Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ACHÉENS

Le monde achéen

Le catalogue des vaisseaux, dressé par Homère (d'après une très vieille liste des États), nous donne un tableau géographique des royaumes achéens aux environs de la guerre de Troie (xiiie siècle). À cette date, l'État achéen comprend la Grèce centrale, Athènes, l'Eubée, Salamine, le Péloponnèse avec les deux royaumes d'Argos et de Mycènes, Pylos, l'Arcadie, l'Élide, les îles Ioniennes et l'Étolie, la Crète et les îles de l'Égée, la Grèce du Nord avec la Thessalie. La Grèce semble donc avoir été morcelée en un certain nombre de principautés d'importance diverse, il n'est pas possible d'affirmer qu'il s'agissait d'un empire unifié autour d'une capitale : Mycènes, la plus puissante des villes achéennes au xiiie siècle. Nous n'avons aucune trace d'un tribut payé au souverain de celle-ci par les autres princes : au contraire, Argos, Cnossos, Pylos, Tirynthe, pour ne citer que les plus riches des cités, semblent avoir joui d'une souveraineté et d'une puissance égales à celles de Mycènes. Chaque royaume achéen, avec son palais-forteresse, possédait, semble-t-il, une indépendance complète ; l'union n'était réalisée qu'en temps de guerre, et l'on est allé jusqu'à conclure, avec une hardiesse non dépourvue d'intérêt, que « le morcellement politique de la Grèce du Ier millénaire est déjà en germe dans la Grèce achéenne, de même que ces confédérations qui unissent plusieurs États devant un ennemi commun » (Lévêque).

Mais la valeur « historique » du catalogue des vaisseaux est très contestée par d'autres historiens. Vernant, par exemple, estime que l'État achéen devait être unifié et hiérarchisé, les nécessités de la guerre et le maniement des chars imposant une autorité et une centralisation rigoureuse. L'État achéen offrirait l'image classique de la pyramide : le roi, au sommet, entouré des seigneurs de sa cour (reste d'un compagnonnage guerrier comme chez les Hittites ?), dominant les princes locaux ou provinciaux, régnant sur un peuple d'artisans, de paysans libres et d'esclaves. On est alors en présence de deux thèses. Pour les uns, l'État achéen ressemblerait aux États asiatiques contemporains, centralisés autour d'un despote qui, de son palais, dirige et contrôle tout ce qui concerne la paix et la guerre. Pour d'autres, il constituerait plutôt une sorte de royaume féodal avec ses « barons » et ses « comtes » (Webster).

Quoi qu'il en soit, les tablettes permettent seulement de poser avec certitude l'existence, aux environs de la guerre de Troie, d'une monarchie bureaucratique appuyée sur une aristocratie guerrière, gouvernant à l'aide de scribes, véritable classe professionnelle, secondée par toute une hiérarchie de fonctionnaires : inspecteurs, surveillants, sous-surveillants. Le palais du roi est le symbole hautain et grandiose de ce pouvoir : sur son acropole, cette forteresse entourée de murs en blocs de pierre énormes, dits « cyclopéens », abrite les habitants du plat-pays en temps de guerre. L'organisation du monde achéen, à coup sûr, nous donne une image aussi éloignée que possible de l'aimable et pacifique monde minoen.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • MYCÉNIENNE CIVILISATION

    • Écrit par
    • 199 mots
    • 1 média

    La civilisation mycénienne a été ainsi appelée du nom de Mycènes (Argolide), son premier site à avoir été fouillé (1874). Sa phase finale, durant l'Helladique Récent III B (1300-1200) est bien connue, grâce au déchiffrement, en 1952, de l'écriture linéaire B, qui a révélé que la langue de ces...

  • ÉGÉEN MONDE

    • Écrit par
    • 11 199 mots
    • 15 médias
    ...l'essentiel des récits qui donneront plus tard naissance à l'épopée homérique. L'histoire d'Agamemnon réunissant sous ses ordres une coalition de princes achéens contre la ville de Troie, c'est la traduction sur le mode épique de l'hégémonie de Mycènes, mais c'est aussi celle d'un fait réel. Les recherches...
  • GRÈCE ANTIQUE (Histoire) - La Grèce antique jusqu'à Constantin

    • Écrit par et
    • 11 765 mots
    • 6 médias
    ...ces États ? Il est presque impossible de le dire, de même qu'on ne peut savoir s'il existait entre eux des liens de dépendance qui auraient permis aux Achéens d'entreprendre les vastes expéditions que supposent la conquête de la Crète et, si elle eut lieu, la guerre de Troie. La connaissance que nous...
  • HOMÈRE

    • Écrit par , et
    • 12 014 mots
    • 5 médias
    ...1250 av. J.-C., beaucoup plus proche de la ville que de nos jours, à moins de 2 kilomètres. Du même coup, l'hypothèse de l'établissement de la flotte achéenne non pas sur la côte nord de l'Hellespont mais à l'ouest de la Troade, dans la baie de Bésika, est avancée comme une possibilité à considérer....