YAḤYĀ KHĀN AGHA MUḤAMMAD (1917-1980)
Chef de l'État pakistanais de mars 1969 à décembre 1971.
Né à Chakwal, près de Peshawar, dans le nord-ouest du Pakistan, le général Yahya Khan était un Pathan, appartenant au peuple martial qui a fourni des légions de soldats d'abord à l'armée des Indes, ensuite à celle du Pakistan. Il était issu d'une famille aisée ; son père était officier de police et il fit ses études à Lahore avant de suivre les cours de l'académie militaire de Dehra Dun. Il servit en tant qu'officier dans les rangs de l'armée royale britannique sur plusieurs théâtres d'opérations. Après la séparation de l'Inde et du Pakistan en 1947, il devint responsable de l'instruction dans l'armée pakistanaise, commanda divers bataillons et fut le plus jeune officier à accéder à l'état-major. Proche du maréchal Ayoub Khan (1958-1969), il se vit attribuer le commandement militaire au Pakistan oriental et au Cachemire pendant la guerre de 1965 avec l'Inde, ainsi que des missions à caractère diplomatique (voyages à Moscou et à Pékin) ou civil (supervision du plan d'aménagement de la nouvelle capitale, Islamabad). En 1966, il fut nommé général en chef des forces armées, et, en 1969, il devint chef de l'État. Le mouvement autonomiste de la ligue Awami (« du peuple ») qui défendait les particularismes culturels et linguistiques des Bengali au Pakistan oriental avait alors le vent en poupe ; il était dirigé par une personnalité charismatique, Mujibur Rahman. En novembre 1970, un cyclone fit des centaines de milliers de victimes au Pakistan oriental ; l'armée se révéla incapable de porter secours aux sinistrés. Cette défaillance attisa l'antagonisme entre les deux ailes du pays. Le général Yahya Khan survola bien les régions endommagées, mais il ne prit pas conscience de la dimension de la catastrophe... ni de l'ampleur du vent qui se levait. « Le peuple du Bengale devra, si nécessaire, faire le sacrifice d'un autre million de vies humaines s'il veut être un peuple libre et maître de son destin », lança de façon prémonitoire Mujibur Rahman.
Le chef de l'État sous-estimait grandement l'influence de la ligue Awami. Il pensait que les différents courants politiques, musulmans notamment, lui dameraient le pion aux élections. Aussi fixa-t-il la date de celles-ci, sans trop de craintes, au 7 décembre 1970. Or, le Parti autonomiste ne remporta pas seulement la quasi-totalité des sièges au Pakistan oriental ; il obtint la majorité absolue à l'Assemblée constituante, à la complète surprise des autorités.
Le général Yahya Khan, soumis à la double pression des hauts dirigeants militaires appréhendant le moment où le pouvoir leur échapperait, et d'Ali Bhutto, chef du parti majoritaire au Pakistan occidental, se livra à une valse hésitation pour empêcher Mujibur Rahman de prendre le contrôle du gouvernement central. Le chef de l'État fit entendre qu'il ne validerait pas les travaux de l'Assemblée constituante si ceux-ci devaient menacer l'intégrité du pays ; il reporta la date de l'ouverture de sa réunion ; puis, il se rendit, le 15 mars 1971, à Dacca, capitale du Pakistan oriental, où se développait un puissant mouvement de désobéissance civique. Soumis ainsi à la pression de la rue, le général sembla donner son accord à un plan présenté par les autonomistes bengalis et prévoyant la formation d'une confédération pakistanaise.
Mais, simultanément, de très importants renforts militaires étaient acheminés par avion au Bengale. Et, le 25 mars, Yahya Khan regagnait Islamabad après avoir donné l'ordre aux troupes pakistanaises d'en finir avec les « salauds » de la ligue Awami, dont il dénonça d'une voix tremblante de colère les dirigeants « despotes assoiffés de puissance ». Mujibur Rahman fut arrêté. Atroce et sanglante, la[...]
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Écrit par
- Gérard VIRATELLE
: rédacteur au service étranger du journal
Le Monde
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