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TROUBADOUR STYLE

La peinture troubadour : l'anecdote historique

Quand Fleury Richard, visiteur assidu du musée de Lenoir, où il chercha son inspiration, exposa Valentine de Milan pleurant la mort de son époux Louis d'Orléans (musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg) au Salon de 1802, la critique salua cette œuvre comme appartenant à un genre nouveau. Ce nouveau type de peinture, reconnu comme inclassable selon la hiérarchie des genres, fut alors dénommé « genre anecdotique », c'est-à-dire à mi-chemin entre la peinture d'histoire et la scène de genre. Les peintres pratiquant le « genre anecdotique » retinrent de l'histoire de France ancienne non de grands événements mais des anecdotes, et représentèrent rois et personnages célèbres dans des attitudes familières (Henri IV jouant avec ses enfants de Pierre Révoil, musée du Château de Pau) ou dans des situations émouvantes (La Vallière carmélite de Fleury Richard, musée Pouchkine, Moscou ; Condamnation à mort de Marie Stuart de Jean-Baptiste Vermay, Napoleonmuseum, Anenenberg), et les héros « chevaleresques » chers à La Curne Sainte-Palaye (Duguesclin au tournoi de Rennes de Pierre Révoil, musée des Beaux-Arts de Lyon ; Bayard faisant chevalier François Ier, de Louis Ducis, musée du Château de Blois). Ces artistes cherchèrent également leur inspiration dans les contes de fées, alors perçus comme la première littérature française (Peau d'âne de Louis-Antoine Laurent, musée de Brou à Bourg-en-Bresse). Ces peintres, pour leurs tableaux de petit format (« peintures en miniature », note la critique), utilisaient une facture lisse et minutieuse, proche de celle des peintres hollandais du xviie siècle, en particulier Gérard Dou.

<it>Jeanne d'Arc prisonnière à Rouen</it>, P. Révoil - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Jeanne d'Arc prisonnière à Rouen, P. Révoil

Les meilleurs représentants de ce « genre anecdotique », et les plus caractéristiques, sont Richard l'initiateur, Laurent et Révoil. Ingres fut également attiré par les anecdotes historiques (Henri IV jouant avec ses enfants, Léonard de Vinci mourant dans les bras de François Ier, musée du Petit Palais à Paris) mais se départit de l'exécution minutieuse propre au « genre anecdotique ». D'une façon originale, Ingres concilie l'inspiration « troubadour » et le « grand style » de la peinture d'histoire.

La peinture de « genre anecdotique », que l'on dénomma plus tard « troubadour », s'essouffla vers 1824, au moment où triomphait le romantisme. Des historiens de l'art ont qualifié de troubadour certaines peintures romantiques à sujets médiévaux (des tableaux d'Eugène Devéria, d'Ary Scheffer, de Delacroix...). Or il est impossible d'assimiler les tableaux d'histoire des romantiques, où le sens du drame prime, à la peinture silencieuse des troubadours. Il est difficile de rapprocher la liberté de facture des premiers à l'exécution porcelainée des seconds. Il n'est pas plus possible de rassembler dans une même catégorie les miniatures des petits maîtres des années 1800-1820 et les grands tableaux d'histoire de la fin du xviiie siècle illustrant le passé national, notamment les commandes du surintendant Angiviller (La Continence de Bayard de Louis-Antoine Durameau, Honneurs rendus au Connétable Du Guesclin de Nicolas-Guy Brenet), exempla virtutis conçus avec la gestuelle et la grandiloquence propre au « grand genre ».

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Écrit par

  • : docteur, H.D.R. du C.N.R.S. au laboratoire de recherche en histoire de l'art du Centre André Chastel

Classification

Pour citer cet article

Marie-Claude CHAUDONNERET. TROUBADOUR STYLE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Jeanne d'Arc prisonnière à Rouen</it>, P. Révoil - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Jeanne d'Arc prisonnière à Rouen, P. Révoil

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