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BARNAVE ANTOINE PIERRE JOSEPH MARIE (1761-1793)

Avocat protestant dauphinois, Barnave est avec Mounier un des leaders de la « révolution » dauphinoise de 1788 et, après Mirabeau, le meilleur orateur des États généraux et de la Constituante en raison de ses connaissances étendues et de la vigueur de son argumentation. Un des fondateurs de la Société des amis de la Constitution et de la liberté, qui deviendra le club des Jacobins, il constitue, avec Duport et Alexandre Lameth, le triumvirat qui, peu à peu, prend la tête du parti patriote, s'oppose aux ministres et rivalise d'influence avec La Fayette et Mirabeau. Président de la Constituante, en octobre 1790, sa popularité est alors à son apogée. Elle ne tarde pas à décliner parmi les démocrates, car Barnave est opposé au suffrage universel et à l'émancipation des esclaves aux colonies (sans doute parce que les Lameth avaient des intérêts dans les plantations), ce qui lui attire l'hostilité des Amis des Noirs (Brissot, Robespierre, Grégoire). De plus en plus effrayé par la tournure prise par les événements de la Révolution, le triumvirat entend, à la mort de Mirabeau, le remplacer comme conseiller de la cour. En avril 1791, avec l'argent de la liste civile, Barnave et ses amis reprennent le journal Le Logographe. Avec Pétion et Latour-Maubourg, Barnave est commissaire chargé, après Varennes, de ramener la famille royale à Paris. Il entre, dès lors, en correspondance suivie avec Marie-Antoinette, offre ses services pour empêcher la France de glisser vers la République, et fait triompher la thèse de l'irresponsabilité royale dans la fuite. Le 15 juillet 1791, il prononce un grand discours où il résume ses opinions politiques : « Allons-nous terminer la Révolution ? Allons-nous la recommencer ? [...] un pas de plus serait funeste et redoutable [...] un pas de plus dans la ligne de l'égalité, et c'est la ruine de la propriété. » Il quitte alors les Jacobins et fonde les Feuillants avec ses amis du triumvirat et ceux de La Fayette. Il conseille au roi d'accepter la Constitution et de se désolidariser des émigrés. Non éligible à l'Assemblée législative, il se retire dans le Dauphiné.

Dans cette retraite, il demeure fidèle à deux principes : ni contre-révolution ni intervention étrangère dans les affaires intérieures de la France. Il veut éviter, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur, la guerre qui ne peut qu'engendrer une révolution démocratique et amener la République. C'est pourquoi, dans sa correspondance avec la reine, il demande à celle-ci l'acceptation loyale de la Constitution, la condamnation de l'émigration, des démarches pressantes pour retenir l'empereur de toute initiative belliqueuse ; il croit naïvement que ces conseils seront écoutés. On découvre, après le 10 août, qu'avec Lameth il a conseillé au roi d'opposer son veto aux décrets sur les émigrés et sur les prêtres réfractaires. Le 15 août 1792, il est décrété d'arrestation et incarcéré à Grenoble. Il rédige en prison son Introduction à la Révolution française, ouvrage qui devait beaucoup frapper Jaurès et Mathiez. Il y montre que la Révolution est l'aboutissement d'une longue évolution économique et sociale de l'Europe depuis le Moyen Âge, que la propriété agraire avait amené la formation de gouvernements aristocratiques, comment le développement ultérieur du commerce et de l'industrie entraîna la transformation des sociétés agraires traditionnelles, les progrès de la bourgeoisie et son désir de plus en plus irrésistible de participer au gouvernement. Transféré à Paris, condamné à mort par le Tribunal révolutionnaire, il est exécuté le 29 octobre 1793.

— Roger DUFRAISSE

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Caen

Classification

Pour citer cet article

Roger DUFRAISSE. BARNAVE ANTOINE PIERRE JOSEPH MARIE (1761-1793) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • JACOBINS CLUB DES

    • Écrit par Jean MASSIN
    • 1 549 mots
    • 1 média

    Le 30 avril 1789, à Versailles, les députés du tiers état de Bretagne, parmi lesquels Le Chapelier, Lanjuinais, Coroller et Defermon, se réunissent pour débattre ensemble de leur attitude cinq jours avant l'ouverture des États généraux. C'est l'origine du Club breton auquel s'agrégeront...