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AGROMÉTÉOROLOGIE

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De tout temps, les agriculteurs ont été préoccupés par l'influence des aléas des conditions météorologiques sur leurs cultures. La compréhension de ces interactions entre le sol, la plante et l'atmosphère a peu à peu fait l'objet d'une nouvelle discipline scientifique : l'agrométéorologie. Dans ces interactions, c'est en quelque sorte l'atmosphère qui impose ses conditions à la croissance et au développement des plantes par le biais d'effets thermiques, radiatifs ou hydriques, tout en représentant parfois une contrainte pour les travaux agricoles, et plus généralement pour le fonctionnement et la gestion de l'exploitation agricole.

L'agrométéorologie est, du point de vue des chercheurs, « l'étude scientifique de l'interaction entre les phénomènes atmosphériques et l'ensemble des facteurs de la production agricole ». Cette approche trouve un prolongement opérationnel pour autant que l'information ainsi créée réponde à des besoins réels de la profession agricole, et qu'elle lui parvienne rapidement, avant son échéance de validité. On distingue, à cet égard, trois types différents d'informations agrométéorologiques : le court terme, de un à cinq jours, le moyen terme, de quinze jours à deux mois, et le long terme, d'un an ou plus. De telles informations doivent satisfaire aux demandes exprimées par la profession agricole : prévision des conditions météorologiques pour la réalisation des travaux agricoles, prévision du risque de gel, prévision des risques de développement de certaines maladies liées au climat, suivi du bilan hydrique des sols, suivi des sommes de températures en liaison avec le calendrier de développement des plantes ; études agroclimatiques diverses pour le choix des cultures, des variétés et des régions d'implantation les mieux appropriées en fonction de leurs exigences écoclimatiques, etc.

Influence du climat sur la production agricole

Toute plante a des exigences vis-à-vis du climat au sein duquel elle pousse. Celles-ci se traduisent par un certain nombre de besoins climatiques : besoins en rayonnement solaire intercepté par le feuillage, besoins thermiques pour l'accomplissement de son développement, besoins en eau pour sa croissance essentiellement.

C'est pourquoi tel ou tel élément du climat peut constituer un facteur limitant pour la production agricole soit par excès, soit par défaut. On distingue trois types de facteurs limitants climatiques : le rayonnement solaire, la température (soit en tant que facteur limitant strict dans le cas du gel ou d'une forte chaleur, soit par ses effets cumulés) et l'eau (en phase liquide ou en phase vapeur). La démarche classique est d'identifier d'abord, de quantifier ensuite quels sont les facteurs limitants de la production d'une culture donnée.

Lois d'action de la température (effets cumulés)

Végétaux : température sur le développement - crédits : Encyclopædia Universalis France

Végétaux : température sur le développement

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L' expérience a montré, après les premières observations de Réaumur en 1735, que la réalisation des différents stades de développement de la plante était directement reliée aux effets cumulés, au cours du temps, de la température ambiante. On a donc déterminé expérimentalement des lois d'action de la température sur le développement d'une plante donnée. La loi donnant la vitesse moyenne de développement de la plante suivant la température est une fonction linéaire croissante, dans une gamme de températures du milieu relativement large. Il a été montré, par exemple, par Henri Geslin, du département de bioclimatologie de l'I.N.R.A. (fig. 1), dès 1944, que, pour la phase semis-germination d'une variété donnée de blé, placée en laboratoire à température constante, la durée d'accomplissement de cette phase est inversement proportionnelle à la température du lit de semence.

Ces résultats ont abouti à la notion de sommes de températures au-dessus d'un seuil, dont la définition est la suivante : « addition des écarts positifs des températures moyennes journalières de l'air sous abri relativement à un seuil donné T0, appelé seuil apparent de développement, en vue d'aboutir à une constante caractéristique propre à chaque phase de développement d'une plante ». Lorsque la température moyenne de l'air d'un jour est inférieure au seuil T0, on suppose donc que la contribution de ce jour au développement de la plante est nulle.

Céréales : besoins thermiques des maïs - crédits : Encyclopædia Universalis France

Céréales : besoins thermiques des maïs

Les besoins thermiques sont déterminés culture par culture, variété par variété, et pour chacune des phases de développement. Il faut fixer le seuil T0 et la « somme de températures » au-dessus de ce seuil entre les deux stades phénologiques (par exemple de la levée à la floraison du maïs), nécessaire à l'accomplissement de la phase de développement considérée. Le seuil (T0) de 6 0C est actuellement utilisé pour les phases de développement du maïs, du tournesol et du soja (tabl. 1).

Les effets destructeurs (gel, grêle, vents forts, fortes chaleurs)

Certains phénomènes météorologiques peuvent provoquer la destruction d'organes végétaux sensibles. On pense, bien entendu, en premier lieu aux effets destructeurs de chutes de grêle sous les cumulo-nimbus (nuages à fort développement vertical), générateurs d'orages. Un tel phénomène a une durée de vie de l'ordre de l'heure, et une extension spatiale (zone concernée) de quelques kilomètres. Il est impossible de prévoir où et à quel instant la grêle va tomber. Un événement de ce type peut totalement anéantir, en quelques minutes, la récolte annuelle d'une parcelle de vigne ou d'un verger, mais, du fait de son caractère limité dans l'espace, les dégâts de grêle, rapportés à l'ensemble de la superficie d'un département, représentent une perte limitée. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles ce risque agricole est assurable, contrairement, par exemple, au cas du risque sécheresse qui va concerner des zones importantes (comme la moitié de la France, par exemple).

Les vents forts peuvent causer des dégâts mécaniques aux plantes et aux arbres – comme la verse des céréales, qui pénalise considérablement la possibilité ultérieure de récolte mécanique. L'amélioration génétique a permis de réduire le risque en produisant des blés ou des orges aux tiges plus courtes.

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Les basses températures peuvent également avoir un effet létal sur la plante, soit par un effet de dessication des cellules, soit par formation de cristaux de glace dans l'espace intercellulaire. La sensibilité au gel varie selon le type de culture, mais également et surtout en fonction de son stade de développement. Prenons l'exemple de la vigne : en plein hiver, alors qu'elle est en état de repos végétatif, elle pourra supporter une température de près de — 20 0C sans dégât pour les bois. Au tout début du printemps, elle pourra encore supporter tout juste une température de — 8 0C. En revanche, à partir du moment où s'est produit le débourrement, un bourgeon de vigne subissant, à sa surface, une température de — 2,5 0C pourra être détruit. Il y a donc pour les plantes, au printemps, une période de sensibilité maximale au gel, dont les dates d'apparition varient d'une année sur l'autre selon la « précocité » du printemps, c'est-à-dire que, par exemple, plus les températures au mois de mars ont été douces, plus le calendrier biologique de développement de la plante va être avancé par rapport à son calendrier moyen. Ainsi, en Champagne, cette période de sensibilité au gel va se situer en avril-mai, tandis que, à Montpellier, elle se situe en mars-avril, du fait du décalage thermique lié à la différence de lattitude.

En France, les céréales sont surtout sensibles aux gels d'hiver : au-dessous du seuil de — 15 0C de température de l'air mesurée sous abri, le pied de blé peut être « déchaussé » du fait du gel du sol dans les premiers centimètres.

En automne, des gels précoces peuvent causer des dégâts, soit à une céréale d'été telle que le maïs-semence en phase de maturation, soit aux betteraves stockées à l'extérieur en silos à l'air libre, du fait du dégel qui s'ensuit.

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Le risque de forte chaleur est, en climat tempéré comme celui de la France, moins crucial en général que le risque de gel. Ce risque est difficile à quantifier pour plusieurs raisons : le seuil de température létal est plus ou moins élevé selon que la plante est en phase de repos ou en phase de croissance ; le temps d'exposition à cette température élevée joue un rôle important ; la température de surface des organes végétaux est, en plein après-midi, extrêmement variable au cours du temps ; enfin, l'effet d'une forte chaleur peut être également un effet combiné de la température en tant que telle et de la dessication de la plante, du fait du niveau élevé d'évaporation.

Un exemple classique du risque de forte chaleur est l'« échaudage » du blé. C'est un accident de croissance des grains qui peut se produire pendant une période d'une dizaine de jours, appelée « palier d'eau », lequel se situe immédiatement avant la phase de maturation physiologique du grain, au cours de laquelle il passe d'un stade laiteux à un stade pâteux. Au moment de ce palier d'eau, un échaudage peut être provoqué par une exposition de deux jours consécutifs à une température maximale sous abri supérieure ou égale à 30 0C. Il a été également constaté, pendant la sécheresse de l'été de 1990, des défauts de fécondation du maïs du fait des très fortes chaleurs observées en France au cours de la seconde quinzaine de juillet.

Les changements climatiques attendus au cours du xxie siècle (cf. Les impacts prévisibles des scénarios de changements climatiques sur la production agricole), qui conduisent à une augmentation des températures estivales de l'air, devraient rendre ce risque de forte chaleur plus fréquent. Ils pourraient inciter ainsi l'agriculteur à des choix de variétés, voire des cultures elles-mêmes, plus tolérantes à la chaleur et moins sensibles à l'eau quant à leurs rendements (par exemple, la substitution du tournesol ou du sorgho au maïs auparavant cultivé).

Effets des déficits hydriques et de la sécheresse

Pour certaines cultures, dites de printemps-été et semées, en France, en général entre la fin du mois de mars et le début du mois de mai, une part importante des fluctuations interannuelles des rendements est due à ce qu'on appelle le « déficit hydrique ». Celui-là peut être quantifié par différentes variables. Il correspond à une situation où la culture n'a pas pu trouver dans le sol et en extraire l'eau qui lui aurait été nécessaire pour évapotranspirer de la même manière que si elle avait été irriguée, et donc bien alimentée en eau.

Végétaux : réactions au stress hydrique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Végétaux : réactions au stress hydrique

Pour la plante, l'état de sécheresse correspond donc à un « manque d'eau ». À partir du moment où une plante subit un déficit hydrique croissant, elle commence à réduire, dans un premier temps, l'ouverture de ses stomates, puis elle réagit par une diminution, d'abord, de la croissance de ses cellules, ensuite, du processus de photosynthèse (tabl. 2).

Céréales : rendement du maïs avec restriction d'eau - crédits : Encyclopædia Universalis France

Céréales : rendement du maïs avec restriction d'eau

La sensibilité d'une culture donnée à la sécheresse évolue au cours de l'accomplissement de son cycle de végétation. On définit, par exemple pour le maïs-grain, une « période critique » correspondant à la phase de reproduction, pendant laquelle tout déficit hydrique peut entraîner des phénomènes irréversibles du point de vue de l'organogenèse (absence de fécondation, avortements, chute d'organes floraux, etc.). Marcel Robelin, du Département d'agronomie de l'I.N.R.A., a établi, dès 1963, que, pour le maïs-grain, la période critique commence environ vingt jours avant la floraison femelle, et se poursuit dix à vingt jours après (fig. 2). Dans nos régions, cette période critique se situe en juillet-août. Une restriction hydrique sévère au cours de cette période critique peut occasionner des baisses de rendements allant jusqu'à 50 p. 100 du poids des grains. On définit également des périodes sensibles à l'égard de la croissance. Ainsi, la betterave sucrière est une plante réputée très sensible à l'eau. Toute sécheresse estivale se traduira par une diminution de son rendement en poids.

On appelle évapotranspiration d'une culture la combinaison du phénomène physiologique de la transpiration et de celui, purement physique, de l'évaporation d'eau à la surface d'une feuille, et à la surface du sol sur lequel la culture est implantée.

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Comme pour la pluie, l'évapotranspiration d'une culture s'exprime en millimètres d'eau, c'est-à-dire en litres d'eau par mètre carré de surface du sol. Elle dépend de nombreux facteurs, et en particulier des variables météorologiques que sont la température de l'air, l'humidité absolue de l'air, la durée d'ensoleillement et la vitesse du vent. On peut définir une évapotranspiration maximale (E.T.M.) correspondant à ce qu'évaporerait la culture dans des conditions de bonne alimentation en eau dans le sol, tandis que l'évapotranspiration réelle (E.T.R.) correspond à la quantité d'eau réellement évaporée en condition de culture non irriguée. Le rapport E.T.R./E.T.M. peut constituer un bon indice du « taux de satisfaction des besoins en eau » de la culture.

Évaluation des besoins en eau des cultures

L' évaporation de l'eau est consommatrice de chaleur latente de vaporisation, soit environ 2 600 joules (ou 600 calories) par gramme d'eau évaporée. La consommation d'eau totale d'une culture au cours de l'ensemble de son cycle de végétation n'est pas une constante, et ce essentiellement pour deux raisons : d'une part, le niveau de la demande maximale en eau dépend du climat, essentiellement de la température de l'air et du rayonnement solaire reçu ; d'autre part, le système de production peut être en irrigué ou en non irrigué.

L'effet du climat intervient essentiellement à travers la quantité d'énergie solaire interceptée par le feuillage et le déficit de saturation en vapeur d'eau de l'air (très lié à la température). Plus l'excédent d'énergie d'origine radiative est important, plus le niveau d'évapotranspiration sera élevé. De même, plus l'air est sec, plus la demande en évaporation sera élevée. La plante elle-même joue un rôle dans le déterminisme de son évapotranspiration, par le biais du taux de couverture du sol et par l'état de développement physiologique de la culture (phase de croissance, phase de reproduction, phase de maturation, etc.). Il a donc fallu d'abord définir, pour quantifier le stress hydrique subi par une plante donnée à un stade donné de son développement, une référence, indépendante de la culture considérée, et ne dépendant donc que du climat, l'évapotranspiration potentielle (E.T.P.), qui est « l'évapotranspiration maximale d'un gazon (une fétuque, variété Manade) couvrant complètement le sol, bien alimenté en eau et en phase active de croissance ». De l'E.T.P., on déduit l'E.T.M. – évapotranspiration maximale – d'une culture particulière en multipliant cette variable par un « coefficient cultural » (E.T.R./E.T.M.), qui varie en fonction de la culture et de la date dans l'année.

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L'évapotranspiration apparaît ainsi comme un phénomène à la fois physique et physiologique, intrinsèque aux conditions de vie de la plante : la température de la plante doit se maintenir dans une gamme de valeurs compatibles avec son fonctionnement. Pour cela, il faut que l'évapotranspiration réelle soit notable, seul moyen de « refroidissement » de la plante. Cette dernière a besoin d'eau pour répondre à cette demande hydrique d'évaporation induite par le climat, éviter toute surchauffe interne et se préserver ainsi de la déshydratation.

En France, l'évapotranspiration moyenne journalière est, en hiver, de l'ordre de 0,5 mm par jour (un peu plus, jusqu'à 1 mm/jour, sur le pourtour méditerranéen). En été, elle est, en moyenne, de 4 millimètres par jour sur la majeure partie de la France, et de 6 millimètres par jour et plus sur le pourtour méditerranéen. Elle peut atteindre des valeurs de l'ordre de 10 mm/jour en période de canicule. Les changements climatiques attendus au cours du xxie siècle ne pourront que faire évoluer l'E.T.P. à la hausse, par effet thermique et par une diminution de la nébulosité en été.

Rôle du climat en phytopathologie

Les conditions météorologiques peuvent jouer un rôle prépondérant dans le déroulement d'une séquence épidémique. Le climat agit en effet à la fois sur la plante et sur l'agent pathogène (champignon, bactérie, virus, etc.). Ainsi la température conditionne en partie, d'une part, le déroulement du cycle de développement de l'organisme pathogène, d'autre part, le calendrier phénologique de la plante elle-même, un élément important à analyser sachant que certaines phases phénologiques, par exemple la floraison, peuvent correspondre à des phases de sensibilité accrue de la plante à l'agent pathogène. Selon les cas, l'agent pathogène sera sensible à la température, à l'humidité, aux rayonnements (il peut, par exemple, être détruit par une exposition à des rayons ultraviolets). De plus, la présence d'eau libre à la surface des organes végétaux (feuille, tige, fleur, etc.) peut faciliter la prolifération de la maladie et la contamination de la plante.

Le vent ou les gouttes de pluie peuvent également faciliter la dispersion de spores.

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Pour certaines maladies dont le déterminisme météorologique du développement a pu être établi et quantifié, des systèmes de prévision des risques phytosanitaires ont été mis au point. On peut citer le cas du « feu bactérien » (maladie qui attaque les poiriers et les pommiers, apparue en France dans les années 1980), ou ceux de la rouille du blé ou de la pyrale du maïs.

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Écrit par

  • : ingénieur diplômé de l'École polytechnique, ingénieur civil de la météorologie, responsable du département coordination régionale à Météo France
  • : ingénieur des Ponts et Chaussées, responsable de la division d'agro-météorologie, Météo France

Classification

Médias

Végétaux : température sur le développement - crédits : Encyclopædia Universalis France

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Céréales : besoins thermiques des maïs - crédits : Encyclopædia Universalis France

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