a certainement lu ces œuvres, mais il est aussi allé se documenter sur place, hantant les bas-fonds, s'imprégnant des réelles « chansons...
  • FEUILLETON

    • Écrit par Jacques DUBOIS
    • 2 495 mots
    • 3 médias
    ...et richesse. Parmi ceux qui connaissent cette réussite, quelques-uns accèdent même à un statut de respectabilité. Chansonnier canaille et anarchisant, Aristide Bruant finit en propriétaire nationaliste. Feuilletoniste populaire, Paul Féval se transforme en président de la Société des gens de lettres...
  • HENRI DE TOULOUSE-LAUTREC ET L'ESTAMPE - (repères chronologiques)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 669 mots

    1891 Moulin Rouge, La Goulue, à la fois la première lithographie de Lautrec et sa première affiche (toutes seront dans cette technique). L'œuvre démontre son habileté technique et stylistique. Par l'économie de moyens et la simplification des formes (la profondeur de la scène ne vient que de...

Voir aussi