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TEMPORALITÉ

Terme abstrait, mais qui se veut concret. La temporalité est le temps vécu par la conscience, celui dont elle fait l'expérience et qui déploie, à partir du présent (seul moment que saisisse une attention opérante), un passé qui est fait de rétentions utilisées comme acquis et comme appoint pour l'action (mais c'est le présent qui somme et interprète ce qui fut actuel et ne l'est plus) et un futur qui est fait de protentions, c'est-à-dire de projets, de possibilités nouvelles (mais c'est encore le présent qui anticipe l'avenir, en fonction de ses souvenirs et de ses prises). À la distinction proposée par Bergson entre temps qualitatif (celui de la durée intérieure) et temps quantitatif (celui des chronomètres), Gaston Berger ajoute celle du temps existentiel (ou temps à tonalité affective) et du temps opératoire (ou temps de l'action sur les choses, qui est objectif, mesurable).

Alors que les Anciens concevaient le temps comme cyclique (périodes ayant un contenu identique et se répétant sans fin), les Modernes le considèrent comme linéaire (progression d'une histoire orientée ou, du moins, d'une évolution indéfinie). Quant aux physiciens, ils parlent de « temps propre », par opposition au temps du sens commun ; ils admettent une pluralité des temps propres, par impossibilité de rapporter tous les phénomènes de l'univers à un seul et même temps. Mais le temps des physiciens n'est pas la temporalité, qui est la vie même de la conscience et qui comporte les trois opérations décrites plus haut (par emprunt partiel aux analyses phénoménologiques de Husserl). En outre, la temporalité comporte un élément dramatique : elle vit une menace, celle de l'instant ultime, qui sera la fin, la caducité de tout projet.

— Henry DUMÉRY

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Écrit par

  • : professeur de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Henry DUMÉRY. TEMPORALITÉ [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • TEMPORALITÉ (littérature)

    • Écrit par François TRÉMOLIÈRES
    • 1 018 mots

    De la notion de temporalité, on ne retient le plus souvent que la signification philosophique : elle désigne la dimension existentielle, vécue, du temps. Mais il s'agit aussi d'un terme grammatical qui indique la valeur ou le caractère temporels d'un fait de langue. Le linguiste ...

  • TEMPORALITÉS (histoire)

    • Écrit par François HARTOG
    • 1 052 mots

    Il n'y a pas d'histoire sans dates, rappelle-t-on parfois, et avec raison ! Mais le temps est à ce point le quotidien de l'historien que ce dernier risque d'en faire un usage simplement classificatoire. La démarche chronologique est chez lui comme une seconde nature. Différentes pourtant...

  • AFFECTIVITÉ

    • Écrit par Marc RICHIR
    • 12 228 mots
    ...Kant : la raison) et la sensibilité qui se ferme dans la passion à ce même excès en se l'appropriant et en l'utilisant à son profit pour s'y endurcir. L'affect s'ouvre à l'excès par le biais de la temporalisation, mais d'une temporalisation qui, on le sait, échoue à se reprendre, c'est-à-dire échoue au...
  • BACHELARD GASTON (1884-1962)

    • Écrit par Jean-Jacques WUNENBURGER
    • 3 478 mots
    • 1 média
    ...Avant de s’adonner à ce projet d’une exploration complémentaire de l’imagination poétique exclue de la science, Bachelard a rencontré la question de la temporalité, largement développée par Bergson. Déjà, l’expérience du langage poétique l’incite à s’opposer à la primauté de la durée...
  • BERGSON HENRI (1859-1941)

    • Écrit par Camille PERNOT
    • 8 128 mots
    • 1 média
    Le changement est inséparable du temps, et la philosophie bergsonienne s'élabore en contrepoint d'une réflexion sur celui-ci. « Durée » est le nom donné par Bergson à la perception du temps réel, qu'il oppose à la notion commune (pragmatique et sociale) du temps, ainsi qu'à son concept...
  • CYCLE

    • Écrit par Alain DELAUNAY
    • 692 mots

    Une conception cyclique du temps a souvent été comprise par la pensée moderne comme la marque du primitivisme d'une culture ou le symptôme d'une régression archaïsante chez un sujet. Une telle conception, dans les deux cas, résulterait d'une attitude de fuite devant la réalité de l'irréversibilité...

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Voir aussi