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VOLLARD AMBROISE (1868-1939)

Le flair de ce marchand de tableaux parisien, né à Saint-Denis de la Réunion, qui, après des études de droit, sut découvrir quelques-uns parmi les plus grands artistes de l'art moderne et assurer leur renom en même temps que sa fortune, fait d'Ambroise Vollard le symbole d'une réussite exceptionnelle dans un métier hasardeux et difficile. Dans ses piquants Souvenirs d'un marchand de tableaux (1937 ; rééd. Albin Michel, 1984), bourrés d'anecdotes, il conte lui-même l'itinéraire de ses découvertes, décrit les visiteurs de sa modeste galerie de la rue Laffitte, les « dîners de la Cave » où festoyaient Apollinaire et Jarry, ses rencontres à Montmartre et à Montparnasse. Sa manière particulière de vendre, passive et somnolente, l'œil aux aguets pour piéger le client éventuel est devenue désormais le modèle d'une méthode pour tout marchand de tableaux averti. Éditeur d'art (Les Fleurs du mal illustrées par Bonnard ; les Fables de La Fontaine par Chagall ; commanditaire des cinquante gravures du Miserere de Rouault) écrivant aussi sur ses amis (En écoutant Cézanne, 1914 ; Renoir, 1920 ; Degas, 1924 ; Les Réincarnations du père Ubu, 1925 ; Sainte Monique, 1930), il savait gagner la sympathie des artistes : Cézanne, le Douanier Rousseau, Rodin, Maillol, Bonnard, Picasso, Matisse, pour lesquels il organisa des expositions dans sa galerie.

Séduits par son visage, son haut front dégarni et griffé de rides, ses yeux las de dormeur frustré, son nez vaguement socratique et la barbe fine enveloppant sa pâleur, certains peintres l'ont choisi comme modèle, et une exposition réduite mais brillante de ses seuls portraits suffirait à montrer quelques mutations significatives de l'art du xxe siècle : les portraits gras et luisants qu'exécuta Auguste Renoir âgé, qui le peignit aussi une fois en toréador ; celui de Bonnard (Petit Palais, Paris), intimiste et réfléchi ; les portraits de Picasso, un étonnant burin et surtout le célèbre Vollard éclaté qui figure généralement dans les expositions consacrées au cubisme ; l'échec sans témoin, hélas ! de Degas qui renonça dès le premier rendez-vous, et l'essai (inachevé) de Cézanne, qui fut une aventure éprouvante pour ce patient et complaisant marchand : « Malheureux ! Vous avez dérangé la pose ! On doit poser comme une pomme. Est-ce que ça remue, une pomme ? [...]. Après cent quinze séances de pose, Cézanne me dit avec satisfaction : Je ne suis pas mécontent du devant de la chemise. »

— Guy BELOUET

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Pour citer cet article

Guy BELOUET. VOLLARD AMBROISE (1868-1939) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DE CÉZANNE À PICASSO. CHEFS-D'ŒUVRE DE LA GALERIE VOLLARD (exposition)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 1 156 mots

    L'exposition organisée par le Metropolitan Museum of Art de New York, l'Art Institute de Chicago et enfin le musée d'Orsay à Paris, consacrée au marchand et éditeur d'art Ambroise Vollard (1868-1939), était d'un incomparable plaisir pour les yeux (De Cézanne à Picasso....

  • CÉZANNE PAUL (1839-1906)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 3 970 mots
    • 7 médias
    ...public, en 1889 à l'Exposition universelle, en 1887 et 1890 avec le groupe des XX, à Bruxelles, avant l'événement que constitue la rétrospective chez Vollard en 1895. Cézanne est alors découvert : par ses anciens amis, qui ignoraient en fait beaucoup de son évolution récente, par quelques critiques qui...
  • ILLUSTRATION

    • Écrit par Ségolène LE MEN, Constance MORÉTEAU
    • 9 135 mots
    • 11 médias
    Ambroise Vollard est le premier à adopter cette stratégie. Ce pragmatisme survient après la réception difficile de Parallèlement, dialogue entre un texte de Paul Verlaine et des illustrations de Pierre Bonnard, publié en 1900. Cette œuvre est considérée comme le premier livre de peintre porteur...
  • LIVRE

    • Écrit par Jacques-Alexandre BRETON, Henri-Jean MARTIN, Jean TOULET
    • 26 610 mots
    • 3 médias
    ... siècle. Elle est due à l'initiative d'hommes en marge de l'édition, mais pleinement ouverts aux activités plastiques contemporaines. En 1900, Ambroise Vollard commande l'illustration de Parallèlement de Verlaine à Bonnard qui jette dans les marges des lithographies allusives tirées en sanguine...
  • NABIS

    • Écrit par Antoine TERRASSE
    • 3 183 mots
    • 5 médias
    ...sentiment de surprise, si on les replace en leur temps, dans les années 1890. Les nabis exposèrent ensemble chez Le Barc de Boutteville de 1891 à 1896. Ambroise Vollard, qui allait éditer leurs plus belles lithographies, les accueillit en 1897 et 1898, puis la galerie Durand-Ruel en 1899. En ces dix années...

Voir aussi