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AN LUSHAN[NGAN LOU-CHAN]RÉBELLION D' (755-763)

An Lushan (705-757) n'est en fait que le principal héros d'un épisode central dans l'histoire de la Chine impériale. Né dans le Nord-Est d'un officier sogdien et d'une mère turque, polyglotte, propulsé au sommet de la hiérarchie militaire par ses prouesses et par un talent exceptionnel pour l'intrigue, c'est un pur produit de cette frontière sino-barbare dont les Tang, à partir des années 730, ont abandonné la défense à des commissaires impériaux (jiedushi) commandant des armées professionnelles de mercenaires. Dans les années 740, il est devenu la coqueluche de la cour, qui, tout en s'amusant des pitreries de cet obèse jovial, redoute sa puissance ; il finira par cumuler de nombreux titres honorifiques avec le commandement de trois régions militaires, dans le Nord et le Nord-Est (746). Entré en conflit avec le Premier ministre Yang Guozhong, il lève l'étendard de la révolte (755), marche sur la plaine centrale, s'empare de la capitale orientale, Luoyang, et se proclame empereur d'une dynastie Da Yan. Malgré la résistance qui s'organise (il est coupé de sa base du Nord-Est), il réussit à prendre la capitale Chang'an. L'empereur Xuanzong fuit vers l'ouest, doit faire face à une révolte de sa garde, laquelle obtient l'exécution de Yang Guozhong et de sa cousine, la favorite Yang Guifei (épisode entré dans la légende et chanté par les poètes), et va se réfugier au Sichuan après avoir laissé le trône à son fils, le futur Suzong, chargé de sauver la dynastie. Malade et sujet à des accès de démence, An Lushan est assassiné par son fils An Qingxiu (757), qui poursuit la lutte. À la fin de 757, les Tang ont repris les deux capitales avec l'aide d'une tribu de Turcs sédentarisés, les Ouïgours, qui retournent chez eux gorgés de butin. À Fanyang (Pékin), Shi Siming ( ?-761), le principal lieutenant d'An Lushan, se rallie aux Tang puis rompt avec eux dès qu'il sent sa sécurité menacée (758). Appelé au secours par An Qingxiu au Henan, il bat une coalition de neuf jiedushi loyalistes, exécute An Qingxiu, prend la tête de la rébellion (couramment appelée « rébellion d'An et de Shi » pour cette raison) et s'empare à nouveau de Luoyang (761). Il est à son tour assassiné par son fils Shi Chaoyi, coupable de n'avoir pu prendre Chang'an. Rappelés à la rescousse, les Ouïgours reprennent Luoyang (fin 762), et c'est la fin : Shi Chaoyi, réfugié dans la région de Fanyang, est capturé et exécuté par le jiedushi local (début 763).

Rien ne sera plus comme avant. Les Tang, qui jusqu'au milieu du viiie siècle avaient régné sur une cour extraordinairement brillante et un empire centralisé dont la domination s'étendait loin des limites de la Chine propre, se retrouvent à la tête d'un territoire confiné à ces dernières, menacé sur ses frontières et en butte à des révoltes armées à l'intérieur. L'ancien système de conscription, fondé sur les couches moyennes d'une paysannerie libre, est tombé en désuétude, et les satrapies des jiedushi s'étendent désormais à la plaine centrale ; disposant d'une large autonomie, ils livrent l'impôt à la capitale quand ils le veulent. Les pays du bas Yangzi, déjà pressurés pour financer la résistance contre la rébellion (d'où plusieurs révoltes), resteront jusqu'à la fin de l'empire la principale source de revenu du gouvernement central. De même, la réforme de l'« impôt double » (780), qui revient à légaliser la grande propriété privée, a des conséquences sociales et économiques qui dureront jusqu'en plein xxe siècle. Enfin, les méfaits du militarisme conduiront à l'éclatement de l'empire au début du xe siècle et, par réaction, à l'instauration d'un régime dominé par la bureaucratie civile[...]

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Pour citer cet article

Pierre-Étienne WILL. AN LUSHAN [NGAN LOU-CHAN] RÉBELLION D' (755-763) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CHINE - Histoire jusqu'en 1949

    • Écrit par Jean CHESNEAUX, Jacques GERNET
    • 44 594 mots
    • 50 médias
    ...rébellion militaire qui se déclare à la fin de 755 dans la région de l'actuel Pékin est menée par un général, métis de Sogdien et de Turque, du nom d' An Lushan. Les armées rebelles s'emparent des deux capitales, Luoyang et Chang'an, au début de 756, et obligent l'empereur à se réfugier au Sichuan. L'Empire...
  • DYNASTIE TANG - (repères chronologiques)

    • Écrit par Pascal BURESI
    • 257 mots

    615 L'empereur Sui Yangdi est encerclé dans le Shanxi par les Turcs orientaux.

    618 Li Yuan, un chef militaire, qui recevra le titre posthume de Gaozu, proclame l'avènement de la nouvelle dynastie des Tang.

    626 Le général Li Shimin, deuxième fils de l'empereur Li Yuan, élimine ses frères...

  • YANG GUIFEI (morte en 756)

    • Écrit par Universalis
    • 353 mots

    Concubine du grand empereur des Tang Xuanzong (r. 712-756), Yang Guifei était connue pour sa beauté. L'empereur aurait par sa faute négligé ses devoirs, et la dynastie Tang (618-907) fut fortement ébranlée par la rébellion qui s'ensuivit. L'histoire de cette favorite a fait l'objet d'innombrables...

Voir aussi