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FACTORIELLE ANALYSE

L'analyse factorielle est une méthode mathématique expérimentale, spécialement employée en psychologie, qui a pour objet l'étude des dimensions, ou facteurs, d'un domaine empirique donné.

Soit, par exemple, les mesures de longueur, de surface et de volume d'un ensemble de corps physiques. L'analyse factorielle de ces mesures découvre trois facteurs : la longueur, la hauteur et la profondeur. Toutes les variables de ce domaine sont fonction de ces trois dimensions ou facteurs. Toutefois, si ces notions rejoignent l'évidence descriptive dans les sciences de la nature, il n'en va pas de même dans beaucoup d'autres secteurs, et en particulier dans les sciences sociales et humaines. Dans ces dernières disciplines, on peut sans doute décrire un certain nombre de variables, mais il n'est guère possible, dans la plupart des cas, de déterminer les dimensions fondamentales de variation.

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Considérons un autre exemple : l'intelligence. Bien qu'il s'agisse là d'un concept classique de la philosophie et de la psychologie, l'analyse rationnelle courante n'est pas en mesure de nous renseigner sur son unicité ou sa pluralité ; en d'autres termes, elle ne peut pas nous apprendre si l'intelligence est une aptitude unitaire ni si, au contraire, ce qu'on désigne par ce vocable est constitué par une série d'aptitudes partielles ; au cas où il en serait ainsi, elle ne peut dire dans quelle mesure ces dernières seraient indépendantes les unes des autres ou, au contraire, relativement intégrées. Élargissant le débat aux autres domaines de la psychologie, on pourrait se poser les mêmes questions au sujet de la mémoire, de la perception, de la stabilité émotionnelle, des attitudes politiques, de la structure des groupes humains, etc. On voit aisément que, si l'on dispose d'une méthode capable de déterminer avec précision les dimensions impliquées par ces concepts, ceux-ci deviendront plus rigoureux et les variables distinguées par la psychologie pourront être soumises à un contrôle plus discriminatif. Il n'échappe à personne que l'évaluation de l'intelligence par les tests, pour parler d'un domaine dont les conséquences individuelles et sociales sont immenses, ne saurait fournir des indications dignes de confiance que si les épreuves utilisées mettent en jeu des dimensions dont l'existence a été établie avec une probabilité suffisante.

L'analyse factorielle trouve son origine historique (1904) dans l'étude de l'intelligence et a été développée par C. Spearman, G. H. Thomson, C. Burt et L. L. Thurstone, qui en sont les fondateurs. Elle a été étendue par la suite à l'étude de la personnalité, et son emploi est actuellement très général. Elle s'applique dans tous les domaines de la psychologie et dans diverses autres disciplines (médecine, gestion, linguistique).

L'analyse factorielle consiste essentiellement en un ensemble de techniques mathématiques qui permettent d'analyser en plusieurs composantes fondamentales, scientifiquement interprétables, la variance d'un certain nombre de variables. Ces composantes, ou facteurs, sont en général linéaires. Elles expriment la communauté de variation entre les variables et peuvent être trouvées à partir des corrélations qui existent entre celles-ci. Le langage mathématique principal de l'analyse factorielle est l'algèbre matricielle. Celle-ci, qui figurait déjà implicitement dans les premiers travaux de Spearman parus au début de ce siècle, est devenue de plus en plus explicite dans les recherches ultérieures de Burt et surtout de Thurstone.

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Les résultats acquis par l'analyse factorielle en ce qui concerne l'intelligence et la personnalité ont contribué à en faire une technique fondamentale de la psychométrie. Elle est indispensable dans l'établissement des diagnostics et pronostics requis par le classement, l'orientation et la sélection des sujets dans les principaux secteurs de l'activité humaine.

Les théories fondamentales

L'analyse factorielle est née en 1904 avec l'ouvrage où C. Spearman (1863-1945) consigna les résultats de ses premiers travaux : General Intelligence Objectively Determined and Measured. Les recherches de Spearman, auxquelles il faut associer celles de G. H. Thomson (1881-1955), caractérisent ce que l'on a appelé la période de l'analyse unifactorielle, du fait que les théories dominantes s'attachaient alors à expliquer l'intelligence par l'existence d'un seul facteur général.

Vers 1930 commence une seconde période, celle de l'analyse multifactorielle, représentée notamment par les travaux de C. Burt (1883-1971) et de L. L. Thurstone (1887-1955). À partir de ce moment, l'intérêt se déplace peu à peu du facteur général vers les facteurs multiples, d'abord pour ce qui concerne l'intelligence, ensuite à propos de tous les aspects du comportement.

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On peut caractériser l'analyse factorielle : 1. par l'emploi de modèles mathématiques, surtout l'algèbre matricielle ; 2. par le développement d'épreuves statistiques destinées à établir la significativité des résultats ; 3. par la programmation des calculs en vue du traitement par les ordinateurs ; 4. par l'extension de la méthode à tous les domaines de la psychologie ( intelligence, aptitudes, tempérament, caractère, motivation, apprentissage, etc.) et à d'autres sciences (pédagogie, sociologie, anthropométrie, anthropologie, etc.). Son emploi est particulièrement fécond en psychologie différentielle et en psychologie appliquée, où elle permet de déterminer les dimensions du psychodiagnostic des études, des métiers, etc. Elle conduit en outre à élaborer des modèles théoriques se rapportant aux différences individuelles, à la pratique clinique, à l'orientation et à la sélection scolaire et professionnelle.

C. Spearman et le facteur g

L'hypothèse de Spearman peut être écrite comme suit :

Ces égalités signifient : qu'une activité cognitive quelconque j est fonction d'un facteur général, g, commun à toutes les activités, et d'un facteur spécifique, s, lequel n'est présent que dans cette activité (1) ; que tous les facteurs sont statistiquement indépendants, c'est-à-dire que leurs corrélations sont nulles (2) ; que la mesure zj d'un comportement j peut être écrite en première approximation comme une fonction linéaire de g et de s, c'est-à-dire qu'elle est composée d'une partie due au facteur g, représentée par le coefficient factoriel de j en g, ajg, augmentée d'une partie due au facteur spécifique s, représentée par le coefficient factoriel de j en s, bjs (3).

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De cette hypothèse, on peut déduire : a) que toutes les corrélations entre tests cognitifs seront positives (rjk > 0), puisque g est commun, mais qu'elles ne seront pas parfaites (rjk < 1), puisque chaque s est spécifique et indépendant ; b) que la table de corrélations doit être hiérarchique ou, selon le langage matriciel, que le rang de la matrice de corrélations doit être égal à l'unité.

Matrice de corrélations hiérarchiques - crédits : Encyclopædia Universalis France

Matrice de corrélations hiérarchiques

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Pour clarifier ce dernier point, examinons le tableau. Il s'agit d'une matrice de corrélations, c'est-à-dire d'un ensemble de corrélations ordonnées par lignes et par colonnes. Supposons qu'elle ait été obtenue en appliquant quatre tests à un échantillon de sujets et en calculant les corrélations entre les résultats obtenus. On dit qu'une matrice est hiérarchique lorsque ses colonnes sont proportionnelles. Le tableau est celui d'une matrice hiérarchique. Ainsi, pour les colonnes 2 et 3 :

Or, si l'hypothèse de Spearman est exacte, la corrélation partielle entre deux tests cognitifs quelconques doit être nulle :

La formule (4) exprime la corrélation qui subsiste entre j et k lorsque l'effet de g est éliminé. Donc, sa valeur doit être nulle, puisque, selon l'hypothèse de Spearman, g est le seul facteur commun. Mais (4) n'est nulle que si le numérateur est nul. Donc :

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D'où la proportionnalité des colonnes. En effet, d'après (5), le rapport entre deux termes correspondants de deux colonnes doit être constant :

On voit donc que, si l'hypothèse de Spearman est exacte, les corrélations doivent être positives et hiérarchiques. Dans nombre d'études, Spearman et ses collaborateurs ont cru confirmer ces prévisions.

Dans le cas d'une hiérarchie de tests, il est facile en principe de calculer le coefficient factoriel de chaque test en g. Ce coefficient est donné par :

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En effet, si l'on opère la transformation de (5) en (6), on a :

Le coefficient factoriel du test 1 en g sera dès lors :

Les coefficients des tests en g figurent dans la colonne g du tableau, comme on peut le vérifier aisément en appliquant la formule (6).

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On a interprété le facteur g en étudiant les coefficients factoriels d'un grand nombre de tests cognitifs différents qui répondaient à l'exigence de la hiérarchie. Spearman a montré que g correspond à l'abstraction noégénétique, c'est-à-dire à l'activité d'abstraction et de mise en relation qui fait surgir (γ́ενεσις) des nouvelles connaissances (νοε̃ιν). D'après Spearman, toutes les opérations cognitives qui accroissent les connaissances sont identiques et se réduisent à la fonction d'abstraction et de mise en relation. Cette fonction se maintient à un niveau constant pour chaque sujet, puisque g est la mesure de l'énergie mentale ou, du point de vue somatique, de l'énergie nerveuse du sujet. Les facteurs spécifiques seraient les mécanismes par lesquels cette énergie agit.

Spearman en conclut que toutes les théories antérieures de l'intelligence sont erronées. Ainsi, les théories monarchiques, selon lesquelles l'intelligence est une faculté unique, négligent les facteurs s ; d'autre part, les théories anarchiques, selon lesquelles il n'y a pas d'intelligence mais seulement des comportements intelligents, ne prennent pas en considération le facteur g. Quant aux théories oligarchiques, qui prônent l'existence de plusieurs facultés, elles sont également dans l'erreur puisque les corrélations montrent qu'il n'y a pas d'ensembles distincts de corrélations, mais un seul ensemble hiérarchique, c'est-à-dire un seul facteur g en plus des facteurs spécifiques.

G. H. Thomson : facteurs et lois de probabilité

De son côté, Thomson offre une autre explication des corrélations positives et hiérarchiques : il s'agit de la théorie dite de l'échantillonnage. Supposons : a) que l'intelligence soit un ensemble de N éléments e équivalents, indépendants et très nombreux ; b) qu'un test ou activité j soit un échantillon aléatoire, formé par un nombre Npj d'éléments de l'ensemble selon la complexité pj du test ; c) que la corrélation rjk entre deux tests j et k dépende du nombre d'éléments communs aux deux tests. On peut alors écrire :

La formule habituelle de la corrélation (9) exprime le rapport entre la covariance c et la racine carrée du produit des variances. Mais la covariance indique le nombre d'éléments communs aux deux tests. Or, étant donné que chaque test est un échantillon aléatoire et indépendant et que les proportions d'éléments de chaque test sont pj et pk, le nombre le plus probable d'éléments communs dans les deux échantillons sera Npjpk. De même, la variance de chaque échantillon est représentée par son nombre d'éléments Npj et Npk. Donc, (9) devient :

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À partir de (10), on peut montrer que les corrélations doivent être hiérarchiques. En effet, en prenant deux colonnes quelconques d'une table de corrélations, par exemple les colonnes 2 et 3, on a :

On voit que les colonnes sont proportionnelles comme dans la théorie de Spearman.

D'après la théorie de Thomson, l'intelligence n'est pas constituée de facultés ou de facteurs, mais d'un ensemble d'éléments. Ceux-ci seraient des constituants simples appartenant au substrat causal du comportement intelligent, liés sans doute au bagage génétique et, plus directement, aux dix milliards de neurones corticaux. Ils sont si nombreux que les lois de la probabilité peuvent y jouer et produire cette tendance remarquable qu'on appelle hiérarchie.

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Spearman et Thomson se fondent l'un et l'autre sur le fait de la hiérarchie. Mais ce fait est discutable. Au fur et à mesure que les techniques psychométriques et les modèles d'échantillonnage s'améliorent et que les erreurs de tout genre diminuent, les corrélations s'éloignent de plus en plus de la hiérarchie. C'est d'ailleurs ce qui a amené Spearman à admettre l'existence d'autres facteurs communs à côté de g, et Thomson lui aussi a reconnu que l'ensemble des éléments n'est pas homogène, mais structuré en sous-ensembles partiels. Ainsi, l'interprétation unifactorielle est devenue peu à peu une interprétation multifactorielle. Celle-ci sera explicitement formulée par Burt et par Thurstone.

C. Burt : facteurs et classes

Les techniques de Burt et de Thurstone ont été incorporées, pour la plus grande partie, à la méthodologie de l'analyse factorielle. On tentera d'en faire la synthèse à la section suivante. On se borne à présenter ici les concepts théoriques les plus distinctifs de ces auteurs.

Étant donné que toutes les corrélations entre des tests cognitifs sont positives, il faut admettre, d'après Burt, l'existence d'un facteur général g. Toutefois, celui-ci ne suffit pas à expliquer les corrélations, puisqu'elles ne sont pas tout à fait hiérarchiques. Il faut donc admettre, en plus de g, d'autres facteurs qui, étant communs à plusieurs tests, ne sont ni communs à tous ni spécifiques d'un seul :

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Chaque test peut être exprimé en fonction d'un facteur général g, de un ou de plusieurs facteurs communs m et d'un facteur spécifique s.

Burt a été l'un des auteurs les plus féconds dans le développement des méthodes factorielles ; il a largement contribué à leur application dans la recherche en psychologie différentielle et en psychologie appliquée. D'après lui, les facteurs que l'on trouve ne sont pas des entités réelles, mais des catégories logiques et métriques de classification. Ces principes logico-métriques permettent de fonder une taxinomie des phénomènes psychologiques et des individus, au moyen de classes qui sont à la fois rigoureuses, indépendantes, objectives et empiriquement vérifiées.

L. L. Thurstone : facteurs et paramètres fonctionnels

C'est à Thurstone que revient le mérite d'avoir donné à l'analyse factorielle sa formulation la plus générale, et l'on peut affirmer que la théorie inclut les autres au titre de cas particuliers. Sa seule hypothèse est que chaque activité ou phénomène j est fonction d'un nombre de facteurs communs m, d'un facteur spécifique s et d'une erreur e :

Quant au nombre et à la nature des facteurs communs, c'est là un problème qui doit être résolu expérimentalement. Dans ce but, Thurstone a développé de nombreuses techniques sur le modèle général de l'algèbre matricielle. Ces techniques sont devenues la base de l'analyse factorielle. Les facteurs ainsi découverts sont interprétés comme des paramètres dans l'équation de chaque variable d'un domaine empirique donné. Ces paramètres correspondent à un ensemble de concepts théoriques en fonction desquels le domaine étudié peut être analysé de façon scientifiquement vérifiable. En général, les facteurs psychologiques représentent des principes fonctionnels et des traits.

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Écrit par

  • : Professeur aux universités de Madrid et de Louvain, directeur du département de psychologie à l'université de Madrid.

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Matrice de corrélations hiérarchiques - crédits : Encyclopædia Universalis France

Matrice de corrélations hiérarchiques

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Matrice de corrélations

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Autres références

  • BURT sir CYRIL LODOWIC (1883-1971)

    • Écrit par
    • 395 mots

    L'œuvre de sir Cyril Burt est intimement liée aux développements techniques de l'analyse factorielle. Ce savant anglais, qui enseigna à Oxford, Liverpool, Cambridge, Londres et qui publia notamment The Factors of the Mind (1940), figure parmi les fondateurs de ce secteur important...

  • CAUSALITÉ

    • Écrit par , et
    • 12 990 mots
    • 3 médias
    Simon propose de traduire une structure causale comme celle-là par le système d'équations suivant :
    Les symboles e1, e2 et e3 exprimentl'action des facteurs dont il n'est pas explicitement tenu compte dans la structure. Ainsi, il est évident que si l'état civil est bien déterminé par l'âge,...
  • SPEARMAN CHARLES EDWARD (1863-1945)

    • Écrit par
    • 451 mots

    Psychologue anglais, célèbre par ses recherches en matière d'analyse factorielle, Spearman travailla avec W. Wundt à Leipzig et fut professeur de 1911 à 1931, à l'University College de Londres. Il publia notamment : The Nature of Intelligence and the Principles of Cognition (1923)...

  • STATISTIQUE

    • Écrit par
    • 13 899 mots
    • 1 média
    Dans l'analyse en composantes principales, on avait en vue la description d'un tableau de données de dimensions (p, n) pour p caractères et n individus, les deux ensembles I des individus et J des caractères n'ayant aucune structure particulière. Dans les techniques examinées ensuite, l'ensemble...
  • Afficher les 7 références

Voir aussi